Le nom du métier

Cette question, essentielle dans une étude consacrée à l’identité professionnelle, souhaitait collecter les noms donnés par les rééducateurs eux-mêmes. En la matière, les rééducateurs mettent en œuvre le processus biographique décrit par Claude DUBAR.

Noms Effectifs Pourcentage
Rééducateur ou rééducatrice 33 63 %
« Psychochose » 1 2 %
Rééducatrice en psycho-pédagogie 1 2 %
Accompagnateur éducatif ou co-éducateur 2 4 %
Institutrice spécialisée en RASED chargée de l'aide à dominante rééducative 7 13 %
Psychorééducateur (pour les professeurs) 1 2 %
Si l'on a le temps maître chargé des aides rééducatives... 3 6 %
Rééducatrice mais ce n'est pas le terme exact 1 2 %
Médiateur 2 4 %
« Rééducateur » mais ce nom ne me convient pas plus que G 1 2 %
Total (plusieurs étaient réponses possibles) 52 100 %

Nous constatons que très majoritairement les rééducateurs tiennent à leur nom historique de « rééducateur » ou « rééducatrice » bien que ce terme ne définissent pas exactement le métier car il ne s’agit pas de reprendre ou recommencer l’éducation. Le terme de rééducation évoque la réadaptation, le retour à des fonctions altérées. Cette conception invaliderait la part éducative des parents et des enseignants. De plus, une référence serait à établir quant à une éducation normale : qui pourrait établir cette norme ? Qui pourrait reprocher ou imputer une faute aux parents ou aux enseignants ? Il serait supposé une obligation de réussite aux éducateurs. Cette conception est trop « bancaire » pour être retenue. Elle risquerait de mettre en conflit et en concurrence les parents, les rééducateurs et les enseignants. Profitons de l’occasion pour préciser que toutes les recherches dans les encyclopédies ne reconnaissent pas l’existence du rééducateur de l’éducation nationale. Les seuls rééducateurs qui sont mentionnés sont ceux œuvrant dans le secteur médical ou paramédical comme les kinésithérapeutes et les orthophonistes ou le secteur psychologique comme les psychomotriciens.

Une seule réponse signale que ce nom ne lui convient pas. Il est très probable que les rééducateurs gardent cette appellation afin de marquer symboliquement la particularité de leur fonction : sans un nom, une fonction est moins circonscrite comme c’est le cas lorsqu’elle est décrite par la périphrase « maître spécialisé chargé des aides à dominantes rééducatives ». Le détour linguistique manifesté par la périphrase n’est pas innocent : il rappelle l’ancrage institutionnel des rééducateurs (ce qui n’est contesté par personne !) mais affaiblit la reconnaissance de leur fonction. Cet affadissement linguistique est repris par la formule « dominante rééducative » qui sous-entend que des aides « mineures » sont à engager. Hélas leur désignation manque. Un rapport non publié de l’Inspecteur général GUERIN appelait à fusionner les aides à dominantes pédagogique et rééducative. L’effet de la périphrase atteindrait son but : l’indifférenciation des aides. Si économiquement, l’intérêt est évident et légitime en soi, l’efficacité de cette fusion  reste à démontrer : peut-on espérer un professionnel aussi compétent dans des domaines aussi vastes sans risquer une baisse des performances et des confusions chez les partenaires et chez l’enfant ?

Le nom du rééducateur est aussi un thème de débat au sein de la F.N.A.R.E.N. Patrick GIL propose le nom de « rééducateur scolaire » à bout d’arguments dans un article où il tente de contourner les pièges liés à l’appellation de maître associé à l’option G : « Cette appellation a l'avantage de nous "démédicaliser" sans nous "déprofessionnaliser". Comme quoi les choses les plus simples parfois vous savez... » 583 . Christophe ROULEAUD poursuit le débat et opte pour le terme de psychothérapeute scolaire afin de se dégager de la dénomination anonyme de maître G. Il reconnaît que le débat n’est pas simple mais correspond à une attente autant chez les rééducateurs que chez les partenaires de la rééducation :

‘« Depuis des années, les personnels des réseaux, les enseignants, les formateurs et les inspecteurs s’efforcent avec beaucoup d’ardeur de bien distinguer psychothérapie et rééducation tout en soulignant leurs évidentes similarités notamment à propos du transfert psychanalytique ou de la résonance chère à Mony ELKAÏM. » 584

L’auteur pense amoindrir la provocation en associant l’attribut scolaire à psychothérapeute. Il n’en n’est rien, la confusion n’en serait que plus grande. Dans la première partie, nous avons expliqué pourquoi la rééducation ne pouvait être une psychothérapie, l’attribution du titre au rééducateur n’y ferait rien. Enfin, nous avons constaté plus haut qu’aucun rééducateur enquêté ne reprend la périphrase générique « option G ». Cette dénomination par une lettre n’est ni respectueuse ni signifiante pour les rééducateurs. Patrick GIL aborde cette appellation : « Tout d'abord pour la lettre "G" il semble que seule une action concertée de toutes les options pourrait nous sortir de ce non-sens alphabétique dans lequel les textes officiels nous ont classés et qui ne nous sert à rien. » 585

Cette attention aux mots nous invite à parcourir les textes officiels afin de nous rendre compte de la confusion qui règne inutilement autour des termes utilisant le préfixe « ré » et le radical « éducat ».

Notes
583.

GIL (Patrick), "Quelle est notre identité sociale ?" Envie d'école n°25 (mars – avril 2000): p 25.

584.

ROULEAUD (Christophe), "Psychothérapie...scolaire : antinomie ?," Envie d'école n°25 (décembre 2000 - janvier 2001): p 25.

585.

GIL (Patrick), op. cit., p 25.