III - De l'intégration individuelle au dispositif collectif : scolariser les élèves en situation de handicap

Certains enfants présentent, très précocement, des besoins éducatifs particuliers tels que leurs parents sont conduits à saisir la commission départementale d'éducation spéciale (CDES) bien avant le début de leur scolarité. Cette saisine permet à l'enfant, dès la naissance si besoin est, de bénéficier des aides éducatives, rééducatives ou des soins appropriés, afin de réduire les incapacités et désavantages liés à une déficience sensorielle ou motrice ou à des atteintes d'origines diverses, induisant des perturbations du fonctionnement mental.

Chaque école a vocation à accueillir les enfants handicapés relevant de son secteur de recrutement. Lorsque le directeur reçoit la demande des parents, il examine avec l'équipe éducative les conditions d'accueil et veille à informer la commission de circonscription préscolaire et élémentaire (CCPE) qui notifie cette intégration aux parents. La CCPE est le garant de l'action engagée et veille à la mise en place et au suivi du projet individualisé.

Le médecin de l'Education Nationale ainsi que le psychologue scolaire apportent leurs compétences particulières pour aider l'équipe éducative à réussir l'accueil.

S'il s'avère que dans telle école particulière, les conditions effectives de l'intégration ne sont pas réunies, il appartient au directeur de l'école d'informer immédiatement l'inspecteur de l'Education Nationale chargé de la circonscription, président de la CCPE, afin que soit recherchée une solution scolaire adaptée en réponse à la demande des parents. Aucun enfant ne doit rester sans solution scolaire et éducative.

III.1 Des modalités d'intégration souples et diversifiées

Dès les circulaires de 1982 et 1983, a été retenu le principe d'une souplesse dans les formes et les modalités de l'intégration scolaire.

Dès l'âge de trois ans, si leur famille en fait la demande, les enfants porteurs de maladies ou de handicaps peuvent être scolarisés à l'école maternelle. Toutefois, pour répondre aux besoins particuliers qui sont les leurs, il est le plus souvent indispensable de mettre en place un projet individualisé qui assure la compatibilité entre la scolarité et l'accompagnement, éducatif, rééducatif ou thérapeutique, qui leur est nécessaire.

Ainsi, il est possible d'envisager des intégrations à temps partiel, en particulier pour des enfants très jeunes. Toutefois, il importe que ce temps d'intégration soit inclus dans un projet cohérent de prise en charge de l'enfant, qui lui permette de réels progrès et qui ne laisse pas à la famille, la responsabilité exclusive de rechercher les accompagnements appropriés.

Plus généralement, si une scolarisation progressive est parfois judicieuse pour tenir compte de la fatigabilité de l'enfant, il convient d'attirer l'attention sur le fait que des projets d'intégration trop partiels sont presque toujours voués à l'échec. Pour se familiariser avec la classe, y trouver ses repères, en connaître les règles de fonctionnement, tout enfant, qu'il soit ou non handicapé, a besoin de temps. Les apprentissages sociaux s'effectuent nécessairement dans la durée, ils sont scandés par des périodes d'adaptation et des paliers. Sauf exception, il convient donc d'éviter des projets d'intégration trop limités, déstabilisants pour l'enfant et ses parents, comme pour le maître et les élèves de la classe.

Les démarches d'intégration individuelle à l'école maternelle se sont beaucoup développées au cours des dernières années et ont fait la preuve de leur efficacité pour favoriser le développement cognitif et social des enfants en situation de handicap, comme d'ailleurs celui de tous les enfants. De plus, le temps d'intégration individuelle à l'école maternelle rend possible un suivi attentif associant étroitement les parents. Il crée les conditions favorables à une préparation du passage à l'école élémentaire. Ce suivi doit permettre, le plus souvent possible, l'élaboration d'une démarche d'intégration scolaire.

Un projet d'intégration individuelle dans une classe élémentaire sera élaboré chaque fois que la démarche apparaît réalisable et permet à l'élève de poursuivre tous les apprentissages dont il est capable.

Pour assurer l'accompagnement de l'intégration individuelle, certains départements ont mis en place avec succès des postes d'enseignants spécialisés itinérants, titulaires des options du CAPSAIS correspondant au type de handicap présenté par les élèves. Cette formule s'avère efficace en ce qu'elle permet d'apporter un soutien pédagogique approprié aux élèves mais également informations et aide aux enseignants qui intègrent. Son efficacité est cependant conditionnée par la délimitation d'un secteur d'intervention "raisonnable" pour le maître spécialisé, de telle sorte qu'il ne consacre pas un temps excessif en déplacements, lesquels occasionnent en outre des frais qui doivent être prévus lors de la création de ce type d'emplois.

