2.1 Présentation des courants du changement conceptuel

Après avoir fait un rapide rappel des travaux sur les conceptions, nous présenterons les principaux travaux du changement conceptuel.

2.1.1 Les conceptions

Comme le signale Tiberghien (2002) dans la synthèse des connaissances naïves au savoir scientifique, les premiers travaux sur les conceptions en didactique des sciences se sont déroulés dans les années 1970. Leur but était de mieux connaître les connaissances préalables des élèves, leurs difficultés pendant l'apprentissage et les acquis après enseignement. Malgré l'utilisation d'approches théoriques peu élaborées et assez différentes, il est apparu que ces travaux ‘«’ ‘ont produit un noyau de résultats extrêmement stables, d'un chercheur à un autre, d'un pays à un autre au moins dans les pays de culture occidentale, et d'un élève à un autre.’ ‘»’ ‘’(Tiberghien 2002, p.25-26). En effet, il est apparu rapidement que les ‘«’ ‘erreurs’» des élèves n'étaient pas le fruit du hasard ou de l'inattention, mais qu'elles provenaient de raisonnements cohérents pour les élèves. Ces raisonnements d'élèves ont été baptisés de différentes façons suivant les courants théoriques : représentation, conception, misconception, alternative framework...

Selon Clément (1994), le terme ‘«’ ‘représentation’» aurait été utilisé dès le 18ème siècle et se serait imposé en sciences sociales avec le concept de ‘«’ ‘représentations sociales’». Cependant, il précise que c'est surtout en psychologie cognitive qu'il sera le plus repris et que son utilisation soulève la question des liens avec la mémoire. À ce sujet, Richard (1990) établit à propos des ‘«’ ‘représentations’» une distinction entre les structures de connaissances stabilisées en mémoire à long terme et les structures transitoires liées à la mémoire de travail. En se basant sur cette distinction, tout en trouvant que la définition de représentation n'est pas stabilisée chez les psychologues, Clément (1994) distingue : les conceptions, qui sont associées à la mémoire à long terme et les conceptions conjoncturelles, qui sont mobilisées (en mémoire de travail) dans une situation précise (dialogue, apprentissage réalisation d'une tâche) (Clément 1994, p.20-21).

L'utilisation du terme ‘«’ ‘misconception’» d'un côté et celui de ‘«’ ‘conception’» ou ‘«’ ‘alternative framework’» de l'autre renvoie à un débat qui a eu lieu au sein de la communauté des didacticiens. En effet, les connaissances des élèves qui ne sont pas en accord avec la physique peuvent être considérées par le chercheur : soit comme des connaissances fausses (paradigme des misconceptions de Confrey 1987), soit comme des connaissances qui peuvent être pertinentes, mais qui se révèlent inadaptées à la situation (paradigme de l'erreur de Brousseau 1976). Nous pensons que le paradigme des misconceptions revient à donner un statut épistémologique particulier aux connaissances erronées. Nous ne partageons pas ce choix car nous n'avons trouvé aucun résultat de recherche attestant que les élèves utilisent leurs connaissances ‘«’ ‘erronées’» de façon différente des connaissances ‘«’ ‘correctes’» du point de vue de la physique.

Comme en témoigne l'énorme bibliographie établie par Duit (2002) contenant plus de 7000 références sur les conceptions des élèves et des enseignants, le courant de la recherche en didactique s'est fortement intéressé aux conceptions. Comme le soulignent Buty & Cornuéjols (2002), la plupart de ces études mettent en avant l'incorrection des conceptions initiales vis-à-vis de la physique et seul un petit nombre attribue l'origine de ces conceptions à des pseudo-théorisations de la vie quotidienne. Dans tous les cas, la plupart de ces études s'accorde sur la persistance des conceptions initiales même après enseignement. Cette forte persistance a amené certains travaux à s'interroger sur les facteurs responsables de l'évolution des conceptions initiales vers des connaissances scientifiques.