Le partenariat enseignant – rééducateur, pour autant nécessaire qu’il soit, ne garantit qu’une concorde de principe. La différence des points de vue et des missions suscite une rivalité expliquée en grande partie par deux arguments : les deux partenaires partagent la même origine (un reproche est souvent exprimé par les enseignants en classe qui arguent de la relation individuelle avec l’élève en sous entendant que tout est facilité dans le rapport à deux) et la même mission – l’entrée dans les apprentissages (bien que le rééducateur n’ait pas à mettre en œuvre l’enseignement des disciplines scolaires) :
‘« A l'issue de cette rencontre, je prends conscience d'une légère rivalité, discrètement exprimée par la maîtresse : "Avec toi, il n'a pas toutes ces difficultés…". » 724 .’ ‘« L'emploi de ce terme d'éducabilité, dans un dossier axé sur la rééducation, posait le problème du rapport entre l'éducation et la rééducation. Il évoquait l'ambiguïté de la position du rééducateur. A travers ce mot, le domaine pédagogique voisinait avec le champ de la rééducation, mon identité de pédagogue avec celle de rééducateur. Je me trouvais confronté à leur proximité et à leur différence. » 725 ’ ‘« La position du rééducateur est parfois inconfortable car au delà du symptôme de l'enfant, il va essayer d'interroger la relation maître / élève et aider le maître à exprimer ce qu'il ressent, à verbaliser pourquoi cet élève le déstabilise. » 726 ’ ‘« A l'issue de cette rencontre, je prends conscience d'une légère rivalité, discrètement exprimée par la maîtresse : "Avec toi, il n'a pas toutes ces difficultés…". » 727 ’Il est fort probable que la rivalité entre les professionnels puise aussi sa source dans la concurrence d’influences sur l’élève que chacun espère ou fantasme. Ce fantasme de formation a été décrit par René KAËS : « Le désir du formateur est le moteur du travail et du plaisir éprouvé dans ce travail : désir que l’autre développe ses capacités de vie optimales. Tel est le sens de l’effet Pygmalion. » 728 . Si l’enseignant médiatise son désir de formation par les matières enseignées, le rééducateur doit créer un cadre, installer des situations et proposer des objets intermédiaires pour que la relation évite le piège de la psychothérapie. Les deux professionnels portent le même fantasme mais l’expriment dans des cadres différents. La concurrence provient de cette communauté. Il n’est pas définitif qu’elle soit négative. Le reconnaissance et le bénéfice de la complémentarité reste encore à promouvoir.
La définition de l’identité professionnelle reste une tâche difficile et complexe. Le premier mouvement est de se différencier par la négative. Il est certain que cette approche n’est pas un gage de compréhension pour l’interlocuteur. Hélas, ce premier temps est nécessaire pour se séparer de son identité précédente. Encore une fois, c’est le rapport à l’enfant qui exige ces précisions :
‘« C'est en essayant de clarifier mon rôle, d'expliciter ma fonction auprès de Jérôme, de sa maman, de son institutrice que j'ai pu ensuite parler de mon métier en termes positifs et compréhensifs. Au début, je faisais un peu comme Jérôme : je ne suis pas …psychologue, « je ne fais pas de l'orthophonie », « je ne fais pas de la gymnastique »…définitions en négatif ! » 729 ’HERAUD (Marie-Claude), Histoire d'une rééducation, Mémoire professionnel C.A.P.S.A.I.S. option G, non publié, 1992, p 27.
TEYBER (Serge), Le pari d'éducabilité. Des ruptures à la continuité, Mémoire professionnel C.A.P.S.A.I.S. option G, non publié, 1995, p 1.
BRUN (Sylvie), op. cit., p 6.
HERAUD (Marie-Claude), op. cit., p 27.
KAËS (René), op. cit., p 72
FIORENZANO (Jacqueline), op. cit., p 9.