3.4 Masse d'un gaz

Un des principaux aspects de la matérialité des gaz est qu'ils possèdent une masse. Cependant, les travaux didactiques sur ce sujet montrent que l'air n'a pas de masse pour la plupart des élèves français de 11-13 ans (Séré 1985) et qu'en revanche les élèves israéliens de 14-15 ans considèrent que le gaz est pesant (Stavy 1988). Partant de ce constat, nous avons fait le choix de tester deux situations, pour voir si, pour les élèves, le gaz a une masse. La première situation met en jeu un ballon de football que l'on dégonfle et la seconde un verre de boisson gazeuse dont les bulles s'échappent. Ces deux situations font intervenir une diminution de la quantité de gaz dans un système. Le premier système est délimité par les parois du ballon qui contiennent de l'air, et le second est matérialisé par le verre, qui est formé de trois phases différentes : une phase solide (le verre), une phase liquide (la boisson sans les bulles de gaz) et une phase gazeuse (les bulles de gaz contenues dans la boisson). Dans cette dernière situation, seules les bulles de gaz diminuent. Voici les énoncés des deux situations (le numéro précédant l'énoncé correspond au numéro de la question dans le questionnaire) :

Réponse attendue du point de vue du savoir à enseigner :

Pour faire notre analyse, nous avons séparé les réponses, correspondant aux choix multiples entre l'air pèsera : plus lourd, plus léger ou la même chose, des explications. Nous présentons dans un premier graphique l'évolution des choix des élèves pour les deux situations :

Figure 5.23 : Évolution des choix des élèves sur la masse lors d'une diminution de la quantité de gaz contenue dans un ballon de foot et dans un verre de coca.
Figure 5.23 : Évolution des choix des élèves sur la masse lors d'une diminution de la quantité de gaz contenue dans un ballon de foot et dans un verre de coca.

Ce graphique montre qu'un plus grand nombre d'élèves ne répondent pas à la situation du verre de coca (environ 15 %) comparée à celles du ballon de football (environ 2 %). Cette différence peut s'expliquer par le fait que la situation du verre contenant une boisson gazeuse est la dernière du questionnaire et donc que les élèves ont moins de temps pour y répondre. À travers les réponses des élèves, il semble qu'avant l'enseignement, 27 % des élèves pensent que l'air allège les objets, que 30 % considèrent qu'il ne pèse pas et que pour 37 % il pèse. Concernant le verre de coca, on trouve que le gaz allège seulement pour 10 % des élèves, qu'il a une masse pour environ 25 % et qu'il ne pèse pas pour 45 %. Après l'enseignement, on trouve majoritairement (plus de 60 %) que l'air pèse pour le ballon de foot. Concernant le verre de coca, le gaz sera pesant pour un peu plus de 40 % des élèves et ne pèsera rien pour environ 37 % d'entre eux. Compte tenu du fait que, dans le coca, les bulles partent vers le haut, nous pensions que cette situation favoriserait l'idée que le gaz allège. Apparemment, il semblerait qu'elle favorise le fait que le gaz ne pèse pas.

À travers les explications des élèves, nous cherchons à savoir si les gaz sont pesants. Dans cette analyse, nous ne cherchons pas à établir s'ils font la distinction entre le poids et la masse, c'est pourquoi nous avons regroupé dans la même catégorie le gaz pèse, lorsqu'ils utilisent des mots comme poids, masse, peser, ... Les explications des élèves ont été regroupées selon quatre catégories :

