10.3.2. L’introduction des probabilités dans la réglementation

Lors des discussions entre EDF et le SCSIN à propos de la série de 1300 MWe, la liste des conditions de fonctionnement adoptée pour le palier 900 est reprise et légèrement complétée, cette fois avec la mention des conséquences et des probabilités des événements. Sur la base d'une norme américaine (ANSI.N.18.2.) EDF propose en 1975, et les autorités acceptent, un tableau de correspondance entre plage de fréquence estimée et ordre de grandeur des conséquences maximales admissibles des divers incidents pris en compte. Les situations retenues pour la conception des tranches 900 et 1300, qu’elles résultent d’événements d’origine interne ou externe, et qui servent au dimensionnement des installations peuvent ainsi se répartir en 4 grandes catégories, chaque catégorie ayant une largeur de deux décades en probabilité. Les objectifs à atteindre sur le plan de la sûreté pour ces différents événements de dimensionnement sont de pouvoir arrêter et maintenir le réacteur à l’état d’arrêt sûr, et éviter le dégagement inacceptable de substances radioactives à la limite du site. Un tableau résume les quatre catégories, leurs plages de probabilités et les conséquences associées. 644

Source : document EDF, 1978.

* Le terme ordre de grandeur signifie que les valeurs mentionnées n’ont pas de valeur réglementaire, mais ont été proposées par l’exploitant aux autorités de sûreté qui les ont acceptées.

Au-delà de la conception déterministe basée sur la défense en profondeur retenue pour le dimensionnement, EDF est amenée, à partir de 1975, à effectuer une analyse systématique de la fiabilité des systèmes importants pour la sûreté : d'une part, la recherche des modes communs de défaillance doit permettre d'en minimiser le rôle, d'autre part, l'analyse fiabiliste permet de comparer et effectuer un choix parmi des systèmes à peu près équivalents. Les concepteurs d'EDF intègrent à leur démarche traditionnelle une analyse fiabiliste, mais ils rejettent la méthode probabiliste qui n'est perçue que comme un complément à une analyse d’ingénierie classique, à caractère déterministe : la démarche probabiliste n’est pas considérée comme un moyen de concevoir les centrales mais seulement comme un outil d’analyse, qui peut permettre de rationaliser les règles de décision utilisées à la conception. Un deuxième rôle assigné à l'analyse probabiliste par EDF serait de démontrer le caractère hautement préventif des mesures prises à la conception, à la réalisation et durant l’exploitation. Aucune étude probabiliste du style Rasmussen n'est engagée par EDF.

Notes
644.

Les accidents susceptibles d'affecter les installations sont étudiés de façon systématique. Trois grandes catégories d'accidents sont distinguées suivant leurs conséquences radiologiques.

Parmi les «incidents sans conséquences radiologiques», sont par exemple étudiés les accidents consécutifs à un retrait incontrôlé des grappes de réglage, l'introduction d'eau non boriquée par le circuit d'appoint d'eau primaire, l'arrêt des pompes de circulation, la dépressurisation intempestive du circuit primaire, la perte de l'eau d'alimentation normale.

Parmi les «incidents accompagnés d'un faible relâchement de radioactivité pouvant entraîner pour la population la plus proche de la centrale une dose inférieure à la dose légalement permise», sont envisagés la rupture d'une tuyauterie du circuit primaire de diamètre < 25 mm, des brèches sur une tuyauterie de vapeur, la rupture d'un réservoir de stockage d'effluents gazeux, ou encore le retrait intempestif d'une grappe de commande pendant le fonctionnement à pleine puissance.

Enfin sont étudiés les «accidents ayant pour conséquence un relâchement de radioactivité n'entraînant pas pour la population de dommages corporels» comme la rupture complète d'une tuyauterie du circuit primaire, la rupture complète d'une tuyauterie du circuit de vapeur ou l'éjection d'une grappe de commande.