9.2. Du côté des analystes du CEA : l'alignement forcé sur les pratiques américaines

9.2.1. La collaboration CEA-AEC

Outre le transfert des compétences en matière de technologie des réacteurs à eau qui s’effectue chez EDF et Framatome par l’envoi en stage de nombreux ingénieurs dans les centrales américaines à la fin des années soixante, les spécialistes du CEA, détenteurs quasi exclusifs des compétences françaises en matière de sûreté nucléaire, suivent de très près l’évolution des pratiques américaines dans ce domaine. Le CEA poursuit en cela des contacts établis avec l’AEC américaine dans le cadre de contacts bilatéraux depuis les années cinquante.

Si nous revenons quelques années en arrière, un premier accord bilatéral civil avait été signé le 19 juin 1956 entre la France et les Etats-Unis, qui prévoyait entre autres l’envoi de stagiaires et de missions de l’un vers l’autre pays. Cet accord conclu pour dix ans n’est pas renouvelé lors de son expiration en 1966 par les Etats-Unis qui ne veulent pas donner l’impression à Euratom d’entretenir des relations privilégiées avec la France. Mais les contacts reprennent entre le CEA et l’AEC en 1968 à l’occasion de la réunion annuelle de l’Atomic Industrial Forum aux Etats-Unis 558 . De nombreux comptes-rendus de visites d’ingénieurs français du CEA dans les laboratoires américains apportent d'utiles indications sur la vision qu'ils ont de leurs pairs américains et sur les (r)enseignements qu’ils tirent de ces échanges.

Dans le cadre de ces accords, le CEA et l’AEC font un point annuel de leur coopération en matière d’études de sûreté des réacteurs. Ce bilan annuel est l’occasion pour les représentants français de visiter les installations américaines. Lors d'une mission 559 effectuée en 1968 qui les mène à Washington pour maintenir les contacts déjà existants avec les spécialistes des problèmes de sûreté de l'AEC, les membres du Groupe Technique de Sûreté des Piles (GTSP) transmettent cette remarque au Haut-Commissaire : «l'AEC est divisée en deux ensembles distincts, le «General Management» et la «Direction of Regulation». Cette dualité a été instituée pour que les responsables des autorisations et des règlements soient totalement séparés de ceux qui s'occupent des recherches et des projets d'installations.» 560 Vivement intéressé, le Haut-commissaire note dans la marge que le CEA «pourrait utilement s'inspirer de cet exemple». Après Washington, leur mission se poursuit par une visite au laboratoire national d'Argonne, à la Phillips Petroleum Company (Idaho), à la General Electric, à Atomics International et enfin à Hanford. D'autres missions conduisent les ingénieurs français du CEA spécialistes de la sûreté aux Etats-Unis, dans le cadre du CREST, où avec d'autres Européens, ils sont chargés de suivre l'avancement des programmes d'études et recherches de sûreté sur les réacteurs à eau.

Notes
558.

Lettre DREP 68 DR 53 du 19 novembre 1968 du Directeur des Relations Extérieures et des Programmes du CEA à l'Administrateur Général et au Haut-Commissaire. Archives CEA, Fonds “Division d’Etude et de Développement des Réacteurs”, cote USA 139.

559.

Note du chef du GTSP, F. de Vathaire au Haut-Commissaire : Compte-rendu de mission effectuée aux Etats-Unis du 5 au 14 avril 65 : Oak-Ridge, Savannah River, Washington, par lui-même. 22/4/6. Archives CEA, Fonds Haut-Commissaire, cote F2 05 19.

560.

Note N° 164/68-JPM/FLF, Compte-rendu de la mission aux USA du 8 au 26 avril 1968 par Monsieur J. Bourgeois, Chef du DEP, Monsieur A. Ferrari, transmis par J.P.Millot. Archives CEA, Fonds du Haut-Commissaire, cote F2 05 19.