1-Rapide tour d'horizon des travaux didactiques sur les conceptions des élèves sur les gaz

Pour présenter ce tour d'horizon, nous avons regroupé les résultats en fonction d'un certain nombre de thèmes. Nous avons fait le choix de ne pas trop expliciter les conceptions, car nous reviendrons sur certaines plus en détail dans le reste de cette recherche.

  • Matérialité du gaz

La plupart des élèves de 6ème savent que l'air est présent dans un bocal ouvert et qu'il occupe tout l'espace dont il dispose (Séré 1985). Cependant, pour ces élèves, l'air ne semble exister que lorsqu'il est en mouvement (Séré 1985), ce résultat est retrouvé chez de jeunes élèves italiens âgés de 6-7 ans par Borghi et al. (1988). De plus, on constate une certaine difficulté pour les élèves à considérer l'air comme étant de la matière (Plé 1997).

  • Masse d'un gaz

Un des principaux aspects de la matérialité des gaz est qu'ils possèdent une masse. Cependant, pour la plupart des élèves âgés de 11 à 13 ans l'air ne pèse pas et une petite partie d'entre eux considère qu'il allège les objets (Séré 1985). Ces résultats sont retrouvés pour des élèves israéliens du même âge (Stavy 1988). Cependant, les réponses des élèves varient en fonction du type de situations proposées par la question. Cette étude montre aussi que des élèves plus âgés (14-15 ans) vont considérer que l'air a une masse. (Stavy 1988).

  • Quantité de gaz

Un travail sur des élèves de CM2 montre que la quantité de gaz n'est pas conservée dans la plupart des situations faisant intervenir la compression, la dilatation, le transvasement (Weil-Barais, Séré & Landier 1986). Une autre étude effectuée sur des élèves de 6ème-5ème montre que, pour un petit nombre d'entre eux, l'air se faufile partout, même à travers les parois des objets. Cependant, à la suite de l'enseignement sur les gaz, la conservation de la quantité d'air semble être acquise pour les situations de compression et de transvasement. En revanche ce n'est pas le cas pour les situations où la température varie (Séré 1985). D'autres travaux menés sur des élèves de 4ème montrent que très peu d'entre eux tiennent compte de la conservation de la quantité pour décrire une compression (Chomat, Larcher, Méheut 1988)

  • L'action du gaz

Pour le physicien, les gaz agissent sur tous les objets avec lesquels ils sont en contact. Ceci est loin d'être une évidence pour les élèves de 6ème-5ème. En effet, ils considèrent que les gaz n'agissent que lorsqu'ils sont en mouvement, et cela aussi bien pour des gaz se trouvant dans une enceinte fermée (par exemple une seringue) que ‘«’ ‘libre’» (par exemple l'air atmosphérique) (Séré 1985). Il semble que pour les élèves anglais âgés 17-18 ans, l'air enfermé dans une pipette remplie d'eau a des propriétés différentes de celles de l'air libre (De Berg 1992). De plus, selon une autre étude Anglaise sur les effets de l'air atmosphérique, il apparaît que pour la plupart des élèves âgés respectivement de 12, 14 et 16 ans, l'air atmosphérique n'agit pas dans la plupart des situations proposées (Clough et Driver 1986). Ces résultats rejoignent ceux de Séré (1985) montrant que pour la plupart des élèves l'air immobile n'agit pas et l'air en mouvement agit. De plus, les élèves considèrent qu'un gaz qui est ‘«’ ‘simplement’» enfermé dans une enceinte n'agit pas. En effet, ils envisagent que le gaz ne peut agir que si l'on exerce une action dessus, particulièrement si on le compresse ou si on le chauffe. De plus, pour la plupart des élèves interrogés dans cette étude, les gaz dans une enceinte n'exercent de forces que dans une seule direction :

  • lorsque le gaz est compressé, il agit particulièrement dans la direction du mouvement du piston ou de la force exercée,
  • lorsque le gaz est chauffé, les élèves utilisent la connaissance quotidienne ‘«’ ‘l'air chaud monte’», ce qui favorise l'action du gaz dans la direction verticale ascendante, ou encore celle qui s'éloigne le plus du point où l'on chauffe (Séré 1985).
  • Répartition du gaz

