18.5. Le contexte modifié

Du point de vue de l'administration, l'évolution dans le sens d'une plus grande ouverture était difficilement évitable, car d'autres acteurs se mêlent au débat et demandent des comptes.

18.5.1. L'implication des hommes politiques

Par rapport aux décennies précédentes, le contexte dans lequel évolue le contrôle de la sûreté nucléaire est sensiblement modifié. C'est par exemple l'Office parlementaire qui s'intéresse à ces questions et va à partir de 1990 publier un bilan annuel intitulé «Contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires». L'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a été créé par une loi de juillet 1983 avec pour mission de fournir aux députés et aux sénateurs les moyens d'évaluer les conséquences de l'évolution scientifique et technologique sur l'organisation économique, politique et sociale de la France. Après un premier rapport sur les pluies acides en 1985, l'Office publie en décembre 1987 un rapport sur les «Conséquences de l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl et sûreté et sécurité des installations nucléaires». Le texte, dont les rapporteurs sont les sénateurs Jean-Marie Rausch et Richard Pouille, met en cause la crédibilité du contrôle administratif et préconise la création d'une agence nationale, indépendante des pouvoirs publics. En décembre 1989, le débat sur l'énergie à l'Assemblée nationale fait apparaître la demande d'une plus grande transparence du système du contrôle du nucléaire. Certains exprimeront même la volonté de créer une Haute autorité du nucléaire ou la prise en charge directe par le Parlement d'une supervision du système de contrôle. A la suite de ce débat, l'Office se voit confier en 1990 une mission d'examen de l'organisation du contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires. C'est ainsi que le député Claude Birraux, associé pour le premier rapport au sénateur Franck Sérusclat, en vient à publier chaque année son bilan sur le contrôle de la sécurité du nucléaire. Ces rapports émettent des recommandations sur les structures des organismes de contrôle, qui vont dans le sens d'une plus grande indépendance des autorités de sûreté et de leur appui technique l'IPSN. Pour Claude Birraux, l'ambition est de «mettre toutes les pièces du dossier du contrôle et de la sécurité sur la table, atteindre une transparence complète.» 1070

Hormis l'Office parlementaire, de nombreuses associations locales ou nationales interrogent également l'autorité de sûreté. Les archives du Conseil Supérieur de la Sûreté et de l'Information Nucléaires abondent de lettres émanant d'associations, de personnalités locales qui demandent à en faire partie pour renseigner leurs concitoyens, adhérents, clients… Le CSSIN en effet fait une place plus grande à la société civile, et est le lieu d'expression de divergences, et de relais d'information. Depuis 1982, le CSSIN s'est ouvert à d'autres que les hautes autorités du nucléaire, en particulier aux syndicalistes et à quelques opposants. Outre un rôle accru de relais d'information depuis 1987, le CSSIN aborde certains sujets, comme les déchets ou la radioprotection des travailleurs, pour lesquels il élabore des propositions.

Sur le terrain, on note la multiplication des Commissions locales d'information (CLI). Ces commissions devaient porter une réponse à l'inquiétude des populations et à leur besoin d'une information moins officielle, considérée comme partisane. En effet, à la suite de la Commission Locale de Surveillance de Fessenheim créée en 1977, et celle de Saint-Laurent-des-Eaux créée en 1980, une circulaire du Premier ministre du 15 décembre 1981 allait lancer la création par les conseils généraux de ces Commissions Locales d'Information, placées auprès des grands équipements énergétiques, en fait principalement nucléaires. La circulaire prévoyait que les commissions seraient composées pour moitié au moins d'élus (maires, conseillers généraux, parlementaires), mais également de représentants des organisations syndicales, des milieux industriels et agricoles, des associations agréées de protection de l'environnement et de personnes qualifiées (universitaires, chercheurs). Ces commissions auraient pour mission à la fois d'organiser l'information des populations et de suivre l'impact des équipements. Si la contre-expertise de Fessenheim effectuée en 1989 à la demande de la Commission Locale de Surveillance du Conseil Général du Haut-Rhin reste un cas isolé, les initiatives locales amènent l'autorité à une plus grande communication sur ses activités.

Notes
1070.

Claude Birraux, «Pour la transparence du nucléaire», Revue Générale Nucléaire, 1991, N°5, Septembre-octobre, p. 380.