12.2.3.1. Le sentiment d'abandon des hommes de l'Equipement

Les difficultés rencontrées dans les procédures d'obtention des sites provoquent chez les techniciens un sentiment de trahison par les «politiques». A l'Equipement d'EDF, on règle quelques comptes. A propos du site de Plogoff, on rappelle que c'est le préfet qui «exprima le désir que le choix du site, parmi les sites possibles fût laissé aux instances régionales et demanda à EDF de mettre au point son projet discrètement, sans rapport avec les populations locales.» 725 C'est ce qui expliquerait que les habitants eurent par la suite l'impression d'être méprisés par EDF.

Les techniciens d'EDF ont la forte impression d'avoir servi de bouclier pour le gouvernement face à la population : «L'engagement à partir de 1974 d'importants programmes nucléaires résultait directement de la volonté du gouvernement. Dans ces conditions on aurait pu penser que les Pouvoirs Publics feraient leur affaire de la réponse à la contestation nucléaire ainsi que du déroulement et de l'aboutissement des procédures nécessaires aux implantations d'ouvrages afin qu'EDF et plus précisément la Direction de l'Equipement n'eût qu'à remplir sa mission qui était de construire des ouvrages. En fait, les Pouvoirs Publics laissèrent pratiquement à EDF toute la charge de la justification des programmes nucléaires et de l'implantation des centrales. EDF dut créer et développer des services de documentation et d'information, organiser des réunions contradictoires à différents niveaux et organiser des voyages de groupes. Certains ministères et administrations, au lieu d'aider EDF dans ses actions se comportèrent en véritables censeurs, comme ils l'auraient fait avec un particulier voulant implanter des installations dangereuses.» 726

En effet, la complexité du processus due aux nombreuses procédures préalables à l'ouverture d'un site, la pression de l'opinion et des opposants, conduisent en 1976-1977 à un enlisement qui risque de perturber profondément le déroulement du programme. En 1977, on constate à la Direction de l'Equipement l'indisponibilité de plusieurs sites pour la date programmée de leur mise en chantier. «Quatre sites nouveaux affectés aux années de programme 1977-78-79 étaient frappés d'«indisponibilité administrative», laquelle paralysait ainsi 10 600 MW destinés à entrer en service industriel en 1982-85. La hiérarchie des critères de choix se trouvait donc bouleversée, et caduques les études comparant les facultés d'insertion dans l'environnement géographique, économique et humain. Défaits aussi, les marchés optionnels passés avec les fournisseurs. Plus rien ne comptait qu'une réponse à la question primaire : où implanter immédiatement les tranches nucléaires inscrites aux programmes et dont le défaut empêcherait, quelques années plus tard, EDF de remplir son devoir de service public en desservant correctement les besoins de la consommation ?» 727

Cette notion de service public revient souvent comme justification. Une procédure clé de l'implantation fait d'ailleurs référence à l'Utilité Publique des constructions.

Notes
725.

Lamiral, op. cit., p. 223.

726.

Lamiral, op. cit., p. 233.

727.

Herblay, op. cit., p. 247.