Les gaz n'ont pas de forme propre, et adoptent la forme du récipient qui les contient. Ils ont la propriété d'être expansibles, ce qui signifie qu'ils se répartissent de manière homogène dans le récipient qui les contient. La plupart des élèves de 6ème-5ème interrogés par Séré (1985) considèrent que si l'on met un petit peu d'air dans une grande boîte vide d'air, il va occuper toute la boîte. Cependant, ces mêmes élèves ne réinvestissent pas cette propriété d'expansibilité dans les situations de chauffage. Une autre étude réalisée sur des étudiants de DEUG à l'université montre que la plupart d'entre eux considèrent que deux gaz mis dans la même enceinte ne se mélangent pas et chacun occupe une partie du volume (Barlet & Plouin 1997). D'autres travaux réalisés aux État-Unis sur plus de 600 élèves allant du niveau grade 2 (7-8ans) jusqu'à l'université, montre que jusqu'au grade 12 (c'est-à-dire juste avant l'université), la plupart des élèves représentent l'air comme n'étant pas réparti de manière homogène (c'est-à-dire répartie à un endroit spécifique) lorsque l'on vide une bouteille d'air à moitié (Benson, Wittrock & Baur 1993). De plus, cette étude montre que l'air est dessiné comme un ensemble continu par la plupart des élèves de grade 10 (16-17ans) et qu'il faut attendre le grade 11 (17-18ans) pour que la majorité utilise une représentation particulaire de l'air. Une étude plus récente menée au Venezuela, montre que les trois quarts des étudiants interrogés pensent que la répartition d'un gaz que l'on refroidit ne sera pas homogène (Niaz 2000). D'autres travaux que nous ne détaillerons pas retrouvent ce type de répartition localisée des gaz (Novick et Nussbaum 1978 ; Chomat, Larcher & Méheut 1988 ; Noh et Scharmann 1997). En conclusion, nous retiendrons que la plupart des élèves ne considèrent pas que les gaz se répartissent de manière homogène.

  • Aspect particulaire des gaz

Le modèle microscopique du gaz est particulièrement utile pour rendre compte du comportement des gaz. Cependant, plusieurs travaux illustrent les difficultés qu'éprouvent les élèves à réinvestir ce modèle (Novick et Nusbaum 1981, Chomat, Larcher & Méheut 1988, Séré & Moppert 1989) et il semble que les élèves de quatrième font appel plus facilement aux molécules dans leurs dessins que dans leurs explications (Barboux, Chomat, Larcher Méheut 1987). D'autres travaux menés aux États-Unis sur des élèves de différentes classes allant du grade 4 jusqu'à l'université (Benson, Wittrock & Baur 1993), montrent que ce n'est qu'à partir du grade 11 (17-18ans) que plus de la moitié des élèves utilise des représentations microscopiques de l'air. De nombreux travaux semblent montrer que les élèves attribuent des propriétés macroscopiques à des objets microscopiques, par exemple les molécules d'un gaz gonflent quand on le chauffe. (Novick & Nussbaum 1978, Brook, Briggs & Driver 1984, Gabel, Samuel & Hunn 1987, Séré & Moppert 1989, Méheut & Chomat 1990, Méheut 1994). Un petit nombre de travaux se sont intéressés à l'utilisation de simulation dynamique pour décrire le modèle microscopique des gaz. Ces travaux montrent que les élèves de 4ème ont du mal à percevoir les chocs des molécules sur les parois et qu'un certain nombre relie la variation de la pression à la densité des molécules (Méheut 1996).

  • Approche systémique

Beaucoup d'élèves ont des difficultés pour raisonner en termes de différence de pression. En effet, il semble qu'ils ne prennent en compte qu'un seul système (Séré 1985, Clought & Driver 1986, Méheut 1990, de Berg 1992). Ceci a pour conséquence que les élèves attribuent au vide la propriété d'agir et notamment d'aspirer les objets comme une ventouse, ou un liquide avec une paille (Séré 1985, Clought & Driver 1986, Rollnick & Rutherford 1990).