Les intentions du questionnaire

Ce questionnaire répondait à plusieurs objectifs. Il souhaitait tout d’abord donner la parole aux rééducateurs eux-mêmes : comment réaliser une recherche sur les rééducateurs sans s’intéresser à leur propre parole, libre si possible ?

  1. Comparer les populations d’enquête à celle du département : Sont-elles comparables ? Sinon, quels correctifs sont à apporter ?
  2. Détailler les représentations des rééducateurs sur leur identité en analysant leurs écrits. Cet abord méthodologique permettait d’expliciter le processus biographique.
  3. Caractériser les motivations cachées des enseignants pour aspirer à devenir rééducateur. L’hypothèse commune, agissant comme une d’évidence, est la suivante : La pratique de publics en difficulté motive le changement de métier. Le pédagogue qui s’est « intéressé aux marges du système »LEVINE (Jacques).Envie d’école, n°13 mars 1998. postulerait davantage pour cette profession : cette remarque est partagée par un grand nombre d’enseignants. Il s’agirait de pédagogues qui ont fait preuve « de créativité pour lutter contre les difficultés de certains enfants »Ibid., p 23. Il est supposé que la population des rééducateurs est une extension de celle des enseignants. La contre hypothèse serait donc : si tel n’est pas le cas, il peut être formulé une hypothèse inverse qui avancerait que certains enseignants, quelles que soient leurs motifs – personnels, professionnels ou mélangés – ont changé de métier en raison d’une réorientation professionnelle ‑ ils souhaitent faire un autre métier. Il semble que la mi-temps d’une vie soit propice à ces changements. Plusieurs variables objectives seront collectées : sexe, ancienneté, poste précédent, spécialisation antérieure, centre de formation et année de formation, professions des parents, promotion ou déclassement du métier, motifs d’abandon.
  4. Définir l’identité professionnelle : comparer le processus relationnel (actes d’attribution) et le processus biographique (actes d’appartenance). Le questionnaire souhaitait déterminer certains traits particuliers de la spécificité des rééducateurs en prolongeant et extrapolant les remarques d’Isabelle TABOADA-LEONETTICAMILIERI (Carmel), KASTERSZTEIN (Joseph), LIPIANSKY (Edmond Marc), MALEWSKA-PEYRE (Hanna), TABOADA-LEONETTI (Isabelle) et VASQUEZ (Ana), op. cit., p 44. concernant les marqueurs identitaires. Quels sont les attributs qui définissent l’identité professionnelle « c’est à dire ce qu’il a d’unique en tant qu’être humain » et quels sont ceux qui définissent l’identité sociale (l’identité professionnelle au travail) « c’est à dire les statuts qu’il partage avec d’autres membres d’un groupe social » ?
  5. Enquêter symétriquement auprès des inspecteurs pour comparer les avis en utilisant le processus d’attribution : la faiblesse des réponses n’a pas permis de traitement. Plusieurs critères seront détaillés : le nom, les missions, les rôles, les actes, le surnom, la devise, les signes extérieurs, le lieu d’action, les interdits, les sacrifices, les formations complémentaires, les étapes de construction identitaire, les zones de conflit, les zones d’ambiguïté, un cas de remise en cause de l’identité, profession connue et profession reconnue.

Abordons le détail des attentes par rubriques. Chaque question espérait des apports originaux.

  • Le nom : toute profession est définie par un nom. N’est-ce pas le premier acte des parents envers leur enfant, et ceci bien avant sa naissance ! L’utilisation d’une périphrase sera interprétée comme un refus de nommer soit par opposition soit par imprécision de la fonction.
  • Les missions : tout métier est défini par des missions qui précisent la finalité et la légitimité de la profession. Au regard des hypothèses, il est attendu une certaine discordance entre les attentes du ministère et celles des rééducateurs eux-mêmes en raison des critiques émises par les Inspecteurs Généraux.
  • Les rôles : les missions imposent des rôles particuliers chez les acteurs qui mettent en œuvre les missions. Une certaine latitude est développée par tout professionnel. Il s’agit de savoir si cette latitude ne remet pas en cause les missions.
  • Les actes : les actes qui sont mis en œuvre montrent réellement l’adéquation des missions et des rôles. Il est supposé que certains sont spécifiques à la fonction.
  • Le surnom : l’attribution d’un surnom permet de radicaliser l’opinion – la représentation – de son métier et de son comportement. Il signale une attention du professionnel envers les partenaires puisqu’il sait comment on le surnomme. En ce sens, il est attendu que le professionnel a conscience des actes d’attribution dont il fait l’objet.
  • La devise : il s’agit de préciser la ligne de conduite, le principe des actions. La devise fait référence à une représentation originale des missions.
  • Les signes extérieurs : tout professionnel est distingué par des signes (réels ou imaginés). Ces signes sont ceux qui sont identifiés par un autre professionnel ou un partenaire. Les phénomènes d’attribution et biographique sont à l’œuvre. Il peut s’agir d’une tenue, d’un comportement, d’un langage ou d’un rapport particulier aux autres.
  • Le lieu d’exercice ou d’action : tout professionnel dispose ou aspire à un territoire. Néanmoins une posture trop rigide indiquerait une résistance ancrée dans des conceptions figées.
  • Les interdits : tout travail suppose des actes interdits sous peine d’être en opposition avec les principes de son métier, sous peine de rendre imprécise la définition de son métier.
  • Les sacrifices : tout métier est fondé sur des sacrifices rendant valides les actions. Ce qui était possible auparavant ne l’est plus. Certains actes sont à prohiber pour maintenir la cohérence des actions.
  • Les formations complémentaires : il s’agit de connaître les demandes de formation afin de les comparer aux offres de l’institution et les aspirations des acteurs qui élargissent le territoire de leur fonction. La connaissance des demandes permet de tracer l’étendue du territoire du professionnel.
  • Les étapes de construction identitaire : toute identité s’acquiert dans le temps. Il est espéré une prise de conscience de son changement. Certaines occasions rendent compte des changements comme des mises à jour des changements.
  • Les zones de conflit : la pratique professionnelle n’est pas isolée. Au delà des lieux, il arrive que des territoires conceptuels soient disputés entre plusieurs professionnels. Plus l’identité et la connaissance sont fortes moins importantes sont les zones de conflit et davantage est grande la reconnaissance.
  • Les zones d’ambiguïté : elles correspondent aux imprécisions incluses dans la définition d’une profession, à l’image du « vide juridique » des lois. Elles sont aussi un source de conflit entre professionnels et supérieurs hiérarchiques.
  • Un épisode de remise en cause de l’identité : nous attendions des exemples illustrant une remise en cause. Les anecdotes permettent de rendre compte des occasions de conflit et de la résistance du professionnel au pression de l’environnement.
  • Une profession connue : cette question voulait éprouver la représentation dont disposait les rééducateurs. Disposent-ils d’informations leur confirmant cette connaissance.
  • Une profession reconnue : nous souhaitions connaître l’avis intime quant à la reconnaissance du métier de rééducateur. La reconnaissance reste une aspiration commune et légitime à chaque professionnel comme à chaque personne.