6.1.2.3. Séance du 5 juillet 1962 : examen préliminaire d'EDF1

Le premier contact entre les représentants d'EDF et la CSIA a lieu lors de la séance du 5 juillet 1962. La première partie de cette réunion est consacrée à l'examen des conditions de divergence et de démarrage d'EDF1. On peut se représenter la scène comme une sorte de tribunal, où les représentants d'EDF viennent plaider devant le jury composé des membres de la Commission du CEA. Côté CEA, sont présents Francis Perrin, Baissas, Yvon, Couture, Gemahling, Girousse et Imbert. Pour l'occasion, Jean Bourgeois s'est fait assister de Vathaire et de Teste du Bailler. Les représentants d'EDF sont messieurs Bienvenu, Léo, Morin, Roux, Stolz.

Francis Perrin ouvre la séance en rappelant que c'est à la demande même d'EDF que la Commission se réunit en séance exceptionnelle. Comme il a été convenu avec EDF, cette séance doit être consacrée aux problèmes de sûreté liés aux premières divergences, à très basse puissance, n'impliquant pas d'élévation de température d'origine nucléaire. Les problèmes de montée et fonctionnement en puissance doivent être étudiés dans une séance ultérieure quand seront connus les premiers résultats du fonctionnement à très faible puissance.

Bourgeois prend ensuite la parole pour une présentation générale des divers dossiers établis par EDF. Il souligne que le rapport de sûreté d'EDF1, établi suivant un plan discuté avec les ingénieurs du GTSP, est un «document très important»; un rapport spécial a été établi pour les expériences de démarrage à basse puissance.

L'insistance des deux parties sur l'importance du travail accompli pour ce rapport de sûreté est à souligner. Que ce soit de la part de la SCSP mais surtout de la part des ingénieurs d'EDF côté Equipement, l'accent mis sur le volume du rapport et l'effort qu'il a nécessité permettent de mesurer qu'il s'agit là d'un travail sans commune mesure avec ce qui s'est fait jusqu'à présent dans l'industrie en général. La rédaction de ce premier «rapport de sécurité» est bien une nouveauté pour l'industrie. Ecrire un tel rapport, envisageant les aspects d'un projet sous l'angle unique de la sûreté est une tâche totalement différente de la simple présentation du projet : il faut en effet justifier chacun des choix effectués en fonction de ce critère de la sécurité, apporter la preuve, faire la démonstration qu'elle est bien prise en compte, correctement traitée. Du point de vue technique, c'est l'obligation d'une réflexion supplémentaire, la nécessité de prendre du recul, de réfléchir dans une nouvelle optique.

L'étude des dispositifs de mesures et chaînes de sécurité donne un exemple de discussion technique entre les représentants d'EDF et ceux du CEA. Morin, Chef du Service Electricité et Contrôle pour la Sous-Région d'Equipement nucléaire n°3 d'EDF, décrit les chaînes de mesures supplémentaires installées pour les essais. Jean Bourgeois souligne qu'au cours de l'examen fait par la Sous-Commission de Sûreté des Piles, celle-ci a noté un recouvrement insuffisant des gammes des chambres et des compteurs BF3, précisément dans la zone présumée de divergence, d'où la suggestion faite à EDF de déterminer, dans une première expérience, l'emplacement le meilleur pour les détecteurs, pour que les gammes des diverses chaînes se recouvrent plus largement. La sous-commission de Bourgeois a surtout remarqué que les sécurités agissent par l'intermédiaire des enregistreurs ce qui peut entraîner des inconvénients sérieux si l'enregistreur vient à être bloqué fortuitement. En réponse, le responsable d'EDF indique qu'il existe à un stade supérieur une deuxième sécurité, électronique, branchée sur la chaîne de mesure logarithmique pour les essais; la sécurité sur enregistreur est une sécurité d'exploitation, qu'on laisse en service puisque la chaîne correspondante donne des indications valables au moment de la divergence.

La commission passe ensuite à l'examen des sécurités sur la pression, la température, la sécurité du personnel. Ces différentes questions posent peu de problèmes. Les représentants d'EDF décrivent alors l'organisation et la nature des essais prévus sur EDF1.

A la fin de cet examen, le Haut-Commissaire remercie les représentants d'EDF. Ces derniers sortis, M. Bourgeois remarque que le tableau de contrôle, établi d'ailleurs en accord avec le CEA, commence à dater beaucoup, du fait même des retards survenus dans la mise en service d'EDF1 : il serait souhaitable de le moderniser et de remplacer les sécurités sur enregistreurs par des appareils plus modernes. Un problème analogue se pose d'ailleurs pour certains réacteurs du CEA.