Partie 2 : l’identité professionnelle des rééducateurs

La première partie a montré une rééducation à la croisée de théories et de pratiques. Sa définition l’a présentée dans une position opposée à l’école, au moins dans sa forme théorique. Si cette opposition est exacerbée, ne faudrait-il pas mettre de côté la rééducation dans une institution qui lui soit propre ? Si son rôle est nécessaire et reconnu par les instructions officielles comme c’est le cas dans la dernière circulaire du 5 mai 2002, quel effet est produit sur le corps des rééducateurs par les critiques et les dénis de reconnaissance dont ils sont l’objet ? :

‘« Deux rapports de l’Inspection Générale ont beaucoup contribué à renforcer ces opinions négatives et à déstabiliser les personnels qui se sont sentis niés dans leurs compétences professionnelles. Ces rapports ont ouvert la voie à des dérives institutionnelles, certains I.E.N. ayant tenté de les substituer aux textes officiels 450 […] ».

Le modèle théorique de la rééducation a montré une pratique qui ne tire sa légitimité et sa pertinence que de sa proximité de l’éducation scolaire. Si l’on retire la rééducation scolaire de l’enceinte scolaire, elle ne serait au mieux qu’une technique hybride psycho-pédagogique, au pire, une approche psychothérapique sans fondement théorique stable. Il lui faut donc rester tout contre l’école pour exister. L’effet sur les praticiens, les rééducateurs, au lieu d’assurer leur statut institutionnel, le rend ambigu. Qu’en est-il de l’identité professionnelle des rééducateurs ? Peuvent-ils générer une identité sociale fondée sur des valeurs suffisamment stables et reconnues pour être constructive ? Si tel n’est pas le cas, ne seraient-ils pas les boucs émissaires du malaise de l’école devant les difficultés à lutter efficacement contre l’échec scolaire ; échec que ces mêmes rééducateurs sont dans l’obligation institutionnelle de désigner et de traiter ? Nous pensons que l’entre-deux qui fonde la rééducation, fonde aussi l’identité professionnelle des rééducateurs. Cet entre-deux, aussi instable et perturbant qu’il soit devient le principe même de leur existence institutionnelle : il leur permet de reconnaître et d’accompagner les élèves en difficulté vers un mieux être scolaire suffisant permettant une reprise de l’éducation scolaire.

Notes
450.

LUCIANI (Dominique), « Ethique et fonctionnement du R.A.S.E.D. », Envie d'école n°30 (mars - avril 2002): p 25.