6.1.1.1. Caractéristiques du premier réacteur d'EDF : EDF1

C'est le site de Chinon qui accueille la première génération de réacteurs nucléaires d'EDF. Située sur la rive gauche de la Loire, en aval du confluent de l'Indre, la centrale de Chinon se trouve entièrement sur la commune d'Avoine, dans le département d'Indre et Loire.

Les premières tranches nucléaires EDF sont certes construites dans la filière Uranium Naturel Graphite Gaz, mais elles ne s'insèrent pas exactement dans la lignée des piles G2 G3, contrairement à ce que prévoyaient les responsables du CEA. Théoriquement, les termes de la coopération entre EDF et le CEA étaient clairs : le CEA conçoit la partie nucléaire du réacteur, EDF la partie classique. Mais deux types de considérations allaient cristalliser les oppositions entre les ingénieurs des deux organismes : le rôle de l'industrie privée dans le projet et la conception du réacteur. Sans relater tous les conflits entre les deux organismes 360 , on peut dire que le CEA entendait poursuivre sa politique confiant à l'industrie privée le rôle de coordination de la conception et de la construction des installations. EDF de son côté, selon ses pratiques habituelles, entendait conserver le rôle de coordonateur de projet. Et la meilleure façon de maîtriser les coûts était de diviser le réacteur en différentes parties et de lancer des appels d'offre pour chacune d'entre elles. Par ailleurs, les ingénieurs d'EDF entendaient que leur réacteur fabrique de l'électricité de façon optimale, ce qui n'était pas le cas de G2 dont la fonction première était la production de plutonium.

L'avant-projet du réacteur EDF1 est commandé par EDF au CEA en juillet 1955 avec une puissance électrique prévue de 60MW. Mais les raisons mentionnées plus haut expliquent pourquoi la conception finale d'EDF1 s'avère différente sur presque tous les aspects de celle de G2.

L'élément combustible est la caractéristique fondamentale de ce type de réacteur puisque c'est autour de lui que la centrale est construite : les barreaux pleins de G2 G3 ont été remplacés par des tubes creux (de diamètre 14/35 mm) qui permettent un meilleur refroidissement et donc d'obtenir des températures maximales de l'uranium plus élevées. Leur réalisation a nécessité d'allier l'uranium à du molybdène (1%) pour des raisons de résistance mécanique. Les échanges de chaleur s'effectuent au contact de la gaine des éléments combustibles, réalisée en magnésium. Ce matériau a été choisi bien qu'il ne permette pas d'atteindre des températures élevées étant donné que sa résistance mécanique diminue très vite avec la température, mais il présente l'indispensable avantage d'être très peu absorbeur de neutrons. Le réacteur EDF1 comporte près de 140 tonnes d'uranium en 17 200 éléments. Le milieu modérateur est constitué d'un empilement de graphite disposé en un réseau carré, représentant un cylindre de 9,5 m de diamètre pour 10 m de hauteur. Le cœur du réacteur est inclus à l'intérieur d'un caisson en acier (on parle aujourd'hui de cuve), et non pas en béton précontraint comme pour G2 G3, afin d'obtenir des pressions plus importantes (25 bars pour EDF1 contre 15 à G2). Ce caisson en acier qui équipe les deux premiers réacteurs d'EDF est formé d'une partie cylindrique et de deux fonds hémisphériques et mesure 10 m de haut pour 23 m de diamètre.

A la différence de la configuration des piles du CEA qui étaient disposées horizontalement, les ingénieurs d'EDF ont opté pour une disposition verticale des canaux contenant les cartouches de combustible. Dans cette configuration, le CO2 peut être pompé par le haut, permettant de bénéficier de la convection naturelle. Grâce à ce système, le réacteur nécessitait une puissance de pompage moindre, et pouvait être plus sûr en cas de défaillance des soufflantes. La priorité donnée aux performances thermiques est symbolisée par la position des échangeurs de chaleur situés juste à côté du cœur pour limiter les pertes et à l'intérieur du bâtiment réacteur, contrairement à G2.

Coupe schématique transversale de la centrale EDF1. Source : B. Clément, M. Féger, «Le déclassement des centrales nucléaires», Annales des Mines, mars-avril 1976, p. 167.
Coupe schématique transversale de la centrale EDF1. Source : B. Clément, M. Féger, «Le déclassement des centrales nucléaires», Annales des Mines, mars-avril 1976, p. 167.

Notes
360.

Pour une présentation plus détaillée des options retenues par EDF pour la conception de Chinon 1, on consultera : G. Lamiral, op. cit., pp.28-36. Ou encore : Gabrielle Hecht, The Radiance of France, The MIT Press, Cambridge, 1998, pp. 82-85.