6.3.1. L'absence de cadre réglementaire spécifique aux installations nucléaires

Jusque-là, c'est la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements classés dangereux, incommodes et insalubres qui s'appliquait aux installations nucléaires. Plusieurs raisons poussèrent dans le sens de l'adoption d'un régime particulier pour les installations nucléaires. 400

Cette loi sur les établissements classés distinguait les établissements industriels selon leur dangerosité. Elle établissait un régime de surveillance, au niveau du département. Une enquête publique devait en principe précéder l'autorisation, délivrée par le préfet. Dans ce contexte, les installations nucléaires, comme les autres installations couvertes par la loi de 1917, devaient être soumises à des inspecteurs qui avaient généralement peu de compétence dans ce nouveau domaine de la sûreté nucléaire. Le petit nombre d'experts en sûreté nucléaire plaidait pour l'instauration d'un système de contrôle au niveau gouvernemental et non de doter chaque département du personnel qualifié nécessaire. D'autre part, étant donné l'importance pour le développement de l'énergie nucléaire française des installations concernées par cette réglementation spéciale, celle-ci devait être du ressort du gouvernement. Par ailleurs, la nouvelle loi devait remédier au traitement inégal entre EDF et CEA. En effet, les collectivités publiques et établissements publics administratifs tels que le CEA n'étaient pas soumis à la loi du 19 décembre 1917, alors que les installations d'EDF l'étaient puisqu'elles appartenaient à organisme commercial et industriel, bien que de service public. Des raisons internationales incitaient également le gouvernement à centraliser les questions de sûreté nucléaire. En effet, «les Normes de base Euratom» obligeaient les Etats-membres à soumettre à un régime de déclaration ou d'autorisation préalable les activités nucléaires d'une certaine importance. L'établissement par le gouvernement français d'un régime spécial pour les installations nucléaires était également un moyen de se mettre en conformité avec la Convention de Paris, signée le 29 juillet 1960 sous les auspices de l'OCDE, convention qui stipulait que tout organisme exploitant une installation nucléaire, qu'il soit industriel ou non, devait souscrire un contrat particulier de responsabilité et d'assurance.

C'est à l'occasion de la discussion de la loi n°61-842 du 2 août 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs que furent introduits dans la loi des articles destinés à servir de base légale aux décrets instituant un régime spécifique des installations nucléaires. Le premier décret pris dans le cadre de la loi de 1961 fut le décret n°63-1228 du 11 décembre 1963.

Notes
400.

Nous résumons ici les raisons avancées par G. Lamiral, pages 294 et 295 de sa Chronique…, faisant selon ses propres termes «de larges emprunts» au cours professé par J. Hébert à l'université de Nanterre.