L’enseignant comme ouvrier

Les sociologues marxistes avancent l’idée que les enseignants se prolétarisent. De plus, cette profession ne correspond pas aux cadres théoriques du marxisme. Elle fait partie des classes moyennes et ne produit pas de plus-value. Comme la théorie marxiste polarise en deux classes la société et que les signes distinctifs existeraient, le choix fut fait de la prolétarisation. BOWLES et GENTIS 520 ont indiqué en 1971 l’appel d’experts extérieurs aux établissements scolaires pour établir les programmes, l’évaluation, l’orientation et les outils professionnels. L’établissement scolaire s’apparenterait à une chaîne d’assemblage. Les années 80 auraient multiplié les signes : le travail est étroitement contrôlé, les programmes sont davantage définis, certains contenus sont assimilés par l’intermédiaires de machines programmés. L’enseignant ne serait qu’un « presse-bouton ». Cette prolétarisation s’avèrerait très avancée aux Etats-Unis. Cette approche technique du métier d’enseignant s’accompagne d’une augmentation des tâches annexes (administration, surveillance, corrections, etc.) et donc une réduction du temps libre. L’identité des enseignants s’en trouverait modifiée voire pervertie. Les preuves ont manqué au moment des bilans des hypothèses et si la prolétarisation technique a été prouvée (maîtrise technique assistée par des processus automatisés), la prolétarisation idéologique n’a pas été vérifiée (contrôle des finalités du travail) : « Incontestablement, ces auteurs ont dégagés des faits bien réels. En faire des signes évidents de la prolétarisation des enseignants était plus contestable. C’est ce qu’ils reconnaissent aujourd’hui. » 521

A l’image des enseignants, les signes associés à une possible prolétarisation des rééducateurs pourraient être puisés dans l’augmentation des injonctions techniques dans les quatre textes officiels. Si dans celui de 1970 522 , le rééducateur est entièrement libre de ses actions tant dans leurs formes, dans le temps que dans l’espace. Le texte reste laconique, d’autant plus que le rôle particulier des rééducateurs n’est pas identifié. C’est le G.A.P.P. qui « […] intervient sous forme de rééducations psycho-pédagogiques ou psycho-motrices pratiquées individuellement ou par petits groupes dès les premiers signes qui font apparaître chez un enfant le besoin d'un tel apport. » Le texte de 1976 est plus précis sans être spécifiquement injonctif : « soit des actions de rééducation individuelle ou par petits groupes par 1e G.A.P.P. » Néanmoins, l’espace est défini puisqu’il est précisé que le G.A.P.P. « […] prend en charge un secteur d’environ 1000 élèves. ». Il faut attendre celui de 1990 pour que les actions rééducatives soient davantage spécifiées dans un chapitre de la circulaire tout en étant assujetties à une démarche de projet commune aux deux aides dont le contenu est explicite :

‘« 3.3. L’action d'aide spécialisée est ainsi formulée dans un projet qui donne lieu à la rédaction d’un document écrit. Ce document:
‑ décrit le cas à traiter;
‑ énonce la stratégie envisagée;
‑ prévoit la démarche et les supports qui vont progressivement organiser l’action;
‑ donne une estimation de sa durée;
‑ élabore les modalités de son évaluation. » 523

Hélas, l’espace est moins défini qu’en 1976 puisque une zone prioritaire reste à établir :

‘« Toute école relève des actions d'un réseau. Cependant, en fonction des orientations nationales et des priorités départementales, arrêtées par l'inspecteur d'académie après consultation des instances paritaires compétentes, un ensemble cohérent d'écoles maternelles et élémentaires sur lequel le réseau intervient prioritairement est défini pour une durée de trois ans. » 524

Le texte de 2002 525 n’apporte pas de changements notables par rapport à celui de 1990. Il est davantage explicatif voire pédagogique et met en avant la cohérence des démarches relevant de l’adaptation et de l’intégration.

Nous ne pouvons considérer ces instructions comme des signes patents de prolétarisation de la profession, tout au plus comme ceux d’une rationalisation.

Notes
520.

BOURDONCLE (Raymond), op. cit., (1993), p 99.

521.

BOURDONCLE (Raymond), op. cit., (1993), p 100.

522.

Cf. Annexe 1

523.

Cf. Annexe 3

524.

Cf. Annexe 3

525.

Cf. Annexe 10