Un fantasme de renaissance : le nouveau métier fait renaître.

Le nouveau métier nécessite des réaménagements psychiques dont leurs profondeurs ne sont pas prévisibles ; les métaphores possibles sont celles de la maison (la centration est sur l’environnement), et de la peau ou le vêtement (la centration est sur soi-même car un risque de mort a été ressenti) :

‘« J'avais maintenant obtenu le stage, et confrontée aujourd'hui à cette première expérience de pratique professionnelle, je me sentais tout à la fois impatiente et désarmée devant ce qui m'attendait; j'avais avec moi mon vécu d'institutrice spécialisée, mais je savais qu'il fallait que je me désadapte peu à peu pour me glisser dans cette « nouvelle peau », celle de rééducatrice. » 698 ’ ‘« Je me trouvais donc au seuil de la maison: pour instaurer une relation d'aide il me fallait prendre le risque d'en franchir ce seuil; pour devenir rééducatrice, il me fallait prendre aussi le risque d'en franchir un autre, celui d'une nouvelle identité professionnelle. » 699 ’ ‘« J'avais maintenant obtenu le stage, et confrontée aujourd'hui à cette première expérience de pratique professionnelle, je me sentais tout à la fois impatiente et désarmée devant ce qui m'attendait; j'avais avec moi mon vécu d'institutrice spécialisée, mais je savais qu'il fallait que je me désadapte peu à peu pour me glisser dans cette "nouvelle peau", celle de rééducatrice. » 700 .’ ‘« J'ai pris conscience que moi aussi j'ai quelque chose à lâcher, que je n'ai pas encore franchi le pas qui rend le retour en arrière impossible, comme le nageur atteignant le milieu de la rivière. Si je veux vraiment me destiner à aider des enfants, je dois accepter aussi de me transformer, d'abandonner les "mues" pour être plus disponible et plus vivant. Concrètement, cela veut dire que je sois inconditionnellement vrai et disponible durant la séance. Que mes ressentis, interrogations, hypothèses soient le thème de l'après-séance. » 701

Les notions de fonction et de rôle sont perçues dans un premier temps comme une contrainte et une limite. La peau de l’anatomiste est ce qui délimite et qui permet les échanges. La peau protège aussi. Elle est contenante et communicative. Dans le concept du moi-peau de Didier ANZIEU, il s’agit de l’enveloppe psychique du sujet du « […] lien psychanalytique au corps [qui] est d’ordre symbolique et non analogique. » 702 . Le moi-peau est aussi un espace : « L’enveloppe psychique pourrait se comparer à un champ de forces, tel celui développé autour d’un aimant, qui organise en des formes précises, selon les lignes de force, la limaille environnante » 703 . Didier ANZIEU 704 décline plusieurs fonctions à ce moi-peau : maintenance du psychisme, conteneur, pare-excitation, individuation, intersensorialité, soutien de l’excitation sensorielle, recharge libidinale, inscription des traces sensorielles tactiles et d’autodestruction.

Cette nouvelle peau professionnelle n’invalide pas les antérieures, ne les détruit pas. Les repères nouveaux sont à reconstruire. Les métaphores de la peau ou du vêtement rappellent le rapport intime entre identité personnelle et identité professionnelle :

‘« En commençant cette formation, j'ai laissé mon costume "d'instit" au portemanteau. Ca fait du bien de changer d'habit et je choisissais les textures les plus souples pour ne pas être gênée aux entournures. Cela convenait tout à fait pour les prises de recul et les mouvements giratoires. Plus j'avançais dans la formation, plus j'éprouvais la nécessité d'enlever des épaisseurs. Parfois elles tombaient malgré moi, l'une après l'autre. A certains moments, je me suis demandée si je trouverais quelque chose pour me couvrir. Je n'avais pas toujours bien chaud. […] Quand à mon costume "d'instit", c'est à croire qu'il sort du teinturier. Je ne veux pas m'en séparer (à la rigueur le prêter) mais je le conserverai comme tous les autres. » 705 .’

Cette métaphore est à mettre en lien avec la définition lapidaire que donnait Jacques LACAN du Moi : « […] la superposition des différents manteaux empruntés à ce que j’appellerai le bric-à-brac de son magasin d’accessoires » 706 .

‘« Au risque de l'oubli…Oui, il fallait quitter un lieu, un rôle, pour partir à la découverte d'un autre, accepter de perdre des repères pour en gagner de nouveaux » 707 .’
Notes
698.

DIZIER (Isabelle), La rééducation de MALKO, Mémoire professionnel C.A.P.S.A.I.S. option G, non publié, 1992, p 1.

699.

MALYCHA (Fabienne), Comme une maison abandonnée, Mémoire professionnel C.A.P.S.A.I.S. option G, non publié, 1996, p 1.

700.

DIZIER (Isabelle), op.cit., p 1.

701.

GRENIER (Jean Pierre), op. cit., p 19.

702.

HOUZEL (D) in ANZIEU (D), « Les enveloppes psychiques », BORDAS DUNOD, Paris, 1987, p 39

703.

HOUZEL (D), op. cit., p 40.

704.

ANZIEU (D), op. cit., p 51.

705.

VIEL (Nathalie), Un cheminement difficile, Mémoire professionnel C.A.P.S.A.I.S. option G, non publié, 1994, p 22.

706.

LACAN (Jacques), « Le Moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse », in Le séminaire, Livre II, Paris, Le Seuil, 1978, p 187 ; cité par HOUZEL (D), op. cit., p 36.

707.

FIAULT (Noëlle), Moi et le jeu, Mémoire professionnel C.A.P.S.A.I.S. option G, non publié, 1995, p 1.