L'internationalisation précoce des questions de sûreté a limité la tendance à l'ossification nationale des raisonnements des experts.

L'internationalisation a fortement contribué à faire évoluer les pratiques des spécialistes de sûreté nucléaire de par le monde. Dès le milieu des années cinquante, avec la première conférence des Nations Unies de Genève en 1955, les questions de sûreté ont fait l'objet de débats internationaux, et toute la communauté nucléaire a en particulier pu bénéficier des apports des experts américains qui avaient une avance considérable en la matière. Cette internationalisation a conduit à élargir, approfondir et uniformiser les réflexions, à créer un noyau commun des concepts et des techniques nécessaires à l'obtention d'une bonne sûreté. Certains raisonnements ont pu être rapidement modifiés, comme en particulier le fait de considérer qu'il revient à chaque ingénieur de gérer la sûreté de son installation, et que nul n'est besoin d'institutionnaliser un regard extérieur, indépendant de celui du concepteur, du constructeur ou de l'exploitant. La pratique consistant à confier l'examen des projets à un groupe d'experts plus ou moins indépendants des concepteurs, établie aux Etats-Unis dès la fin de la seconde guerre mondiale, sera généralisée dans toute la communauté nucléaire, en France à partir de 1960. Cette internationalisation a limité la tendance à la cristallisation de raisonnements «nationaux» d'experts, qui admettent ici tel scénario comme impossible alors que l'ensemble de la communauté des spécialistes de sûreté s'accorde pour penser qu'il faut en tenir compte, alors que les machines sont par ailleurs semblables. La nécessité du confinement, la possibilité de fusion du cœur, la nécessité de l'éloignement des sites urbains ou la prise en compte d'accidents allant au-delà des accidents de dimensionnement ont ainsi fait l'objet de consensus progressifs entre les experts des différents pays.