La connaissance en pièces de diSessa (1993)

diSessa (1993) considère qu'un individu possède un très grand nombre de p-prims, dont la plupart ont été acquises pendant l'enfance. Chaque p-prim est une petite structure de connaissance, qui est activable dans un ensemble de situation donné. Par exemple, on parlera de la p-prim ‘«’ ‘équilibre’», qui dans le domaine de la mécanique implique l’existence de deux efforts opposés qui s’annulent. Une situation peut mobiliser plusieurs p-prims et diSessa s'intéresse aux liens entre les p-prims. Comme le précisentButy & Cornuéjols (2002) ‘«’ ‘Les ’ ‘classes de coordination ’ ‘sont des ensembles de ’ ‘p-prims’ ‘ assez larges ; ce sont des moyens, connectés systématiquement, de recueillir certaines classes d’information sur le monde. ’ ‘Coordination’ ‘ renvoie à la fois à la nécessité de recueillir de multiples aspects de l’information pour qu’elle ait un sens (intégration), et à la nécessité de trouver ce qui est semblable dans cet ensemble d’aspects (invariance). Deux composants obligatoires des ’ ‘classes de coordination’ ‘ sont les stratégies de lecture et le réseau causal’.»

Des situations différentes, ou des sollicitations différentes du milieu dans la même situation, vont provoquer chez l’apprenant l’activation de p-prims différentes. diSessa donne l’exemple suivant : une élève est questionnée sur la trajectoire d’une balle de tennis qu’on tient dans la main et qu’on jette verticalement ; on lui demande d’abord quelles forces s’exercent sur la balle quand elle monte puis descend ; elle répond conformément à la physique enseignée que seule la gravité s’exerce sur la balle : diSessa interprète cette réponse en disant qu’elle fait intervenir la p-prim ‘«’ ‘ gravité ’». On pose alors à l’élève une deuxième question : que se passe-t-il au point où la balle rebrousse chemin ? Elle répond en disant que deux forces s’exercent, la gravité et la résistance de l’air, et que ces deux forces s’équilibrent momentanément, c’est ce qui explique que la balle s’arrête un bref instant avant de redescendre : diSessa interprète ce revirement en disant que la deuxième question a activé la p-prim ‘«’ ‘ équilibre ’».

Il est intéressant de remarquer que ces approches très différentes envisagent toute les deux que les connaissances d'un élève puissent êtres contradictoires entre-elles du point de vue du chercheur, mais pas forcément du point de vue de l'élève. Ceci semble être confirmé par un certain nombre de travaux (diSessa 1987, 1988 et 1993, Vosniadou 1994, Warren & al. 2001, Taber 2001, Balacheff & Gaudin 2002).En effet, on a d'un côté, Vosniadou qui postule une grande cohérence des théories des élèves tout en envisageant que certains modèles mentaux puissent être contradictoires (modèles mixtes) et de l'autre diSessa qui postule une non-cohérence des p-prims, mais envisage qu'elles puissent devenir cohérentes.

Cependant, est-ce que la différence de ces deux approches ne viendrait pas de l'âge des élèves étudiés ? En effet, Vosniadou travaille surtout sur des jeunes enfants (de 6 à 10 ans) possédant un petit nombre de connaissances sur les thèmes scientifiques, alors que diSessa étudie des étudiants à l'université possédant un nombre beaucoup plus important de connaissances scientifiques. Ceci nous conduit à supposer que la théorie de diSessa correspond plus directement aux comportements des individus possédant un grand nombre de connaissances pouvant êtres contradictoires et fluctuants, alors que celle de Vosniadou correspondrait plus à ceux des individus avec un petit nombre de connaissances cohérentes et stables. Le problème est que nous étudions des élèves de Seconde, âgés de 15-16 ans et que ces deux types de connaissances risquent d'apparaître. C'est pourquoi, il nous faut utiliser un modèle permettant de décrire à la fois des connaissances cohérentes et stables ainsi que des connaissances contradictoires et fluctuantes.