13.2.2. Les réactions en France

L'accident de Three Mile Island provoque peu de réactions du public français, l'accident n'arrive même pas à redonner vie à la contestation nucléaire, sur le déclin après les manifestations violemment réprimées à Creys-Malville en 1977.

13.2.2.1. Premières réactions officielles

La question qui est immédiatement posée en France aux responsables de l'énergie nucléaire est de savoir si un accident semblable est oui ou non possible aussi en France.

La réponse du premier ministre Raymond Barre dans le journal Le Monde du 3 avril 1979 est à l'évidence loin de correspondre à la réalité, qui met l'accent sur des différences de conception entre les réacteurs français et celui de TMI : «C'est un événement considérable... Il est plus considérable par ses retombées psychologiques que par la réalité technique que nous pouvons observer. Sur cette réalité technique, je ne peux encore rien dire... Si la centrale de Three Mile Island est du même type que les réacteurs construits en France, cette centrale présente des caractéristiques techniques très différentes et le scénario qui s'est déroulé aux Etats-Unis ne pourrait se présenter de la même façon en France. Nous avons, en effet, des systèmes de sécurité qui prennent en compte de tels accidents techniques et ceci nous met à l'abri de conséquences qui pourraient être considérables.»

Le premier ministre, qui n'entend pas remettre en question son programme électronucléaire, a au moins l'excuse de ne pas être un spécialiste des questions nucléaires. C'est moins vrai de la part du directeur de la centrale de Fessenheim qui déclare le lendemain dans le même journal (Le Monde, 4 avril 1979) : «Au vu des renseignements qui me sont parvenus lundi, je puis affirmer que Fessenheim est à l'abri d'un accident comparable à celui de Three Mile Island.» 779

Les spécialistes de sûreté apparaissent beaucoup plus conscients et honnêtes, même si la suite montrera qu'ils n'estiment pas encore les conséquences de l'accident à leur juste valeur : dans un entretien au mensuel La Recherche, ils affirment eux qu'un accident semblable à celui de TMI est envisageable en France, si l'on entend par semblable, un accident qui aurait les mêmes conséquences, à savoir des dommages graves pour la centrale, une dégradation importante des combustibles, une forte augmentation de la radioactivité dans le circuit primaire, un rejet de radioactivité notable dans l'enceinte et dans le bâtiment auxiliaire, et un rejet faible mais non négligeable dans l'environnement. 780

Notes
779.

Cités par La Gazette Nucléaire, N°26/27, mai-juin 1979, p. 9.

780.

Tanguy Pierre, Cogné François, «Après l’accident de Three Mile Island : où en est la sûreté nucléaire ?», La Recherche, N°102, Juillet-Août 1979, pp. 799-804. Propos recueillis par Martine Barrère.