Les étapes de la construction identitaire

Hélas, seuls 38 rééducateurs ont répondu à cette question. Elle recherchait à connaître les modalités d’acquisition de l’identité professionnelle. Il s’agissait de détailler les occasions ou les phénomènes qui permettaient la prise de conscience identitaire. Deux rééducateurs ne croient pas à l’existence d’étapes de la construction identitaire sans dénier l’action d’agents : « Pas d'étapes, l'identité se construit au fil des années, des aides (surtout réussies), grâce à la reconnaissance des enseignants de mon travail ».

Seules quatre réponses font référence à l’année de formation alors que ce temps est unique en raison de sa fonction de conversion d’une identité à une autre. Il semble que cette réponse soit si évidente qu’elle n’a pas été relevée comme étape principale du mouvement identitaire.

Les difficultés du passage d’une identité professionnelle à une autre sont rappelées : « difficulté à adhérer à l'aspect théorique de la formation; le passage d'instituteur à rééducateur est simple, pas à celui d'enseignant spécialisé ».

Des remarques sont émises quand à ses caractéristiques : « différentes suivant l'année de formation », « difficulté à adhérer à l'aspect théorique de la formation ».

Les exigences de la fonction rééducative sont mises en avant comme révélateurs de cette identité nouvelle : « nécessité de travailler davantage en équipe tout en gardant sa spécificité, actions ponctuelles communes avec les enseignants », « apprendre - savoir - ne pas savoir = maîtriser; créer et s'ajuster; être disponible; réfléchir et se positionner »

D’autres évoquent un processus chronologique scandé par des actes : « formation, recrutement, US3, prise de fonction, 1ère pré - rentrée, 1er conseil d'école », « 1- faire partie d'une équipe, 2- être du côté de la famille et de l'enfant, 3- sans être enseignante je fais partie de l'équipe, 4- je réussis quand l'enfant trouve sa place à l'école »,

D’autres mettent en avant des qualités :« la patience, le retour des résultats des actions, l'appui fort sur l'équipe du RASED, l'adaptabilité d'écoute et d'échanges avec les partenaires ».

Certains pensent que leur identité est d’abord celle qui est reconnue par les autres : « d'abord l'information des partenaires », « reconnaissance d'année en année de ma fonction par les enseignants ».

Certains ont identifié des épreuves, des occasions ou des conversions révélatrices : « le premier entretien de parents, la première équipe éducative », « le travail en CMPP, l’évaluation des indications, une formation au psychodrame et la thérapie », « le début de la FNAREN, le texte de 1990 qui a clarifié les choses », « passage du GAPP au RASED qui a nécessité une redéfinition par rapport aux collègues des écoles », « la 3ème année de pratique », « passer d'une analyse pédagogique à une analyse psychologique », « deuil du métier d'enseignant (il a duré trois mois) », « découverte des bases législatives, confrontation théorie pratique, installation du réseau, évolution individuelle », « l'observation des séances lors de stages », « une évolution du perfectionnement, l'adaptation puis la rééducation », « membre du R.A.S.E.D., réflexions personnelles sur le métier », « posture professionnelle ressentie lors de séances », « pas des étapes mais un évolution du corporel (RPM) vers le symbolique exprimé à travers des médiations », « la fin de la formation », « au moment où l'on s’éloigne du réflexe pédagogique, le moment où l'on passe de celui qui dit à celui qui écoute »

Le temps est invoqué pour son travail facilitant l’élaboration : « abandon progressif de l'attitude pédagogique (3 ans) d'enseignement vers une écoute plus fine de ce qui se passe et ce dit », « L'action ciblée sur l'élève (passé d'enseignant !) a évolué jusqu'à la prise en compte de la globalité de l'enfant (environnement, passé, etc.) », « Oui au fil des expériences vécues et du temps passé sur un même poste », « construction peu à peu », « identité construite au quotidien par le travail et la rédaction du projet rééducatif de chaque enfant », « Un trimestre de formation pour ressentir comme un rééducateur », « pas sous la forme d'étapes mais de prise de conscience en continu ». Ces remarques signalent un travail invisible, à l’insu de la personne, comme si la transformation n’advenait qu’après coup à la conscience. La théorisation de cette identité n’est jamais évoquée en avançant un temps d’explicitation.