Chapitre 7. Le cheminement vers l'affirmation d'une position française en matière de sûreté

Les premiers textes français s'exprimant sur la sûreté, au début des années soixante, reprenaient le concept américain d'accident maximum crédible, développé à la fin des années cinquante pour l'analyse de la sûreté des réacteurs. François de Vathaire, le chef du Groupe Technique de Sûreté des Piles (GTSP), première structure permanente d'expertise de sûreté du CEA, enseignait 429 ainsi à l'INSTN que l'évaluation des risques accidentels devait être conduite sur des bases raisonnablement pessimistes en envisageant le cas de l'accident le plus grave, l'accident maximum prévisible. Bourgeois, un an plus tard 430 , soulignait également l'importance d'étudier «l'accident maximum prévisible», c'est-à-dire l'accident qui pourrait entraîner les plus graves conséquences du point de vue de l'émission de radioactivité à l'extérieur. Un numéro spécial du Bulletin d'Informations Scientifiques et Techniques du CEA, le premier consacré à la sûreté, résumait les positions françaises développées au colloque sur la sécurité des réacteurs de l'AIEA en mai 1962. Faisant le bilan des activités du GTSP, il continuait d'utiliser le concept, mais relativise, parlant de «notion utile», dont les critères sont «malheureusement un peu arbitraires, et ne sont souvent motivés que par leur acceptation par un certain nombre d'experts» 431 , un concept longtemps considéré comme une «méthode pratique bien que sommaire.» 432

Malgré cela, l'examen de la sûreté des réacteurs par la Commission du CEA envisageait pour chaque pile les effets de cet accident 433 . Car faute de conception plus convaincante, les analyses de sûreté continuaient à se référer à ce concept d'accident maximal, même si l'essentiel des efforts était mené grâce à une nouvelle méthode d'analyse de la sûreté basée sur l'évaluation de la résistance de différentes barrières en série s'opposant à la fuite vers l'extérieur des produits radioactifs.

Notes
429.

F. de Vathaire, «Sûreté des installations atomiques», Cours de Génie Atomique, Volume I, Section C, INSTN, 1960.

430.

J. Bourgeois, F. de Vathaire, «Procédure administrative utilisée en France pour l'obtention des licences d'exploitation de piles», CEA, Sous-Commission de Sûreté des Piles, N°118/023, 23 Juin 1961.

431.

J. Bourgeois et al., «Problèmes de sûreté des réacteurs de puissance à uranium naturel modérés au graphite et refroidis au gaz», BIST, CEA, N°63, Juillet 1962, pp. 9-24, p. 10.

432.

J. Bourgeois, «Etudes concernant la sûreté des réacteurs», BIST, CEA, N°63, Juillet 1962, pp. 4-8, p. 4.

433.

Voir les procès verbaux des séances de la CSIA, G1 : 21/12/60, Mélusine : 15/3/61, Rapsodie : 5/12/61 et 4/4/62, EDF1 : 6/12/62, EDF3 : 20/1/66, Chooz : 17/6/66.