  1. l'air ou le gaz pèse, par exemple pour la réponse le ballon sera plus léger, les élèves justifieront par «l'air enlevé a un poids, donc si on le retire du ballon, ce dernier sera plus léger» ou «le ballon sera plus léger car l'air a une masse donc si on enlève de l'air le ballon est plus léger». Pour la réponse, le ballon pèsera la même chose, on trouvera les explications «l'air a une masse infime, on ne verra pas la différence», ou «l'air pèse mais la différence ne se verra pas».
  2. l'air ou le gaz ne pèse pas, qui est utilisé pour justifier essentiellement le fait que le ballon pèsera la même chose, on trouve notamment «l'air n'a pas de poids, qu'il y'en ait plus ou moins ne modifiera pas la masse du ballon, qui est due à l'enveloppe», «seules les parois du ballon constituent sa masse»
  3. l'air ou le gaz allège les objets, est utilisé pour expliquer le fait que le ballon sera plus lourd une fois dégonflé, on trouve les explications suivantes : «un objet gonflé, va devenir plus léger. On peut l'expliquer à partir d'exemples, un ballon gonflé s'envole et dégonflé il ne s'envole pas» ou «l'air rend le ballon plus léger». Nous pensons que ce type d'interprétation permet d'expliquer de nombreux exemples tirés de situations quotidiennes, notamment le fait qu'un ballon de baudruche dégonflé tombera plus vite que lorsqu'il est gonflé.
  4. il y a moins d'air ou de gaz, cette catégorie regroupe les explications du type, le verre de coca sera plus léger, «car le gaz est partie», «le gaz s'est évaporé», ou le ballon sera plus léger car «il y a moins d'air», «l'air a été enlevé». Ce type d'explications ne nous permet pas de savoir si les élèves utilisent des arguments phénoménologiques, c'est-à-dire s'ils utilisent le fait que la seule chose qui a changé est la quantité sans pour autant attribuer un caractère pesant au gaz, ou si implicitement dans leurs réponses le gaz pèse. Comme méthodologiquement, nous ne pouvons pas trancher entre ces deux interprétations et comme le fait que le gaz pèse n'est pas signalé explicitement par les élèves dans ce type d'explications, nous faisons le choix de ne pas considérer que les élèves attribuent un caractère pesant au gaz dans ce type de réponse. La catégorie le «gaz pèse» n'est constituée que d'explications où cette propriété apparaît explicitement.

Le graphique ci-dessous présente le pourcentage d'explications selon nos différentes catégories :

Figure 5.24 : Évolution des explications des élèves sur la masse pour le ballon de football et le verre de coca.
Figure 5.24 : Évolution des explications des élèves sur la masse pour le ballon de football et le verre de coca.

Ce graphique montre qu'après l'enseignement, les explications du type ‘«’ ‘l'air ne pèse pas’» diminue de presque 10 % pour le ballon de foot et quasiment pas pour la situation du verre de coca. En revanche, l'air pèse est le type d'explication majoritaire après l'enseignement, ce qui représente respectivement 35 % pour le ballon de foot et presque 50 % pour le verre de coca. À l'intérieur de cette catégorie, on trouve quelques explications d'élèves (2,4 % pour le ballon de foot et 2,4 % pour le verre de coca) utilisant des points de vue contradictoires, par exemple : ‘«’ ‘un gaz a une masse’ ‘, de l'air s'échappe du ballon donc il y a moins d'air cependant ’ ‘le ballon, lui-même est’ ‘’ ‘plus lourd un peu dégonflé’». Ce type d'explication utilise simultanément le point de vue (que nous reconstruisons à partir du texte mis en gras) que le gaz pèse et que le gaz allège.

En conclusion, il apparaît qu'avant l'enseignement, plus de 25 % des réponses d'élèves considèrent que le ballon de foot sera plus lourd et environ 30 % qu'il pèsera la même chose. On trouve aussi que seulement 10 % des réponses d'élèves considèrent que le verre de coca sera plus lourd et 45 % que le verre de coca pèsera la même chose une fois que toutes les bulles seront parties. Cependant, lorsque l'on regarde les explications, il apparaît que l'explication le gaz pèse est celle qui est la plus utilisée par les élèves et cela même pour les réponses disant que le ballon de foot ou le verre de coca pèse la même chose. À la suite de l'enseignement, il apparaît que ce sont les explications du type le gaz pèse qui augmentent le plus (35 % pour le ballon de foot et presque 50 % pour le verre de coca). Les autres types d'explications (le gaz ne pèse pas ou le gaz allège) diminuent.