8.5.4.2. Le regroupement de la protection et de la sûreté

L'IPSN regroupe protection et sûreté, ce qui clôt au sein du CEA les antagonismes entre le Département de Sûreté Nucléaire (DSN) et le Département de Protection (Dpr).

Un projet d'août 1973 en vue de réorganiser la protection au sein de la Mission Protection et Sûreté Nucléaire du CEA avait en effet déchaîné la colère du chef du département de sûreté nucléaire Jean Bourgeois, également président de la commission de sûreté des piles de la Commission centrale de sûreté des installations atomiques au CEA, et président du Groupe permanent réacteurs pour le compte de l'administration. Bourgeois craignait que cette réforme, en multipliant les instances, rende moins efficace l'ensemble du dispositif élaboré depuis des années, et lui retire une partie de ses compétences.

Le projet 540 du délégué, constatant «le développement considérable du domaine nucléaire et des problèmes qui sont susceptibles de se poser vis-à-vis d'une opinion publique particulièrement sensibilisée», entendait redéfinir les missions du département de Protection, dont les actions devaient être appelées à se développer considérablement. Dans l'exposé des motifs, il citait en particulier la récente publication des décrets relatifs aux rejets d'effluents dans l'atmosphère et dans les eaux qui allait imposer dans un délai de deux ans la parution des rapports de sûreté relatifs aux installations du CEA. Il invoquait encore un nouveau texte relatif au fonctionnement du Comité National d'Experts Médicaux, qui prévoyait que les plans Orsecrad lui soient soumis pour avis et que le CEA joue un rôle de conseil technique en la matière. D'autres textes au niveau européen rendaient également plus importantes toutes ces questions, présentées comme étant du ressort du Département de Protection. L'élargissement des compétences du DPr devait permettre au CEA de présenter une unité de doctrine en interne mais aussi face aux organismes extérieurs. Etant donné le caractère général des textes en vigueur, cela devait permettre d'éviter que des règles et principes de protection soient appliqués de façon anarchique dans un domaine jugé crucial. Mais ce nouveau pouvoir du Département ne devait pas toutefois empiéter sur les autres activités du CEA, c'est pourquoi il était proposé qu'une Commission de Protection soit mise sur pied, qui permettrait au Chef du DPr de recueillir l'avis de personnalités autorisées.

La réaction de Bourgeois aux prétentions du Département de Protection (Dr Jammet) fut catégorique : ces réformes ne pouvaient qu'amener confusion et inefficacité. Selon lui en effet 541 , ces projets remettaient en question un «principe fondamental» qui avait présidé à l'organisation de la CSIA en 1960, qui voulait que chaque commission ait la responsabilité de la totalité des problèmes posés par une installation, principe qui avait également été respecté lors de la création du SCSIN. Les projets de création d'une commission de protection n'apporteraient aucun progrès puisque, pour ce qui concernait les installations CEA, la sûreté était examinée par les Commissions de sûreté compétentes. Le DPr était représenté dans ces instances, il recevait les rapports de sûreté, les examinait dans les domaines de sa compétence et pouvait exprimer son avis en Commission et éventuellement le confronter avec celui des autres membres de la Commission. En ce qui concernait la sûreté des installations non CEA, le CEA était chargé de présenter un rapport devant les Groupes Permanents lorsqu'ils étaient saisis et ici également, affirmait Bourgeois, le DPr était consulté. Pour conclure sur l'aspect nuisible de ces réformes Jean Bourgeois notait que les propositions concernant les tâches du DPr semblaient lui donner des attributions qui étaient déjà, au moins en partie, celles d'autres unités du CEA, en particulier du DSN pour ce qui était des sites, des effluents radioactifs et des accidents.

Pour autant, Bourgeois n'était pas hostile à tout accroissement des compétences du Dpr, mais sur son terrain propre comme par exemple en matière d'application des normes de protection lors des opérations sur les installations. Jean Bourgeois estimait en effet que des progrès pourraient être réalisés dans ces domaines.

Le regroupement de la protection et de la sûreté met un terme à ces rivalités par la victoire des ingénieurs physiciens sur les médecins. Car pendant plusieurs décennies, ce sont les ingénieurs physiciens qui occuperont les postes de direction de l'institut : Jean Bourgeois (1976-1978), Pierre Tanguy (1978-1985), François Cogné (1985-1988), Jean Rastoin (1989-1990) pour ne citer que les premiers directeurs, purs produits du CEA.

Organigramme simplifié de l'IPSN de 1976 à 1982.
Organigramme simplifié de l'IPSN de 1976 à 1982.

SPS : Service de Protection Sanitaire
STEP : Service Technique d'Etudes de Protection
SASR : Service d'Analyse de Sûreté des Réacteurs
SASICB : Service d'Analyse de Sûreté des Installations du Cycle du Combustible
SRS : Service de Recherches de Sûreté

Notes
540.

«Projet de Note d'Instruction Générale pour la création d'une commission de protection», par André Gauvenet, en date du 22 août 1973. Archives CEA, Fonds HC, F5 13 46.

541.

Note du Directeur du DSN, J. Bourgeois, à M. le Haut-Commissaire. Note N°544 en date du 7 juin 1974. Archives CEA, Fonds du Haut-Commisaire, F5.13.46.