9.4.4.3. La mise sur pied de la réglementation : les quatre niveaux

Après le règlement des caissons en béton précontraint de 1970 et après avoir lancé un groupe de travail sur la sécurité des cuves, l'administration s'attelle en 1973 à la rédaction d'une réglementation technique dite «générale» des centrales nucléaires, ainsi dénommée car devant s'appliquer à tous les réacteurs d'une même catégorie ou à tous les composants d'un même type.

En septembre 1973, le chef du SCSIN, Jean Servant, écrit au Directeur Général d’EDF Charles Chevrier pour lui faire part de la nécessité d’élaborer une réglementation applicable aux réacteurs nucléaires : ayant consulté à ce sujet le groupe permanent placé auprès de son service, la décision a été prise de créer un groupe de travail, intitulé “Réglementation technique générale relative à la sûreté des réacteurs nucléaires”. Constitué début 1974, ce groupe de travail est présidé par le Président du Groupe Permanent chargé des réacteurs nucléaires, Jean Bourgeois; son secrétariat est assuré par le Département de Sûreté Nucléaire du CEA. Y participent des représentants de l’Administration, du CEA, d'EDF, et des principaux constructeurs d’ensembles nucléaires. Ce groupe de travail a été chargé d’élaborer un cadre général et des propositions à partir desquelles l’Administration puisse engager la rédaction des textes destinés à constituer la Réglementation Technique Générale.

Les travaux du Groupe de travail l'amènent à proposer un classement de la réglementation nucléaire en plusieurs niveaux : un premier niveau énonce les «principes fondamentaux» de sûreté, applicables aux réacteurs nucléaires. Un deuxième niveau fixe des «critères généraux» de sûreté, alors que le troisième niveau élabore les «prescriptions techniques particulières», dont certaines auraient force réglementaire tandis que d'autres ne seraient que de simples guides, «destinés à faciliter le dialogue technique entre l'administration et ses services techniques, d'une part, l'exploitant et les constructeurs d'autre part.» 621

Ce n'est pas la précipitation qui a caractérisé la mise en place de la réglementation : les principes fondamentaux répertoriés en 1976 se présentent sous la forme d’un texte qui n’est toujours qu’un projet en juin 1980. Il en est de même avec les critères généraux de sûreté, classés en quatre chapitres en 1976, et qui ne sont toujours pas promulgués sous forme d’arrêtés en 1980, car les autorités souhaitent les mettre à l’essai. Dans l’intervalle, les premiers projets sont utilisés comme référence dans les différentes procédures d'examen de la sûreté des centrales : procédure d’autorisation des installations, rapports d’évaluation du DSN du CEA, discussions du groupe permanent, surveillance des installations par les inspecteurs des installations nucléaires de base.

La méthode de travail choisie par les autorités est de faire en sorte que les textes réglementaires ne soient pas élaborés avant l’acquisition d’une certaine expérience dans les réalisations. Ainsi, les premières installations ont été construites sans cadre réglementaire technique officiel et examinées au cas par cas. Les avis d’experts et les décisions administratives constituent la première ébauche de réglementation. Celle-ci est progressivement validée en tenant compte des remarques des différentes parties prenantes ou des difficultés pratiques de mise en œuvre. Ce sont à la fois la nouveauté des questions de sûreté nucléaire - l'industrie des PWR en France est toute récente, les techniques sont nouvelles, les usines ne sont pas encore éprouvées - et les conflits ou divergences entre les différentes parties qui expliquent la lenteur et la prudence de la mise en place de la réglementation.

Notes
621.

Banal, Cogné, Coulon, Faral, Gouzot, Loverdo, «Autorisation et normalisation … «, op. cit., p. 22.