Hypothèses de bases issues de Vygotski (1896-1934)

L’idée centrale de la psychologie socioculturelle est que le fonctionnement et le développement des fonctions psychologiques supérieures de l’individu dérivent des interactions sociales. Ce paradigme considère que l’apprentissage des concepts scientifiques passe par une internalisation au plan intrapsychique par le sujet, d’un discours partagé par d'autres personnes, se situant au plan interpsychique. Nous adoptons cette hypothèse que nous reformulons par une connaissance avant d'être ‘«’ ‘internalisée’ » par un individu est externe et partagée par plusieurs personnes.

Pour que cette internalisation ait lieu, l’individu doit être aidé. Selon la vigoureuse formule de Bruner (1985, p. 32) ‘«’ ‘il n’y a aucune façon, aucune, pour qu’un être humain puisse maîtriser ce monde sans l’aide et l’assistance des autres, parce qu’en fait ce monde c’est les autres’». Pour nous, l'internalisation d'une nouvelle connaissance passe forcément par le langage et plus généralement la médiation. Toutefois à cette médiation s'ajoute une autre condition : celui qui aide doit se situer dans une zone où un développement est à la fois possible avec une assistance et impossible sans cette assistance, la Zone Proximale de Développement. Pour nous, la construction de nouvelles connaissances par un individu nécessite qu'elles ne soient pas trop éloignées de ses connaissances initiales.

Dans son travail Vygotski différencie les concepts spontanés, des concepts scientifiques. En effet, pour lui ‘«’ ‘le développement des concepts scientifiques doit immanquablement prendre appui sur un certain niveau de maturation des concepts spontanés’» (Vygotski 1998, p.289-290). Nous adoptons l'hypothèse que l'individu construit ses connaissances scientifiques à partir de ses connaissances quotidiennes. Cependant, nous n'adhérons pas à l'idée, selon laquelle ‘«’ ‘les concepts scientifiques ne se développent pas du tout comme les concepts quotidiens’» (Vygotski 1998, p.276), ni à une hiérarchisation entre les concepts scientifiques qui seraient supérieurs aux concepts spontanés. Nous partons de l'hypothèse qu'il n'y a pas de différence fondamentale dans le développement de ces concepts. C'est pourquoi, dans le cadre de notre travail, nous ne cherchons pas à établir de hiérarchisation entre les concepts.

Pour étudier la relation qu'entretient la pensée avec le langage, Vygotski va choisir comme unité de base le mot, car pour lui ‘«’ ‘la pensée ne s'exprime pas dans le mot, mais s'y réalise’» (Vygotski 1998, p. 493). Pour lui, la signification sert à faire le lien entre la pensée et l'expression verbale. À ce propos, nous adoptons, pour la suite de notre travail, la distinction faite entre sens et signification : le sens ‘«’ ‘représente l'ensemble de tous les faits psychologiques que ce mot fait apparaître dans notre conscience. Le sens d'un mot est ainsi une formation toujours dynamique, fluctuante, complexe, qui comporte plusieurs zones de stabilité différente. La signification n'est qu'une des zones du sens que le mot acquiert dans un certain contexte verbal, mais c'est la zone la plus stable, la plus unifiée, et la plus précise...’ ‘»’ ‘’(Vygotski 1998, p. 480). En résumé, Vygotski place le langage au cœur de l'apprentissage et considère que l'étude de la pensée passe par l'analyse de la signification des mots.