L’identité du rééducateur s’articule autour d’une relation nouvelle pour un enseignant : la relation à deux.

La pratique de la relation à deux, en face à face lors des séances, perturbe les cadres de pensée de l’enseignant. Incorrectement, elle est nommée « duelle ». Les rééducateurs doivent apprendre à instaurer un tiers afin de ne pas être absorbés par les effets de cette relation : le cadre rééducatif sera le tiers.

‘« J'ai choisi de travailler ce dossier, au croisement de deux axes : celui de mon évolution professionnelle, avec la nécessité de quitter la situation familière de gestion d'un groupe ‑ classe pour aborder un domaine inhabituel ; celui de la relation duelle. J'ai dû construire peu à peu ce qu'elle représentait, quel rôle j'avais à y jouer, quels moyens je pouvais utiliser face à un enfant en difficulté à l'école […] 716 ’ ‘« En tant qu'institutrice, je travaillais seule face à trente élèves. C'est un réel changement de travailler avec d'autres sur un même enfant. Cette nouvelle approche me demande d'être claire dans mon rôle et de me différencier par rapport à mes partenaires : ce n'est pas moi l'institutrice, et je ne suis pas là comme un parent, deux rôles qui me sont familiers. Je dois me définir dans ma nouvelle identité : une identité de tiers, une identité de médiateur…une identité dont j'ai conscience mais qui est encore à affirmer. » 717 ’ ‘« Cette relation de face à face est aussi nouvelle pour lui que pour moi. Ce premier contact m'impressionne autant que lui. En tant qu'enseignante, je suis plus habituée à m'adresser à un groupe qu'à un élève seul. D'autre part, je dois rompre avec mes attitudes aux objectifs pédagogiques et savoir attendre qu'une confiance s'instaure entre lui et moi pour qu'il mette en scène sa problématique. » 718 ’ ‘« J'ai ressenti que la relation duelle avec un enfant n'est pas quelque chose de simple. Elle est souvent plus impliquante que celle de l'enseignant dans le groupe […].Elle ne permet pas de fuir ou d'esquiver. » 719 ’ ‘« [la recherche en filiation] Pour moi, rééducateur en formation, c'était me construire, à partir de sources et expériences différentes, une nouvelle identité professionnelle en définissant positivement une éthique. C'était quitter la maîtrise et faire confiance à l'autre, lui reconnaître sa liberté : un place de sujet. C'est cette éthique qui a pu me permettre d'envisager de sortir des différentes relations duelles et de tenter d'instaurer avec l'autre (l'école, l'enseignant, le réseau, les parents, l'enfant) une relation triangulaire. Quitter la maîtrise et accepter d'attendre. » 720 ’ ‘« Que reste-t-il à faire pour éviter trop de projections sur les enfants, néfastes au travail. En effet, si la situation devient fusionnelle, les problématiques s'entremêlent : les acteurs sont-ils eux-mêmes ou objets d'un perpétuel recommencement sous une forme ou une autre ? J'ai pu moi-même cerner ainsi les points sur lesquels il me reste à travailler ou sur lesquels je suis particulièrement sensible pour éviter de me projeter sur l'autre. Sinon je serais tentée d'appliquer à F. les remèdes, que plus jeune, j'aurais souhaités pour moi-même. » 721
Notes
716.

FIORENZANO (Jacqueline), op. cit., p 2.

717.

PRON (Catherine), op. cit., 1993, p 2.

718.

LIOURE (Françoise), op. cit., p 7.

719.

GUETTET (Bernard), Avec Anthony "Est-ce bien de grandir ?", Mémoire professionnel C.A.P.S.A.I.S. option G, non publié, 1994, p 24

720.

KRIVOZOUB (Pierre), Pour être deux…il faut être trois, ?", Mémoire professionnel C.A.P.S.A.I.S. option G, non publié, 1998, p 36.

721.

MOUSSUS (Aleth), op. cit., p 1.