La transposition didactique

Nous adoptons la distinction faite par Chevallard (1991) entre la connaissance, qui se place du point de vue d'un individu, et le savoir, qui se place du point de vue d'une institution. À ce propos, Chevallard précise qu'un savoir n'existe pas ‘«’ ‘in vacuo’» dans un vide social : tout savoir apparaît, à un moment donné, dans une société donnée, comme ancré dans une ou des institutions. Pour qu'un savoir puisse ‘«’ ‘vivre’» dans une institution, il faut qu'il se soumette à un certain nombre de contraintes que lui impose cette institution. Parmi ces contraintes, il y a la manipulation transpositive qui permet à un savoir de passer d'une institution à une autre. Chaque fois qu'un savoir est transposé, il subit un certain nombre de transformations afin qu'il puisse s'adapter à ‘«’ ‘sa’» nouvelle institution. Le savoir scientifique ne peut pas être enseigné tel quel aux élèves et toute la difficulté de l'enseignement réside dans la transformation d'un savoir pour le rendre ‘«’ ‘enseignable’». Pour cela, il doit d'abord être transposé de l'institution productrice de ce savoir à une institution transpositive qui va transformer l'objet de savoir en objet à enseigner. Ensuite il doit être transposé dans une institution d'enseignement, qui transformera l'objet à enseigner en objet enseigné. Comme le précise Perrin-Glorian (1999) : si la théorie anthropologique ‘«’ ‘permet de pointer la conformité ou non aux rapports institutionnels de rapports personnels à des objets de savoir, puisqu'elle les distingue, elle n'a pas de moyen de décrire les conditions de leur émergence pour un sujet de l'institution en position d'élève’» (P. 289). En clair, la faiblesse de cette théorie est qu'elle évite toute référence à une théorie de l'apprentissage (Rouchier 1996, cité par Perrin-Glorian 1999). Compte tenu du fait que notre étude se centre sur l'apprentissage des élèves, nous n'utilisons pas l'ensemble de la théorie anthropologique pour mener à bien cette étude. Cependant, nous reprenons un certain nombre d'éléments de cette théorie pour décrire la construction de la séquence d'enseignement sur les gaz, notamment les notions de savoir savant, savoir à enseigner et savoir enseigné.

En conclusion, voici les hypothèses que nous adoptons à propos du fonctionnement du savoir en physique. La plupart des concepts scientifiques se forment par une mise en relation avec d'autres concepts. C'est pourquoi, la nature relationnelle de ces concepts nous conduit à envisager l'apprentissage en termes de lien. Ces liens peuvent être de différentes natures. Compte tenu du fonctionnement spécifique de la modélisation, nous considérons que la mise en relation du monde des théories et des modèles avec celui des objets et des événements est nécessaire pour l'apprentissage de la physique. De plus, la représentation d'un même concept dans des registres sémiotiques différents nous conduit à poser que l'établissement de liens entre ces différents registres est nécessaire à l'apprentissage de ce concept. Pour finir, un savoir scientifique nécessite un certain nombre de transpositions avant de devenir ‘«’ ‘enseignable’» et l'apprentissage d'un concept sera conditionné par ces transpositions. Toute la difficulté de l'enseignement réside dans la transformation des concepts afin de faciliter leur apprentissage par les élèves.