14.2.2. L'enjeu pour la sûreté

Il serait vain de chercher dans les publications officielles une explication de l'enjeu de ces fissures pour la sûreté. La Gazette Nucléaire, reprenant les éléments de la CFDT, explique, elle, que l'existence de ces fissures fragilise une partie essentielle du réacteur nucléaire et que par ailleurs «la rupture des tubulures de cuve comme la rupture des plaques tubulaires des générateurs de vapeur constituent des accidents non pris en compte dans la construction du réacteur nucléaire et dans l'élaboration des parades de sûreté car ces accidents sont considérés comme impossibles.» 834 Pour le Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire, la question est d'autant plus sérieuse qu'aucune parade n'est prévue à une rupture de ces pièces : «Les autorités françaises chargées de la sûreté ont accepté que ces ruptures ne soient pas prises en compte dans le dimensionnement des installations en raison des assurances données par Framatome et EDF sur le niveau élevé de qualité, tant de conception que de réalisation de ces pièces, qui devait exclure tout risque de fissure ou de défaut pouvant conduire à leur rupture». 835

Le GSIEN, après la CFDT, essaie d'envisager les conséquences ultimes d'une rupture, qui n'ont pas été évaluées par les études de sûreté puisque ce type d'accident est considéré comme impossible : «La rupture d'une tubulure de cuve peut être assimilée - au minimum - à la rupture de la soudure entre la tubulure et la tuyauterie primaire, qui est prise en compte aujourd'hui dans l'étude de sûreté de l'installation et justifie l'existence du refroidissement de secours. Mais on ne peut exclure un élargissement de la brèche au niveau de la cuve ainsi que des réactions mécaniques qui induisent d'autres ruptures sur le circuit primaire : ces deux situations rendraient inefficaces les systèmes de refroidissement de secours du cœur et pourraient conduire à la fusion de celui-ci. La rupture ou même une fuite importante sur les plaques tubulaires des générateurs de vapeur auraient pour conséquence la projection de l'eau du circuit primaire (radioactive) dans l'atmosphère extérieure. A l'heure actuelle, seule est prise en compte la rupture d'un tube de générateur de vapeur (sur les 1300). Cet accident est classé dans la catégorie des accidents les moins probables et aux conséquences radiologiques les plus élevées et pourtant il se serait produit tout récemment sur la centrale de Prairie Island (Westinghouse) aux Etats-Unis.» 836 Après ces hypothèses pessimistes, l'auteur met en évidence les incertitudes scientifiques à propos des phénomènes de fissuration pouvant conduire à la rupture de ces pièces et à des accidents très graves. Selon lui, à partir du moment où il y a des fissures dans la pièce de métal, la rupture ne peut être exclue, elle doit avoir une certaine probabilité qui doit être prise en compte dans les calculs de sûreté, pour que le cas échéant l'on mette au point des parades.

Notes
834.

La Gazette Nucléaire, N°29, Septembre 1979, p. 5.

835.

Ibid., p. 7.

836.

Ibid., p. 7.