Il est important de souligner qu'un certain nombre d'enfants handicapés peuvent être intégrés individuellement avec les moyens propres de l'école et/ou avec l'appui d'aides techniques. Dans bien des cas néanmoins l'accompagnement par un service spécialisé ou de soins est indispensable.

La présence d'un auxiliaire de vie scolaire est utile dans certains cas mais elle ne peut être une condition de la scolarisation. De même, elle n'a besoin d'être permanente que dans de rares situations. Le plus souvent, l'auxiliaire de vie scolaire n'intervient que sur une partie du temps scolaire. Ce type de mission peut être assuré soit par des auxiliaires de vie scolaire salariés de services associatifs ou de collectivités locales ou par des aides-éducateurs, même si la mission de ces derniers est plus souvent centrée sur l'aide collective à l'intégration.

L'auxiliaire de vie scolaire peut être amené à effectuer quatre types d'activités : des interventions dans la classe définies en concertation avec l'enseignant (aide pour écrire, manipuler le matériel dont l'élève a besoin, ...) ou en dehors des temps d'enseignement (inter-classes, repas, ...), des participations aux sorties de classes occasionnelles ou régulières, l'accomplissement de gestes techniques ne requérant pas une qualification médicale ou paramédicale particulière, ainsi qu'une collaboration au suivi des projets d'intégration (réunions d'élaboration et de régulation du projet individualisé, participations aux rencontres avec la famille...)

En conséquence, la préconisation de l'accompagnement d'un élève par un auxiliaire doit être fondée sur une analyse précise des besoins propres de l'élève. Elle doit être motivée avec soin, en particulier lorsqu'il s'agit d'une présence à temps plein. L'instruction des dossiers est réalisée par la CCPE sur la base de critères partagés, élaborés au plan départemental ; les dossiers sont ensuite soumis à la CDES qui rend un avis. Dans tous les cas, même lorsqu'il s'agit d'une présence à temps partiel, la préconisation de l'aide par l'auxiliaire de vie scolaire est assortie d'une échéance précise, mentionnant la date fixée pour la révision de cette attribution.

Une intégration dans un dispositif collectif, la classe d'intégration scolaire (CLIS), sera proposée dès lors que les besoins de l'élève sont tels que des aménagements substantiels doivent être apportés au moins sur certains aspects de la scolarité.

Ce mode d'intégration est opportun s'il s'avère plus propice à l'acquisition des compétences scolaires, voire de compétences particulières en relation avec les besoins de l'enfant (par exemple, apprentissage du braille pour l'enfant aveugle, consolidation du projet linguistique, oraliste ou bilingue, pour l'enfant sourd, adaptations de certains apprentissages pour tenir compte de difficultés électives sévères, aménagement du rythme d'apprentissage pour des enfants présentant des maladies invalidantes ou des déficiences motrices complexes...)

III. 2 Une diversité de CLIS mais un point commun : la cohérence du projet pédagogique

La CLIS est une classe de l'école et son projet intégratif est inscrit dans le projet d'école. Elle a pour mission d'accueillir de façon différenciée dans certaines écoles élémentaires ou exceptionnellement maternelles, des élèves en situation de handicaps afin de leur permettre de suivre totalement ou partiellement un cursus scolaire ordinaire.

L'admission en CLIS d'un élève est subordonnée à la décision d'une des commissions d'éducation spéciale. La situation des élèves est révisée régulièrement conformément aux dispositions de la circulaire du 22 avril 1976.

L'effectif de ces classes est limité à 12 élèves, mais, dans certains cas (par exemple, troubles graves du développement), l'effectif envisagé doit être très sensiblement inférieur.

La CLIS compte pour une classe dans le calcul du nombre de classes de l'école, notamment pour l'attribution des décharges de direction.

L'effectif des élèves de CLIS est comptabilisé séparément de l'effectif des autres classes de l'école en ce qui concerne les mesures de carte scolaire.

Les maîtres chargés de CLIS sont titulaires du certificat d'aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d'adaptation et d'intégration scolaires (CAPSAIS).

