6.2.2. La question des sites

Les sollicitations extérieures amènent à plusieurs reprises la commission du CEA à se poser la question de la qualité des sites susceptibles d'accueillir des installations nucléaires. L'implantation d'une installation nucléaire sur un site est une question délicate, car elle fait la jonction entre le monde des techniciens et le reste de la société. Elle oblige à un certain nombre de précautions, et la présence de populations au voisinage des sites, voire leur opposition, rend plus aiguë la question de la sûreté. La question des sites fait pénétrer directement dans une sphère plus politique, en particulier pour des sites frontaliers, car certaines instances internationales entendent exercer un droit de regard sur la sûreté de ces sites, et par ce biais, sur les activités du CEA. Les relations avec ces organismes internationaux montrent la méfiance du CEA qui craint une immixtion étrangère sous prétexte de sûreté.

Lors de la 21ème réunion de la CSIA, séance du 17 juin 1964, la Sous-Commission de Sûreté des Sites est amenée à présenter l'étude préliminaire de l'implantation d'un réacteur universitaire à Strasbourg 382 . A l'issue de l'exposé, le Haut-Commissaire recommande que la Sous-Commission de Sûreté des Piles examine avec attention les problèmes d'effluents gazeux, de contamination de la nappe phréatique, de séismicité, en vue d'adapter la pile aux conditions du site choisi. La Sous-Commission de Sûreté des Sites doit, d'autre part, recueillir les renseignements complémentaires (géologie, hydrologie), dont peuvent disposer les services de la Faculté de Strasbourg.

Au cours de cette même réunion, M. Bourgeois indique que la Sous-Commission a été sollicitée pour l'étude de la sûreté d'un réacteur à circuit primaire intégré avec caisson en béton précontraint. Le procès-verbal de la réunion ne donne pas d'autres renseignements sur le demandeur, mais Bourgeois précise que le site envisagé est à 20 km seulement du centre de Rio de Janeiro. Il fait remarquer qu'un avis officieux ne manquerait pas d'engager, dans une certaine mesure, la responsabilité du CEA, c'est pourquoi il demande la conduite à tenir pour ce type de réacteur compte tenu du site. Le Haut-Commissaire estime qu'à priori une implantation aussi rapprochée ne paraît pas souhaitable.

Lors d'une discussion en mars 1961 à propos de la pile Mélusine, M. Bourgeois est amené 383 à donner quelques indications sur les contacts qu'il a pu avoir avec les experts étrangers, en matière de sûreté des piles, lors de sa récente mission en Hollande pour l'examen de la sécurité du réacteur de Petten. Petten fait partie des centres communs de recherche nucléaire d'Euratom comme le grand complexe d'Ispra en Italie, Géel en Belgique, Karlsruhe en Allemagne. Les organismes internationaux, AIEA et Euratom, intensifient leur action en vue de superviser la sécurité des réacteurs en général, et, en tous cas, des réacteurs classés entreprises internationales. Leur action pourrait s'étendre progressivement à tous les réacteurs. C'est ce que redoute Bourgeois car les sites français «ne répondent pas aux critères de sûreté des sites que ces organismes sont en train de dégager et veulent codifier». Il y aurait ainsi de nombreux inconvénients à laisser les experts étrangers étudier et se prononcer sur la sécurité des réacteurs français, en particulier pour Cadarache.

Notes
382.

Le réacteur de Strasbourg est déclaré le 25 juin 1965 (Journal Officiel du 01/07/65).

383.

PV CSIA, séance du 15 mars 1961.