A l’instar de l’enseignant qui dispose d’une multitude d’identités composant une identité originale, le rééducateur créera la sienne en toute originalité : « Le moi est un objet fait comme un oignon, on pourrait le peler et on trouverait les identifications successives qui l’ont constitué » 498 Les travaux de Pascal BOUCHARD 499 , inspirés de ceux de Jacques LACAN, nous permettent de tracer les prémisses de l’identité des rééducateurs à l’image de celle des enseignants qu’ils sont encore statutairement mais dont ils n’empruntent plus les gestes.
La première couche serait de l'ordre du dicible, du simple, du visible. Le rééducateur est un fonctionnaire chargé par l'état de mettre en œuvre des missions dans le cadre des lois républicaines et démocratiques. Cette simplicité n'est qu'apparente puisqu'une part personnelle d'appréciation est laissée à chaque rééducateur. Tout n'est pas fait, par tous, partout de la même manière. Une transposition didactique de la rééducation est à l’œuvre en limitant le possible théorique au réalisable dans l’ici et le maintenant. Cette transposition reste encore à étudier.
Une autre couche est constituée par la légitimité. Elle leur est accordée par le savoir acquis lors de la formation en I.U.F.M. Le statut du savoir oscille entre deux modalités : la croyance (la part personnelle) et la vérification (la part valable quelle que soit la personne, le savoir objectif).
La troisième couche est constituée par le fait que le rééducateur appartient à un corps professionnel qui use de solidarités. Ses actes sont fondés par l'interdit de l'inceste. Dans la réalité, les décisions des prises en charge des élèves ne sont pas dévolues aux rééducateurs mais aux parents et aux élèves eux-mêmes.
Une autre couche est constituée par son intégration multiple dans des institutions diverses (fonction publique, grade, discipline, établissement, mouvement associatif, culture locale, classe sociale, etc.). Ces appartenances peuvent entrer en conflit : le rééducateur devient un lieu de conflit lorsqu'il doit choisir une appartenance contre une autre (projet d’école contre culture locale, conflit entre grades, options du gouvernement et finalité de l'éducation, etc.).
Cette multitude d’identités est à rapprocher des conclusions de Jean-Louis DEROUET qui décrit l’identité professionnelle des enseignants comme un montage composite 500 . L’auteur montre que les enseignants interrogés « apparaissent clairement en situation de justification. » 501 Nous retrouvons le cas des rééducateurs vis-à-vis de l’institution comme nous le présenterons plus loin dans le chapitre consacré à l’analyse des représentations émises des rééducateurs.
Au delà de cette approche impressionniste, il nous est nécessaire d’aborder une définition du professionnel.
LACAN (Jacques), Le séminaire – Livre III, Les psychoses, Paris, Seuil, 1981, cité par DUBAR (Claude) op. cit., 1991, p 25.
BOUCHARD (Pascal), La morale des enseignants, (Paris: Lharmattant, 1997)
DEROUET (Jean-louis), "La profession enseignante comme montage composite," Education permanente n°96 (1988-4): p 62. « […] les enseignants doivent se composer une identité, toujours instable et toujours révisable, en agençant des éléments empruntés à plusieurs logiques. »
Ibid., p 62.