3.1 Aspect particulaire des gaz

Un des objectifs de la séquence d'enseignement sur les gaz est l'appropriation par les élèves du modèle microscopique des gaz. Cependant, comme le signale notre partie sur les conceptions (voir chapitre 1), un grand nombre de travaux didactiques sur des élèves allant du collège jusqu'à l'université et menés dans différents pays, montre que l'acquisition du modèle microscopique n'est pas évidente pour les élèves et que son utilisation n'est pas forcément faite de manière spontanée dans la plupart des situations (Novick et Nussbaum 1981 ; Chomat, Larcher & Méheut 1988 ; Stavy 1988 ; Méheut & Chomat 1990 ; Benson et al. 1993). C'est pourquoi, nous avons étudié comment ce modèle était réutilisé par les élèves à la suite de l'enseignement. Pour cela, nous avons essayé de déterminer à quel niveau (macroscopique ou microscopique) se situent leurs explications. Rappelons que suivant la formulation des questions, le type de réponse adoptera des formes différentes. En effet, certaines questions demandent des explications en langue naturelle et d'autres demandent de faire des dessins.

Concrètement dans notre analyse, toutes les explications faisant appel aux mots molécules, atomes ou particules, qu'ils soient correctement utilisés du point de vue de la physique ou non, ont été considérées comme relevant du niveau microscopique. En effet, ces trois mots sont issus du vocabulaire scientifique et ne sont utilisés que pour décrire les éléments se trouvant à l'échelle microscopique. Nous donnons à titre d'exemple quelques explications d'élèves, mais avant il nous faut préciser que toutes les citations d'élèves sont données telles quelles, sans corriger l'orthographe, afin d'éviter toute sur-interprétation : ‘«’ ‘car des molécules d'air sont partie du ballon’», ‘«’ ‘le gaz est composé de plusieurs particules’ »et‘«’ ‘les molécules tapent sur les parois’». De même, nous avons considéré que les dessins représentant les gaz avec des traits discontinus relevaient du niveau microscopique. En effet, le caractère discontinu des gaz n'est pas perceptible directement, c'est pourquoi nous inférons que ce type de représentation relève du niveau microscopique. Voici à titre d'exemple, quelques représentations d'élèves que nous considérons comme relevant du niveau microscopique (figure 5.3) :

Figure 5.3 : Représentations d'élèves relevant du niveau microscopique
Figure 5.3 : Représentations d'élèves relevant du niveau microscopique

Nous avons regardé pour chacune des questions proposées par le questionnaire, à quel niveau se situaient les réponses des élèves avant et après l'enseignement sur les gaz. Le graphique ci-dessous (figure 5.4) présente le pourcentage de réponses des élèves se situant au niveau microscopique pour chacune de ces questions.

Figure 5.4 : Pourcentage des réponses d'élèves se situant au niveau microscopique en fonction des différentes questions ( les quatre premières colonnes représentent les réponses d'élèves sous forme de dessins et les autres sont les explications en langue naturelle).
Figure 5.4 : Pourcentage des réponses d'élèves se situant au niveau microscopique en fonction des différentes questions ( les quatre premières colonnes représentent les réponses d'élèves sous forme de dessins et les autres sont les explications en langue naturelle).

Il apparaît de manière très nette que les élèves se situent beaucoup plus au niveau microscopique pour traiter les questions demandant de dessiner que celles demandant des explications en langue naturelle. En effet, déjà avant l'enseignement sur les gaz (bâtonnet blanc sur le graphe) nous trouvons qu'à peu près 20 % des dessins et environ 5 % des explications en langue naturelle se situent au niveau microscopique. Après l'enseignement (bâtonnet noir sur le graphe), on trouve environ 70 % des dessins et 15 % des explications en langue naturelle qui se situent au niveau microscopique. Ces chiffres tendent à montrer que, à la suite de l'enseignement, les élèves considèrent qu'il est plus pertinent de représenter l'air par des traits discontinus plutôt que comme un ensemble continu, ce que nous interprétons par le fait qu'ils adoptent une représentation microscopique des gaz. Cette forte évolution du nombre de dessins se situant au niveau microscopique peut être interprétée par le fait que la première partie de la séquence d'enseignement, demande de représenter à de nombreuses reprises les gaz au niveau microscopique. De plus, un certain nombre d'activités demande de comparer ces représentations avec le modèle microscopique (donné en langue naturelle essentiellement).

Lorsque l'on compare l'évolution des dessins selon les situations proposées par le questionnaire, il apparaît que la plus forte évolution à la suite de l'enseignement porte sur la situation où l'on compime de l'air dans une pompe à vélo (un peu moins de 60 %). Cette situation demande de représenter de l'air enfermé dans une pompe à vélo sur un premier dessin, puis de représenter l'air lorsque l'on appuie sur le piston sur un second dessin. Cette question est similaire à celle posée aux élèves lors de la première activité de la séquence d'enseignement, la seule différence porte sur l'enceinte, une seringue au lieu d'une pompe à vélo. Ceci pourrait expliquer pourquoi, il y a une telle évolution pour cette situation. Concernant les explications en langue naturelle, nous nous attendions, pour les mêmes raisons, à ce que les réponses fassent le plus appel aux molécules pour la situation de la pompe à vélo, or c'est la situation où l'on dégonfle le ballon de football qui obtient le plus de réponses au niveau microscopique.

Nos résultats montrent que les questions demandant de représenter des gaz sur un dessin conduisent à un plus grand nombre de réponses se situant au niveau microscopique que celles pour lesquelles la réponse est en langue naturelle. Ceci nous conduit à étudier plus en détail les différentes représentations des gaz, notamment la répartition des particules.