Une identité dans l’entre‑deux : trois métaphores

Nous revenons sur la notion d’entre-deux évoquée à de nombreux endroits et ce dès la définition de la relation rééducative au croisement des relations pédagogique et psychologique. Pour émettre un jugement à propos de la rééducation, des rééducateurs et de l’école, nous devons sortir de l’école et de la rééducation. En cela, nous utiliserions une démarche kantienne. Afin de penser la rééducation en totalité il est nécessaire de ne pas s’y inclure. Sinon, la totalité de la rééducation ne serait pas totale. Est-ce possible de tenir une telle posture ? Si bien même cela était, il serait difficile de concevoir la rééducation en dehors de l’école. Aurait-t-elle encore un sens ? Nous ne le pensons pas.

Notre ambition actuelle est plus modeste, elle se concentre sur les métaphores de la place du rééducateur et de la rééducation dans l’école. Le détour par les métaphores est ordinaire et prometteur : « Le rôle de la métaphore est d’habiller la langue, mais aussi, de structurer la pensée […]. Les métaphores ont le mérite d’illuminer certaines obscurités structurelles du langage » 767 . Philippe QUEAU poursuit en indiquant une ambivalence :

‘« Les métaphores ont deux visages. D’un côté, on peut certainement estimer qu’un usage immodéré, indistinct, extensif de la métaphore peut précipiter une langue ou une littérature dans la décadence. De l’autre, on peut faire valoir que la métaphore est un modèle, c’est à dire une approximation raisonnable d’une réalité difficile à saisir exactement » 768 .’

N’est-ce pas le cas de la rééducation dans le système éducatif français ? Néanmoins, il faudra savoir s’en détacher car :

‘« Le danger de la métaphore n’est pas, comme on voit, de simplement détériorer la langue. Un risque plus important se fait jour quand on assiste à la prégnance progressive d’un modèle. De la métaphore purement analogique, poétique, on passe à la création d’un cliché, qui conduit insensiblement à de fausses pistes » 769 .

Fort de cette mise en garde nous étudierons quelques métaphores en nous soumettant avec rigueur à cette dernière consigne :

‘« Il faut donc se servir des images, des métaphores comme on se servait autrefois des mythes, avec pragmatisme et opportunisme. Elles ne peuvent en aucun cas servir de raisons absolument probantes. Il faut simplement leur emprunter, comme des outils, les caractéristiques les plus prometteuses » 770 .

A écouter tant les détracteurs que les zélateurs de la rééducation et des rééducateurs, il devient évident que les images jouent librement cours dans les esprits. Les deux premières métaphores que nous présentons occupent deux rôles opposés. Nous profiterons de cette opposition pour développer une troisième, résultat des excès et des oublis des deux précédentes. Signalons que ces trois métaphores illustrent les stades que rencontre tout professionnel lorsqu’il acquiert une nouvelle identité professionnelle 771 .

Notes
767.

QUEAU (Philippe), Eloge de la simulation, éd. INA, Paris, 1988, p 40

768.

Ibid., p 44 ; (c’est moi qui souligne)

769.

QUEAU (Philippe), op.cit., p 47

770.

Ibid., p 77

771.

DUBAR (Claude), op. cit., 1991, pp 145 à 148. HUGHES définit trois étapes : le passage à travers le miroir, l’installation dans la dualité et l’identification au groupe de référence.