12.2. Les sites et la contestation

Au cours de la deuxième moitié des années soixante dix en France, la question des sites cristallise tous les problèmes que pose une installation nucléaire. C'est une question où les conflits seront vifs entre les différents acteurs. On peut dire que c'est l'un des rares dossiers où EDF peut être pris en flagrant délit de mensonge par omission. Certains sites proposés et acceptés voient une opposition franche, mais non publique, des experts de sûreté chargés de les analyser, étant donné les risques que fait peser l'environnement sur la centrale ou la trop forte densité de population autour de l'installation. Autour du thème des sites se manifestent également des conflits entre les différentes administrations et ministères, sur fond de contestation antinucléaire.

L'implantation d'une installation nucléaire sur un nouveau site a été l'objet des premières inquiétudes et des premières oppositions à l'énergie nucléaire de la population voisine des terrains sélectionnés. Dès le choix du site de Saclay par le CEA, Frédéric Joliot se rend lui-même sur place pour désamorcer les craintes des populations riveraines. Le choix des sites de Marcoule et de Cadarache voient également une résistance de la population, qui dans le dernier cas obtient la modification des plans des installations prévues. Mais ces oppositions restent très locales et ne marquent pas un rejet de principe de l'énergie atomique.

Les premiers sites à accueillir les réacteurs de production d'électricité d'EDF - Chinon, Saint-Laurent-des-Eaux, Bugey, Brennilis ou Chooz - sont acceptés sans difficulté par l'opinion locale qui y voit, selon EDF, «une chance de développement économique, une chance d'accéder à la modernité.» 713 Le site de Fessenheim est le témoin de la naissance d'une première contestation contre l'implantation d'une installation, contestation qui reste cependant limitée dans les années 1970-71 à des manifestations de quelques centaines de personnes.

Le contexte change en 1974 avec le lancement d'un vaste programme nucléaire décidé par le Premier ministre Pierre Messmer. Les décisions prises le 6 mars 1974 placent à nouveau la question de la sûreté des sites sous les feux de l'actualité. Le temps n'est plus où les techniciens pouvaient choisir quelques sites sans une analyse préalable trop poussée car le nombre de centrales à construire était faible au regard des possibilités offertes. A partir de 1974-1975, l'accélération du programme d'équipement nucléaire fait que 30 à 35 sites nouveaux doivent être trouvés dans les vingt-cinq prochaines années puisque l'on prévoit l'implantation de 150 nouveaux réacteurs pour une puissance de 170 GWe.

Notes
713.

Michel Dürr, «Le tournant nucléaire d'Electricité de France», in : Henri Morsel (dir.), Histoire de l'Electricité en France, tome III, Fayard, Paris, 1996, pp. 693-782, p. 769.