6.1.2. Premiers contacts à propos de la sûreté

6.1.2.1. La pile «Marius»

C'est à l'occasion de l'examen du rapport de sûreté de la pile Marius par la Commission, lors de sa troisième réunion le 21 décembre 1960, que se pose à la CSIA le problème de ses relations avec EDF. Marius est un empilement critique à graphite, prenant la suite d'Aquilon, conçu par Jacques Yvon, et qui est destiné à mesurer les caractéristiques neutroniques de ce type de pile, et en particulier l'influence de la température sur le flux de neutrons.

Lamiral explique les raisons de la naissance de Marius par le besoin d'asseoir expérimentalement les données de base théoriques : «Entre G2 G3 et Chinon A1[EDF1] la puissance du réacteur avait déjà été multipliée par 2 et celle-ci avait encore été multipliée par 2 entre Chinon A1 et Chinon A2. Pour ces 3 réacteurs, les caractéristiques neutroniques avaient été déterminées uniquement par le calcul et on commençait seulement à connaître les résultats des mesures effectuées sur G2 qui venait de démarrer. Avant de franchir un nouveau doublement de puissance, EDF par mesure de prudence, exprima vis-à-vis du CEA le désir de voir celui-ci valider, par des essais, les calculs qu'il avait effectués pour Chinon A1, Chinon A2, et qu'il effectuait pour Chinon A3. Le CEA accepta la suggestion et entre le 21 juillet et le 10 août 1958, réalisa une première série d'essais dans le cœur du réacteur G2. Le 13 janvier, il remit un projet d'empilement critique en demandant à EDF de financer sa réalisation.» 362 L'empilement Marius, situé à Marcoule, diverge le 6 janvier 1960, les essais sont dirigés par une Commission mixte CEA-EDF.

Marius fonctionnait déjà au moment de la création de la Commission. La pile est donc examinée en séance de la CSIA à titre de régularisation. L'empilement présente ainsi la particularité d'appartenir à EDF, c'est pourquoi à l'occasion de son examen, une discussion s'engage parmi les hommes du CEA sur le rôle que pourra jouer la Sous-Commission de Sûreté des Piles (SCSP) pour les installations n'appartenant pas au Commissariat. Le sentiment qui émerge parmi les membres de la commission est qu'EDF semble rechercher le contact avec la SCSP, «avec une certaine prudence, due certainement au souci de sauvegarder son indépendance», note-t-on. Témoignant de sa bonne volonté, EDF a transmis à cette date sept rapports au Secrétariat de la SCSP. Le Procès-verbal de la réunion précise : «Il semble que la SCSP, complétée par des éléments provenant des organismes analogues d'EDF (s'il en existe) pourrait examiner les projets d'installations d'EDF pour donner un avis technique. La SCSP, convenablement élargie, pourrait être appelée à devenir ultérieurement l'organe de travail technique de la Commission interministérielle, prévue dans le projet de décret sur la réglementation des industries nucléaires de base.» 363

Soulignons au passage, mais nous y reviendrons, que c'est en effet à l'initiative du CEA, suivant les termes mêmes de cette proposition que va s'effectuer la mise en place de la réglementation au niveau gouvernemental. L'organisation administrative du contrôle de la sûreté nucléaire va s'instaurer conformément à cette suggestion en suivant les conceptions du CEA et de la CSIA, la SCSP faisant office d'expert technique des dossiers présentés par les exploitants de toutes sortes.

Notes
362.

Ibid., p. 40. (Souligné par nous.)

363.

PV CSIA, séance du 21/12/60, p2.