Il est souhaitable de maintenir quatre types de CLIS répondant aux besoins d'enfants différents. De même, l'organisation de la classe d'intégration scolaire autour d'un projet élaboré pour des élèves présentant des besoins du même ordre n'est pas remise en cause. Toutefois, il n'apparaît pas opportun de l'organiser sur le fondement d'une catégorie diagnostique exclusive, celle-ci ne garantissant aucunement que les enfants présentent des besoins identiques.

Les CLIS 1 ont vocation à accueillir des enfants présentant des troubles importants des fonctions cognitives qui peuvent avoir des origines et des manifestations très diverses : retard mental global, difficultés cognitives électives, troubles psychiques graves, troubles graves du développement...

Cela conduit à souligner la nécessité d'attacher une attention particulière à la composition de chaque classe de manière à assurer la compatibilité des projets individualisés avec le fonctionnement collectif du groupe. La constitution du groupe doit impérativement être effectuée en ayant le souci d'un projet pédagogique cohérent, condition indispensable de progrès pour les élèves. Il ne s'agit évidemment pas de rechercher une homogénéité qui serait vide de sens, mais une compatibilité des besoins des élèves et des objectifs d'apprentissage, qui rende possible une véritable dynamique pédagogique.

Cela vaut pour tous les types de CLIS, mais revêt une importance particulière pour la CLIS 1.

Les maîtres chargés de CLIS 1 sont titulaires de l'option D du CAPSAIS.

Toutefois, les personnels titulaires du CAPSAIS option E en poste actuellement dans ces classes peuvent y être maintenus. Des actions de formation continue appropriées leur sont proposées.

Les CLIS 2 accueillent des enfants présentant une déficience auditive grave ou une surdité, et pour lesquels l'orientation vers un dispositif collectif s'avère opportune.

Toutefois le critère de perte auditive définie de façon purement audiométrique ne peut constituer le seul élément dans la décision d'admission. Il convient de prendre en compte l'ensemble des potentialités de l'enfant, son appétence et ses compétences en matière de communication, son comportement social, ses acquisitions scolaires, l'aide familiale qui peut lui être apportée.

Dans l'élaboration du projet individualisé, un soin particulier est attaché aux conditions d'un développement optimal de la communication en français.

Les élèves peuvent bénéficier pour l'enseignement et le perfectionnement de la parole, dans ses composantes audio-vocales, de l'intervention d'orthophonistes ou de professeurs de sourds, titulaires des certifications délivrées par le ministère de l'emploi et de la solidarité.

Les maîtres chargés de CLIS 2 sont titulaires de l'option A du CAPSAIS.

Les CLIS 3 accueillent des enfants présentant une déficience visuelle grave ou une cécité, quelles que soient l'origine, la précocité d'apparition et l'évolution éventuelle de la déficience.

L'approche de la situation de l'enfant et les décisions qui s'y rapportent ne peuvent se référer uniquement à l'expression chiffrée de l'acuité visuelle et à la description du champ de vison, mais doivent être abordées en tenant compte de la spécificité des déficiences visuelles importantes ou de la cécité dans leurs divers aspects.

Dans l'élaboration du projet individualisé on veillera à prendre en compte, selon les besoins propres à chaque enfant, les objectifs d'éducation des restes visuels et/ou d'éducation des suppléances sensorielles. Le recours à des techniques palliatives ou encore l'utilisation de moyens auxiliaires visant au développement de l'autonomie seront envisagés. On s'attachera à assurer le développement de la faculté de s'orienter et de se diriger ainsi que l'apprentissage de certaines modalités de communication et d'interactions sociales.

Les maîtres chargés de CLIS 3 sont titulaires de l'option B du CAPSAIS.

Les CLIS 4 accueillent prioritairement des élèves présentant une déficience motrice. Toutefois, ce n'est pas la seule déficience motrice qui justifie l'orientation en CLIS, mais bien les besoins particuliers (fatigabilité, lenteurs et difficultés d'apprentissages qui y sont associées) qui font pencher pour le choix d'un dispositif collectif d'intégration offrant une plus grande souplesse. La gravité de l'atteinte motrice, l'existence de pathologies associées ne constituent pas, en elles-mêmes des contre-indications.

