13.3.4.3. Les études de sûreté sur les accidents graves

Parallèlement à la mise au point des procédures ultimes et afin de les valider, les études sûreté se réorientent sur les accidents sévères et les cœurs sévèrement dégradés afin d'améliorer les connaissances sur leur déroulement, les possibilités de les maîtriser ou de limiter leurs conséquences. Les recherches s'orientent également vers l'étude de séquences accidentelles plus physiques et plus réalistes que celles des accidents hypothétiques : on déplace l'accent mis jusque-là sur la rupture double débattement, au profit de l'étude d'accidents avec des brèches de toutes tailles.

L'orientation des recherches en direction des accidents graves peut être résumée, pour les réacteurs à eau sous pression, par les différentes étapes des études menées sur le réacteur Phébus de l'IPSN 816 . Entre 1979 et 1989, diverses séries d'expériences sont effectuées pour vérifier expérimentalement le comportement mécanique et thermique d'un faisceau de 25 crayons combustibles représentatifs des assemblages d'un réacteur 900 MW soumis à un accident de perte de réfrigérant primaire (APRP ou LOCA).

La première partie du programme baptisé «Phébus LOCA» s'attache à reproduire sur la gaine des crayons combustibles une évolution de la température et de la pression voisine de celle prévue par l'analyse de sûreté en cas de rupture guillotine de la branche froide du circuit primaire. Phébus doit reproduire le scénario de l'accident : à partir d'une valeur nominale de 300°C, on étudie la température de la gaine jusqu'à 1200°C (Phase I et II du programme).

Les expériences se poursuivent à partir de 1984 avec le programme «Phébus CSD» (Cœur Sévèrement Dégradés) dont l'objectif est d'étudier les phénomènes physiques qui interviennent dans la dégradation d'un cœur de réacteur dans le cas où sa température atteindrait des valeurs au-delà de 1200°C. Dans un premier temps (phase III), les essais se déroulent entre 1200 et 1850° (température de fusion des gaines). Ils se poursuivent avec la phase IV pour des températures allant jusqu'à 2800°C (température de fusion de l'oxyde d'uranium).

Tous ces essais sont menés en parallèle avec la mise sur pied de codes de calcul chargés de les interpréter. Le code CATHARE (Code d'Analyse Thermo-Hydraulique des Accidents des Réacteurs à Eau) développé pour les essais des phases I et II, modélise un accident de perte de réfrigérant primaire avec fonctionnement des systèmes de refroidissement de secours. Le code ICARE développé pour les phases III et IV décrit lui la dégradation d'un cœur pour les accidents graves avec défaillance des systèmes de refroidissement de secours.

A partir de 1986 est étudié le programme «Phébus PF» (Produit de Fission) qui démarrera en 1989 en collaboration avec de nombreuses organisations internationales. Après des expériences à taille réduite permettant d'évaluer individuellement chacun des phénomènes se produisant lors d'une séquence accidentelle, ces connaissances sont intégrées sous forme de modèles physiques dans des codes de calcul d'accidents. Ces codes sont soumis à de nombreuses vérifications à l'aide d'essais complémentaires. Intervient alors Phébus PF qui se veut une expérience globale ayant pour objet de vérifier qu'aucun phénomène élémentaire n'a été oublié. L'installation Phébus PF est le modèle réduit d'un réacteur 900 MW (facteur d'échelle 1/5 000 environ) : elle comprend un réacteur d'une puissance de 40 MW, un dispositif d'essai, une portion de circuit simulant le circuit primaire et un réservoir de 10 m3 représentant l'enceinte de confinement. Dans le cadre du développement des connaissances sur les accidents graves, Phébus PF simule l'enchaînement des processus physico-chimiques dans le circuit primaire qui gouvernent le relâchement des produits de fission qui se trouveraient libérés hors du combustible jusque dans l'enceinte de confinement à la suite de la fusion totale ou partielle du combustible d'un réacteur. Phébus PF apportera de nombreux renseignements sur les accidents de fusion du cœur, parfois surprenants. 817

Notes
816.

En 1983, ce sont près de 400 personnes qui travaillent au sein du Département d'Etudes et de Recherches en Sécurité (DERS) de l'IPSN, dont les trois quarts sur le site de Cadarache où est située l'installation Phébus.

817.

Voir Partie V.