8.2.3.2. François Cogné

L’adjoint de Tanguy au Département de Sûreté Nucléaire n’est pas non plus un nouveau venu dans le domaine des réacteurs. François Cogné, N°3 historique de la sûreté nucléaire en France, est ingénieur de l’Ecole Nationale Supérieure de Mécanique de Nantes, aujourd’hui Ecole Centrale de Nantes, et licencié en sciences. Après avoir fait trois ans d'Algérie, il rentre au Service de Physique Mathématique du CEA, “le saint des saints du CEA”, sous la direction d’Horowitz.

François Cogné, Cliché CEA.
François Cogné, Cliché CEA.

Il participe à la physique des réacteurs et plus particulièrement des réacteurs à graphite. Dirigeant les premières expériences critiques dans ce domaine sur un petit réacteur à Marcoule, il s’occupe d’études de neutronique et de la modélisation correspondante sur les différents réacteurs à graphite qui sont développés dans les années soixante, ainsi que des études sur le recyclage du plutonium dans les réacteurs thermiques. Il se consacre à cela pendant plus dix ans, avant d'être chef de projet côté CEA pour les grands projets, notamment Saint-Laurent et Bugey1.

En 1970, François Cogné assure pendant quatre mois l'intérim à la tête du Groupe Technique de Sûreté des Piles après le départ de François de Vathaire et avant la création du Département de Sûreté Nucléaire. Pour François Cogné également, le passage côté sûreté représente un virage par rapport à ses activités passées : “C'est fin 71 que j'ai viré vers la sûreté nucléaire, au moment où l'administrateur général du CEA, Monsieur Giraud, a créé un Département de Sûreté Nucléaire, qui déjà rassemblait un certain nombre d'éléments. J'ai été l'adjoint au Chef du Département de Sûreté Nucléaire, juste au moment où l'on a commencé à préparer le grand programme nucléaire dans les années 71-73.” 506 La question de savoir quels ont été les motifs qui l’ont amené à s’intéresser à la sûreté est jugée “difficile”. Par goût personnel ? “Non, par goût je n'avais aucune envie de la sûreté. Pour moi les gens de la sûreté étaient des empêcheurs de tourner en rond; j'étais un projeteur, j'étais un développeur de l'énergie nucléaire, vraiment, je n'appréciais pas tellement les gens de la sûreté qui nous empêchaient de travailler. Mais comme m'a dit mon patron de l'époque, c'est avec les anciens voleurs qu'on fait les meilleurs gendarmes. Donc, bon, j'ai accepté quand il me l'a proposé, ça m'a paru une évolution… et j'y ai pris tout de suite de grosses responsabilités.” 507 Par contre, il n’y a aucun doute à ses yeux sur les qualités requises chez les hommes de la sûreté, dont les courtes biographies précédentes témoignent qu’avec Tanguy il les possède effectivement, et en tout premier lieu, la compétence : “Je crois que ce qui est important en matière de sûreté, c'est que les gens qui font de la sûreté sont des gens qui connaissent. Il faut que ce soient vraiment des gens qui aient participé, qui aient fait, qui aient démarré des centrales - j'ai démarré, j'ai participé et dirigé des essais physiques sur de nombreux réacteurs - il faut avoir fait, avoir manipulé, avoir fait de la physique, il faut connaître les installations, connaître la technique pour pouvoir dire quelque chose en matière de sûreté. La sûreté c'est de la technique. C'est d'abord et avant tout de la technique. Donc la connaissance de toute la technologie des installations.” 508

Avec Jean Bourgeois, ce sont ces hommes qui vont incarner l'expertise de la sûreté nucléaire en France pendant plusieurs décennies.

En 1972, la réorganisation du CEA est accomplie : la “Mission Protection et Sûreté Nucléaire” est clairement identifiée, elle dispose d’un budget de 115 millions de francs répartis entre différents objectifs : Protection de l’homme et du milieu naturel, Protection et sûreté des réacteurs, Protection et sûreté des usines et des mines, Protection et sûreté des transports, Etudes de criticité, Etudes générales de sûreté et traitement des déchets, Commission interministérielle des radioéléments.

Au sein du Département de sûreté nucléaire, Jean Bourgeois est Directeur chargé de la Commission de Sûreté des Piles. La Commission de Sûreté des Installations Atomiques (CSIA) poursuit en effet ses activités jusqu’en février 1972, date à laquelle elle est remplacée par une Commission Centrale de Sûreté des Installations Atomiques (CCSIA), présidée par le Haut-Commissaire. Elle dispose de quatre Commissions spécialisées : Sûreté des Piles, Sûreté des Laboratoires et Usines, Sûreté des Transports et Sûreté Criticité. 509 Mais ce n'est plus à partir de là qu'une organisation interne au Commissariat, car le pouvoir administratif en matière de sûreté passe entre d'autres mains.

Notes
506.

Entretien avec François Cogné.

507.

Ibid.

508.

Ibid.

509.

Note IG N°60 du 8 février 1972, signée par Jacques Yvon, Haut-Commissaire, et André Giraud, Administrateur Général Délégué.