Des textes pour convaincre

Si l’on compare les textes officiels, autant dans leur structuration qu’au travers des pourcentages des mots distincts, nous pouvons avancer que, dans l’ordre chronologique d’apparition, leurs objectifs changent. Par essence, un texte officiel prescrit. Il s’adresse à des agents de l’Etat qui puisent en lui la légitimité de leurs actes et le sens de leurs actions. Il leur est demandé, en tant que fonctionnaires, de l’appliquer dans le cadre de leurs missions de service public. Nous constatons que les textes officiels manifestent de plus en plus l’intention de convaincre les lecteurs de la politique éducative poursuivie par structuration des propos et répétition de termes : il s’agit de préciser et d’établir de nouvelles règles de fonctionnement du service public d’éducation vis-à-vis des publics en difficulté. Les indications nouvelles sont à mettre en place. Bien qu’il s’agisse d’instructions ; nous décelons une volonté de rencontrer la conviction des acteurs. Le tableau suivant est éloquent : les textes sont de plus en plus longs et les idées avancées, afin d’être expliquées, sont davantage répétées 62 .

Textes 9 février 1970 25 mai 1976 9 avril 1990
Nombre de mots 514 1463 3235
% de mots distincts 54,3 39,8 29,2

Ce glissement argumentatif peut être interprété de plusieurs façons. Si l’on évacue l’hypothèse simpliste d’une tentative ministérielle de reprise en main autoritaire du fonctionnement des structures spécialisées, il n’est pas exclu que le ministère veuille indiquer davantage son intention et préciser les grandes orientations. Il faut garder à l’esprit que le nombre d’enfants orientés dans les structures spécialisées, peu ou prou par l’intermédiaire des G.A.S. ou des G.A.P.P., augmente constamment. Il faut donc, afin d’éviter un emballement par effet structurel – la survie institutionnelle pousse spontanément une structure à s’auto-alimenter même si les besoins réduisent ‑ et ruiner les intentions affichées, indiquer le plus précisément possible le mode de fonctionnement des dites structures et corriger certaines dérives. De plus, les professionnels de ces structures ont besoin de savoir ce que l’on attend d’eux. Avant 1970, de nombreux maîtres spécialisés soit subissaient l’autorité d’un I.E.N. isolé dans sa « baronnie », soit ne savaient pas comment organiser pratiquement leur travail. Cette série de textes apporte des réponses sur l’autorité qui les dirige. Hélas, l’Inspection Générale critiquera avec vigueur le corps des inspecteurs qui n’a pas été à la hauteur des attentes sans en préciser les raisons :

‘« Une telle situation mérite attention. Les inspecteurs de l'Education nationale sont responsables de la politique de l'adaptation et l'intégration scolaires dans leur circonscription, mais les difficultés qu'ils rencontrent, notamment dans l'évaluation des réseaux d'aides spécialisées, devraient appeler une étroite collaboration avec l'inspecteur spécialisé, conseiller technique de l'inspecteur d'académie dans ce domaine. Cette pratique, mieux développée, devrait corriger ce qui peut apparaître, dans certains cas, comme une carence de l'institution. » 63 .’

Cette approche globale ne doit pas nous interdire d’interroger dans le détail ces textes fondateurs.

Notes
62.

La répétition n’est pas en soi un indice d’argumentation. Elle pourrait signaler une pauvreté argumentaire. Nous repoussons cette explication.

63.

Inspection Générale, Les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, op. cit., pp 54 à 56