11.1.3. Le comportement du combustible

Conformément à la doctrine CEA des barrières, un accent particulier est mis sur l'étude du comportement du combustible et de sa gaine (première barrière), aussi bien en régime normal qu'accidentel. Pour Jean Bourgeois, la sûreté démarre avec le respect de l'intégrité de la première barrière, c'est pourquoi il définit le concept de «réacteur propre». Il faut veiller à ce que le réacteur fonctionne sans fuite de combustible. Peut-être est-ce là un enseignement tiré des réacteurs à graphite, où toute rupture de gaine pouvait avoir des conséquences dramatiques ce qui justifiait la présence d'un appareil de déchargement des combustibles en marche. En tout cas, ce soin porté à la première barrière se distingue de l'attitude de certains exploitants qui ont pu considérer les éléments combustibles comme des «consommables».672

Le but des études de sûreté est donc de comprendre les phénomènes qui peuvent rendre la gaine vulnérable, qu'elle soit attaquée de l'intérieur par le combustible, ou de l'extérieur par le fluide réfrigérant, et ce tout au long de la vie des assemblages combustibles. Mais ce principe étant posé, sa réalisation pratique est beaucoup moins aisée puisque cette seconde barrière n'est pas constituée d'une seule gaine, mais des gaines des 64500 crayons combustibles pour un réacteur à eau sous pression de 1000 MWe, chacune fonctionnant dans des conditions différentes. Le but de la sûreté concernant l'intégrité de la première barrière est donc de vérifier qu'aucune rupture à caractère systématique ne se produise et qu'une rupture localisée n'entraîne pas une évolution catastrophique.673

A l'appui de cette attention portée sur le comportement du combustible, les ingénieurs du CEA peuvent citer les problèmes survenus aux Etats-Unis où certaines centrales se sont vu imposer une réduction de la puissance par unité de longueur de combustible pour des motifs de sûreté.

En matière de comportement du combustible, les analystes de sûreté sont confrontés à un problème immédiat puisqu'ils doivent porter un jugement sur le combustible adopté dès Fessenheim par EDF et disposé dans un réseau de 17x17 emplacements674, différant en cela de celui utilisé dans les réacteurs Westinghouse (15x15), et dont l'absence de qualification est jugée préoccupante. Ce changement de disposition oblige notamment à envisager son influence sur la pression d'accident sur l'enceinte de confinement.

Notes
672.

Bourgeois, J., Tanguy, P., Cogné, F., Petit, J., La sûreté nucléaire en France et dans le monde, Polytechnica, Paris, 1996, p. 158.

673.

Ringot C., «Etudes techniques de sûreté», Bulletin d'Informations Scientifiques et Techniques - CEA , N°209, décembre 1975, pp. 5-14.

674.

Le cœur d'un réacteur de 900 MWe est composé d'environ 150 assemblages combustibles, chacun constitué de 264 crayons combustibles disposés en un réseau carré de 17x17 positions. Chaque crayon (1 cm de diamètre environ, 4m de hauteur) est composé d'une gaine en zircaloy à l'intérieur de laquelle sont empilées des pastilles cylindriques d'oxyde d'uranium (272 pastilles par crayon).