16.3.1. La fuite du barillet de Superphénix en 1987

Le premier incident est une fuite de sodium détectée en avril 1987 sur le barillet de transfert et de stockage du combustible de Superphénix 1000 . Le défaut à l'origine de la fuite est une fissure horizontale d'une longueur de l'ordre de 60 cm ayant provoqué un débit de fuite allant jusqu'à 40 litres par heure. Cet incident conduira le SCSIN et à sa suite le ministre de l'industrie à refuser en décembre 1987 leur accord au redémarrage de l'installation, malgré un avis favorable du groupe permanent d'expert.

A la suite de la fuite de sodium du barillet, le réacteur est arrêté le 26 mai 1987, sur décision de l'autorité de sûreté, mais seulement plusieurs semaines après la détection de la fuite, à cause d'un «délai de réaction excessif» 1001 de l'exploitant qui a tardé à informer l'administration. La fuite de sodium du barillet est analysée par le groupe permanent chargé des réacteurs le 13 novembre 1987. Sont particulièrement examinées la conception et la fabrication d'un certain nombre de matériels importants pour la sûreté. Il s'agit pour le Service central de s'assurer que les composants principaux comme la cuve, les enveloppes contenant le sodium des circuits primaire et secondaire ne sont pas susceptibles de défaillances semblables à celle du barillet. Les causes des défauts ayant entraîné la fuite ne sont pas connues à cette date, mais il ressort que l'organisation de la qualité et la qualité proprement dite de la fabrication de ce composant étaient insuffisantes. Cependant, estimant que les résultats des études ne remettent pas en cause la sûreté de l'installation, le groupe permanent donne un avis favorable au redémarrage. C'est ce premier avis qui n'est pas suivi par l'autorité de sûreté. En décembre 1987, le ministre chargé de l'industrie demande à l'exploitant de réexaminer certaines dispositions de sûreté du réacteur. Les points essentiels de la demande sont la qualité de conception et de fabrication des principaux composants du réacteur et en particulier la cuve principale 1002 , la mise au point d'une procédure ultime (U4) permettant de faire face à une éventuelle fuite de la cuve principale du réacteur, et la définition de nouveaux moyens de manutention pour remplacer le barillet défaillant.

L'instruction technique durera vingt mois. 1003 Un travail considérable a été effectué par le CEA et EDF ainsi que par les analystes experts du SCSIN. Pour vérifier si la qualité de réalisation était discutable, il a fallu relire les dossiers de fabrication et surtout relire les 25.000 radiographies des pièces. Sur les 2 500 radiographies prises initialement sur la cuve principale, la relecture à révélé une quinzaine d'indications, dont 9 avaient été identifiées lors de la fabrication. Sur les six nouvelles indications, deux ont une longueur significative. Du côté d'EDF et du CEA, un robot spécial a été développé (le MIR ou Module d'Intervention pour les Réacteurs rapides) pour être introduit entre la cuve principale et la cuve de sécurité. Equipé de détecteurs, il doit pouvoir contrôler les soudures. Plusieurs centaines de modifications ont été réalisées, dont une vingtaine importantes. C'est le cas en particulier du système de détection de fuites de sodium, qui était trop sensible pour fonctionner en ambiance industrielle et provoquait trop d'alarmes intempestives. C'est ce qui explique que l'alarme du 7 mars 1987 n'avait pas été traitée suffisamment rapidement par les opérateurs.

Le redémarrage du réacteur est autorisé en janvier 1989. Après neuf mois de fonctionnement, le réacteur est arrêté (du 7 septembre au 14 avril 1990) pour des opérations normales de maintenance. A cette occasion, la DSIN demande à l'exploitant d'analyser pour la centrale de Superphénix les conséquences d'incidents de réactivité observés sur Phénix au cours des mois d'août et de septembre 1989.

Notes
1000.

La centrale Superphénix, implantée à Creys-Malville à une cinquantaine de kilomètres de Lyon et exploitée par la société NERSA, a été construite à partir de 1976. Elle a divergé pour la première fois le 7 septembre 1985 et a atteint la pleine puissance le 9 décembre 1986. C'est un prototype industriel de la filière des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, d'une puissance électrique de 1200 MWe.

1001.

Selon les termes du Rapport d'activité 1992 de la DSIN, p. 97.

1002.

Le réacteur Superphénix comporte quatre cuves. La première est celle du barillet où des fissures ont été constatées, elle est en acier noir (15D3). La deuxième cuve est celle de rétention du barillet, avec la même nuance d'acier. On trouve ensuite la cuve principale du réacteur, qui est elle en acier inoxydable, et enfin la cuve de rétention de cette dernière, elle aussi en acier inoxydable. C'est l'acier 15D3 qui est considéré comme suspect. Trois facteurs déterminants ont été associés à la fissuration de la cuve : des contraintes résiduelles consécutives à des opérations de soudage, une sensibilité particulière de la nuance d'acier à la fragilisation par l'hydrogène et une charge mécanique importante fruit d'une erreur de conception.

1003.

Le Groupe permanent se réunit le 16 juin 1988 pour examiner les solutions proposées par l'exploitant pour remplacer le barillet de stockage. Il se réunit à nouveau le 27 octobre 1988 pour examiner la demande de l'exploitant d'une autorisation de redémarrage de l'installation dans une première phase limitée, pendant la période des travaux de modification du barillet. Une nouvelle réunion du Groupe Permanent aura lieu le 13 juillet 1989 avec pour objet l'examen de la sûreté de la centrale de Creys-Malville en vue de la délivrance de l'autorisation de poursuivre l'exploitation de la centrale.

Rappelons qu'une réunion du Groupe Permanent correspond à un grand examen de passage, préparée par un volumineux dossier rédigé par un rapporteur de l'IPSN. L'instruction technique au quotidien est menée par l'IPSN, et également par le BCCN pour les composants en acier comme le barillet ou la cuve.