6.2. Les rapports de la CSIA du CEA avec d'autres organismes intéressés par l'énergie atomique

6.2.1. Les rapports avec l'industrie privée

Electricité de France n'est pas le seul organisme à solliciter les services de la Commission de sûreté du CEA. Les procès verbaux de la CSIA montrent en effet que de nombreux organismes font appel à l'expertise des sous-commissions, parmi lesquels la CERCA de Romans, la SENA (Société d'Energie Nucléaire franco-belge des Ardennes qui exploite la centrale de Chooz), la CICAF de Corbeville, le site de Veurey où est fabriqué le combustible de César, la Société Tréfimétaux à Rugles (Atelier de récupération de l'uranium enrichi), l'Université de Strasbourg (implantation d'un réacteur universitaire), la SFEC de Bollène, les forges de Bobigny (fabrication du combustible INCA), le centre de recherche SECEM et AEU de Pierre-Bénite, l'Usine japonaise de traitement des combustibles irradiés (Saint-Gobain nucléaire, Tokaï Mura), l'Institut Laüe Langevin pour le réacteur à haut flux. Toutes ces demandes posent des problèmes juridiques et administratifs en ce qui concerne le statut à donner aux avis que la Commission peut émettre, notamment l'engagement de la responsabilité qui découlerait pour le CEA en cas d'accident. Là encore l'absence d'une législation nationale se fait sentir.

Au delà de la sûreté des piles, de nouveaux problèmes apparaissent concernant les études de sécurité nucléaire à effectuer par le CEA pour les usines privées. En particulier pour la Sous-Commission des masses critiques, puisque le problème se pose désormais de traiter l'uranium à des taux d'enrichissement plus élevés : 3,8% pour le réacteur hollandais de Petten, 4,4% pour de nouveaux éléments combustibles baptisés «cristal de neige».

Cette question met en lumière le problème, plus général, des limites de l'intervention des Commissions de Sûreté au bénéfice de l'industrie privée, et de la responsabilité du Commissariat si, après que des conseils techniques ont été donnés à un industriel, un accident venait à survenir. Une suggestion est émise consistant, comme le fait l'AEC, à accompagner les avis de la Sous-Commission d'une note dégageant la responsabilité du CEA. Un autre problème est celui de la responsabilité des accidents qui pourraient se produire au cas où l'enrichissement des matériaux fournis par le Commissariat à un industriel quelconque serait supérieur à celui indiqué par le CEA.

Le Haut-Commissaire estime que le CEA, en matière de sécurité, doit conseiller les industriels français qui travaillent pour lui et à qui il livre, ou qui travaillent des matières fissiles. En l'absence de législation nucléaire, les industriels ne sont pas obligés de suivre ces avis mais il pense qu'ils les accepteront très probablement. Par contre, ces avis doivent être donnés sous une forme qui dégage la responsabilité du CEA, qui n'a pas les moyens de s'assurer que ses conseils sont suivis effectivement. Le Haut-Commissaire recommande la prudence : dans les conseils techniques à donner aux industriels privés, il faut envisager des sécurités basées sur des dispositifs automatiques plus que sur des consignes, dont l'application est plus incertaine dans ce cas que pour des installations du CEA 380 .

A la demande de la Sous-Commission de Sûreté des Piles, la commission étudie dans sa séance du 23 janvier 1962 le projet de Pile présenté par la société Indatom. M. Bourgeois demande des instructions sur la conduite à tenir vis à vis d'Indatom qui a sollicité un avis de la Sous-Commission de sûreté des piles sur un projet de pile de petite puissance (10kW continu - 100 kW en pointe), précisant qu'il s'agit d'un projet sans destination encore bien définie. 381 Le Haut-Commissaire estime que la Commission des Relations Industrielles devrait tout d'abord se saisir de la question pour éviter que des constructeurs privés n'élaborent, sans coordination, de multiples projets de piles, sans intérêt réel. Si le projet présenté offre quelque intérêt, la Sous-Commission de Sûreté des Piles pourrait l'examiner à titre officieux mais le Haut-Commissaire refuse catégoriquement qu'elle donne une approbation officielle, une garantie du Commissariat, sans savoir où serait installée une pile de ce modèle, et pour quel utilisateur.

Notes
380.

PV CSIA, séance du 21 décembre 1960.

381.

PV CSIA, séance du 23 janvier 1962.