Il est également possible de proposer l'orientation vers une CLIS 4 à un élève dont les difficultés d'apprentissage, en liaison avec une maladie chronique ou invalidante, peuvent nécessiter un aménagement du rythme des apprentissages. Cela est d'autant plus envisageable que les enseignants qui exercent dans ces classes doivent être titulaires de l'option C du CAPSAIS.

Des indications pédagogiques détaillées relatives au fonctionnement des différents types de CLIS feront l'objet d'une publication ultérieure sous forme de brochure.

Le travail effectué dans les CLIS doit être soutenu par l'action des établissements ou services sanitaires ou médico-éducatifs. Pour les élèves scolarisés dans ces classes, leur progression optimale ne peut être assurée par l'école seule mais implique qu'ils puissent bénéficier d'accompagnements éducatifs, rééducatifs ou thérapeutiques. La signature de conventions entre l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'Education Nationale, et les responsables des établissements ou services concernés permet d'assurer des conditions de coopération plus efficaces. Toutefois, dans certains cas, les accompagnements nécessaires peuvent être effectués par des praticiens en exercice libéral, selon le choix de la famille de l'enfant.

Dans tous les cas où sont prévues des interventions de services de soins ou des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), les modalités d'organisation des synthèses, définies en général dans le projet individuel d'intégration, doivent avoir été clairement précisées avec les partenaires et prises en compte dans le projet de la classe, de telle sorte que l'enseignant puisse assister à ces réunions. La participation indispensable de l'enseignant de CLIS, aux réunions de coordination et de synthèse, ne doit pas conduire à réduire le temps de scolarisation des élèves.

III. 3 La CLIS, une classe "ouverte"

La CLIS constitue dans l'école un dispositif d'intégration, non une classe fermée sur elle-même. C'est bien la raison pour laquelle l'existence d'une CLIS dans une école est signalée au mouvement des enseignants du premier degré, le fonctionnement du dispositif impliquant tous les enseignants de l'école. Chaque CLIS se caractérise par un projet d'organisation et de fonctionnement élaboré par le maître titulaire de la classe en association étroite avec l'ensemble de l'équipe éducative, incluant évidemment le médecin de l'Education Nationale et le psychologue scolaire, sous la responsabilité du directeur d'école et en liaison avec l'inspecteur de la circonscription. Ce projet est transmis à la CCPE.

Chaque élève scolarisé en CLIS doit pouvoir bénéficier de temps d'intégration dans des classes ordinaires, autant que ses moyens le lui permettent. L'enseignant de la CLIS ne peut réussir seul le pari de la scolarisation des enfants qui lui sont confiés, en gérant simultanément son projet collectif de classe et les projets nécessairement individualisés pour chaque élève. Il ne peut y parvenir que dans une étroite coopération avec l'ensemble de l'équipe éducative de l'école, incluant, le cas échéant, les aides-éducateurs dont l'expérience montre qu'ils peuvent largement contribuer à la réussite de ce processus.

Pour les élèves scolarisés en CLIS 2, 3 et 4, il est indispensable, en particulier au cycle 3, qu'ils soient intégrés à une classe de référence, leur permettant de bénéficier d'enseignements dans toutes les disciplines (objectif très difficile à atteindre en CLIS, du fait de la diversité des âges des élèves et de leurs besoins). Mais le processus d'intégration a plus largement pour finalité de permettre aux enfants scolarisés dans ces classes de prendre la mesure du fait qu'ils grandissent et apprennent, ce qui se traduit, entre autres, par le fait de " changer de classe ".

Les élèves de CLIS 1, qui constituent une population d'enfants aux besoins très divers, doivent également bénéficier, en fonction de leurs possibilités et de leurs intérêts, de plages d'intégration qui les encouragent à progresser, à dépasser leurs difficultés. Les expériences conduites en ce domaine confirment que l'intégration dans des classes ordinaires, pour des activités précises, est un puissant facteur de socialisation et de progrès sur le plan cognitif, pour les élèves qui en bénéficient.

Réciproquement, il ne faut voir que des avantages à ce que, pendant les temps d'intégration ou dans le cadre de décloisonnements, des enfants de classe ordinaire viennent dans la CLIS pour participer à des activités sous la responsabilité du maître. Ces démarches doivent être prévues dans le projet d'école. Il importe, pour la réussite du processus intégratif, que le maître de la CLIS soit perçu par tous les élèves de l'école, non comme un maître "à part", mais comme un maître "à part entière".