16.1.3.1. Anomalie des grappes de commande des tranches 900

A six mois d'intervalle, deux incidents affectent les grappes de commande qui assurent l'arrêt du réacteur. Ces deux incidents sont dus à la même cause, la rupture de l'un des 24 crayons d'une des 53 grappes de commande, provoquée par une usure importante du gainage due à un phénomène de fatigue. Ces incidents mettent en lumière le vieillissement des installations et l'usure plus rapide que prévue de certaines de leurs parties. Mais là ne réside pas le problème fondamental aux yeux des autorités de sûreté qui reprochent à EDF son manque d'anticipation qu'illustrent sans conteste ces deux incidents.

Le 9 septembre 1988, sur le réacteur 1 de Dampierre, l'un des 24 crayons absorbants de neutrons d'une grappe de commande est trouvé cassé en partie supérieure au cours de permutations entre assemblages combustible des grappes de commande. Six mois plus tard, le 1er avril 1989, c'est le réacteur 4 de Gravelines qui est incriminé : lors d'une baisse volontaire des grappes de commande afin d'arrêter l'installation pour travaux, une des 53 grappes reste bloquée à un niveau intermédiaire. Même si cet incident est sans conséquence immédiate pour la sûreté de l'installation - l'arrêt complet du réacteur a pu être mené à bien sans difficulté - il est classé au niveau 2 de l'échelle de gravité car il est précurseur de l'accident de non-fonctionnement des grappes de commande alors qu'elles sont requises, l'ATWS américain (Anticipated Transient Without Scram).

Les grappes de contrôle permettent le contrôle et l'arrêt de la réaction nucléaire et doivent chuter librement sous l'effet de leur propre poids pour assurer les arrêts de sécurité. Elles comportent 24 crayons. Ces crayons viennent s'introduire, lors du mouvement de descente de la grappe à l'intérieur des assemblages combustibles, dans des logement prévus à cet effet. Lors des deux incidents constatés, l'un des 24 crayons d'une grappe de commande s'est rompu. Mais alors qu'à Dampierre cette rupture n'a pas gêné le mouvement de la grappe, à Gravelines, un ressort présent dans le crayon est sorti de son logement et s'est bloqué à l'intérieur du tube de guidage, empêchant la chute complète de la grappe. La rupture de l'un des crayons est due à une usure importante du gainage résultant d'une phénomène de fatigue. A la suite de l'incident, EDF propose de nouveaux critères plus sévères de rebut des grappes après contrôle de leurs crayons.

La difficulté est venue du fait que l'anomalie était de caractère générique, même si elle ne concerne que les tranches de 900 MWe. La méthode radicale pour traiter la question a été de prévoir le remplacement de toutes les grappes de commande des tranches de 900 MWe dès que possible : EDF cependant, confrontée à un problème d'approvisionnement, a dû se rabattre sur une stratégie plus fine. Une discussion difficile eut lieu avec les experts de l'autorité de sûreté sur les critères à adopter : à partir de la cinétique d'évolution du phénomène qui était relativement lente, il a été décidé de définir une politique fondée sur des contrôles renforcés et l'engagement d'effectuer le remplacement des grappes avant la fin 1990.

L'incident de blocage de grappe sur Gravelines 4 est un exemple indéniable d'une anticipation insuffisante de la part d'EDF. L'expertise de l'incident précurseur de Dampierre aurait dû également être plus prompte.