11.1.2.2. Contenu et résultat des premières études

Ces incertitudes expliquent pourquoi les experts français chargés de l'analyse de la sûreté veulent se donner les moyens de mieux comprendre les mécanismes qui peuvent conduire à la rupture des aciers, et ainsi de vérifier le degré de conservatisme des normes américaines, données dans la section III du code ASME et suivies par les constructeurs français. Cette préoccupation n'est certes pas nouvelle pour le Commissariat puisque des études concernant d'une part l'appréciation des dimensions critiques des fissures qui conduiraient à une rupture brusque et, d'autre part, les moyens de détection en-dessous de ces dimensions critiques avaient déjà été entreprises depuis 1968 dans le cadre d'une collaboration internationale sous l'égide du Comité des techniques de sûreté des réacteurs (CREST).666

Les résultats des premières études menées à Saclay concernant les conséquences d'une rupture accidentelle de cuve invitent à poursuivre les investigations puisqu'on constate que «les premiers essais permettent de mettre en évidence une différence de comportement entre les cuves à eau sous pression et les cuves à eau bouillante et montrent qu'une fuite, même limitée, peut donner lieu à des effets mécaniques considérables sur les structures en béton armé.»667 Les incertitudes demeurant et l'intensité du programme dans la filière des réacteurs à eau augmentant, le CEA lance de nouvelles études, expérimentales et théoriques, en association avec divers laboratoires ou firmes.668

Au point de vue expérimental, différentes études visent à déterminer les caractéristiques des aciers du point de vue de la fragilisation sous irradiation, comme par exemple l'influence de la teneur en cuivre, vanadium, phosphore, carbone…. D'autres études s'intéressent à la résistance à la rupture brutale des aciers pour cuves en procédant à des tests sur éprouvettes; on cherche à mesurer l'influence des défauts en fonction de leur densité, leurs dimensions, leur position… Un autre sujet de recherche concerne les caractéristiques de fatigue de ces aciers pour lesquelles sont élaborées des courbes de fatigue, de caractéristiques de fissuration en fatigue. D'autres études s'attachent au comportement des aciers du circuit primaire face à la corrosion (corrosion intercristalline, fatigue-corrosion), ou des soudures de raccordement.

Notes
666.

Le Comité sur la technologie de sûreté des réacteurs est l’un des comités techniques de l’Agence pour l’Energie Nucléaire (AEN) de l’OCDE. Fondé en 1965, il regroupe 21 experts de sûreté nommés par les pays membres de l’OCDE et d’Euratom.

667.

CEA, Rapport annuel, 1971, p. 67.

668.

On peut citer pour exemple un contrat de coopération entre le DSN du CEA qui en assure la coordination, Euratom Ispra et Framatome, qui est lancé en avril 1976 pour une «étude probabiliste de la rupture de la cuve des chaudières nucléaires à eau sous pression» (rapport DSN n°94, puis les rapports d'avancement DSN numéros 116, 145, 177, 216, 281, 358). Les travaux sont répartis entre les trois organismes tandis que certains points particuliers font l'objet de contrats avec des laboratoires ou des universités. Le programme semble s'achever en 1982, le responsable CEA du projet, J. Dufresne, présente les résultats lors de congrès internationaux spécialisés (4th International Conference on Pressure Vessel Technology, Londres, 19-23 mai 1980; 5eme Conférence Internationale sur la rupture, Cannes, 5-10 avril 1981; Congrès ASME - Pressure vessel and piping, Orlando, 1982 06-02-07.02).