Un regard épistémique sur la formation des concepts

Dans le but de mieux cerner certaines spécificités du fonctionnement des sciences, il apparaît particulièrement intéressant de regarder comment est envisagée la formation des concepts scientifiques. Pour cela, nous nous sommes basés sur les travaux du philosophe Allemand Ernst, datant de 1910, proposant des éléments pour une théorie du concept. Son travail est parti de l'étude de la logique formelle en philosophie des mathématiques, pour ensuite s'élargir à des concepts de la physique et de la chimie, relevant de la ‘«’ ‘connaissance de la réalité’» (Cassirer 1977, p.8). L'étude de ces concepts va l'amener à faire la distinction entre les concepts catégoriels, qui sont ‘«’ ‘ la résultante de processus d'abstraction, c'est-à-dire (de) l'extraction d'une composante identique ou, au moins, semblable, extraite d'une pluralité de perceptions homogènes.’ ‘»’ ‘(’Cassirer 1977, p.225) et les concepts relationnels, qui sont définis par les relations qu'ils entretiennent avec d'autres concepts. En d'autres termes comme le signale Weil-Barais (1993, p. 441), le concept catégoriel revient à adopter une approche empiriste des concepts. Ainsi, le concept de CHIEN se forme après avoir rencontré de nombreux individus de cette espèce que l'entourage désigne par le mot ‘«’ ‘chien’». Ce qui revient à envisager la formation du concept comme d'une association entre un ensemble d'attributs et un mot. Or cette approche se révèle inadaptée pour décrire des concepts relationnels mathématiques ou scientifiques. En effet, le concept d'ÉNERGIE en physique est un concept unificateur permettant de rendre compte d'un nombre considérable d'interactions mettant en jeu des phénoménologies diverses (mécaniques, électriques, lumineuses, thermiques...). L'énergie n'a de sens que reliée à d'autres grandeurs physiques, c'est en ce sens qu'il s'agit d'un concept relationnel. À partir de cette distinction, Cassirer proposera de développer une psychologie des relations. En partant de cette approche envisageant les concepts en termes de relations, nous proposons d'étendre ce point de vue, en considérant l'apprentissage comme l'établissement de nouveaux liens. Ces liens peuvent, bien entendu, être de natures différentes. En effet, il est possible d'envisager la formation d'un nouveau lien entre des concepts de la physique, mais aussi entre des mots ou encore entre un concept et une situation matérielle. Notons que cette position n'exclut pas les évolutions mettant en jeu la généralisation d'une notion, car là aussi de nouveaux liens entre le concept et son champ d'application sont en jeu.

En conclusion, nous partons du point de vue de Cassirer sur la formation des concepts scientifiques et nous l'élargissons en considérant qu'apprendre revient à établir des liens. Ces liens peuvent être de nature très différente et il nous importe autant que possible de pouvoir les spécifier.