11.2.4.2. Accidents de puissance : le programme CABRI

Conçu à l'origine en 1964 pour étudier les transitoires sur les réacteurs à eau, Cabri va servir à partir de 1973 à mener des études visant à modéliser les phénomènes complexes intervenant au cours d'un accident de réactivité sur un réacteur à neutrons rapides.

Comme indiqué plus haut, les surgénérateurs présentent un risque particulier vis-à-vis des accidents de réactivité étant donné la nature du cœur qui n'est pas dans sa configuration la plus réactive. Plusieurs scénarios peuvent conduire à un emballement de la réaction en chaîne et à un dégagement colossal d'énergie en un temps très bref. Pour mieux comprendre ces phénomènes, les chercheurs étudient le comportement du combustible soumis à des rampes de variation de puissance élevées, simulant ce qui se produirait par exemple en cas d'éjection de barres de contrôle ou encore l'emballement d'un réacteur.

Lancé en 1973 en commun par la France et l'Allemagne à la suite des essais américains effectués sur le réacteur TREAT dès 1959, le programme CABRI est rejoint par le Japon en 1975, l'Angleterre l'année suivante, les Etats-Unis en 1978. Les premiers résultats sont obtenus en 1978 et le programme s'achève en 1987.

Le principe des expériences menées sur Cabri à Cadarache est le suivant : une aiguille d'UO2 est introduite dans une cellule d'essais, reliée à un circuit extérieur assurant une circulation de sodium. La cellule est placée au centre d'un cœur de réacteur thermique de type piscine. Le retrait de certaines barres dites «de départ», provoque par dépressurisation d'hélium 3 les transitoires expérimentaux, dont la puissance peut atteindre 5000 fois la puissance nominale pendant quelques millisecondes. Pressions, températures, débits, déplacements sont mesurés et interprétés par des modèles théoriques. Ceux-ci doivent ensuite servir de base aux projeteurs pour l'établissement d'un code global permettant de traduire l'ensemble des effets produits par ce type d'accident.

Au cours de quinze années de fonctionnement, deux chefs de projet, un Français et un Allemand auront coordonné le travail d'expérimentation, une vingtaine de techniciens étrangers auront été détachés à Cadarache pour participer à la préparation et à l'analyse des essais.

Finalement, les spécialistes de sûreté du CEA estiment que CABRI a été une réussite. Le programme «a permis d'obtenir des données précieuses dans un domaine difficile à explorer. Les objectifs scientifiques qui avaient été fixé au départ ont été atteints (…) Ce programme a été un exemple réussi de coopération internationale dont le succès a permis à l'ensemble des pays engagés dans l'étude des réacteurs à neutrons rapides de disposer d'une base d'information commune sur des aspects sensibles de la sûreté de ce type de centrale.»690

Notes
690.

Bourgeois, J., Tanguy, P., Cogné, F., Petit, J., La sûreté nucléaire en France et dans le monde, Polytechnica, Paris, 1996, p. 160.