1.1.2.5. Action des gaz

Lorsque l'on appuie sur le piston d'une seringue contenant de l'air, Anne explique que l'air agit partout mais surtout sur le piston, ce que nous modélisons par l'idée le gaz agit plus à un endroit (seringue pousse (R agit)). En revanche, lorsqu'on lui demande où le gaz agit à l'intérieur de trois ballons de baudruche remplis de gaz différents, Anne explique que l'hélium, l'air et le gaz de ville agissent partout (noté le gaz agit partout (trois ballons (R agit)). Ces deux idées ne sont utilisées à chaque fois que pour une seule situation et l'endroit de l'action du gaz va dépendre du fait que l'on exerce une action ou non dessus (compression ou pas d'action).

Anne utilise la variation de la quantité de gaz pour expliquer un grand nombre de situations. Il semble qu'Anne interprète ces situations en faisant jouer le rôle d'agent causal à la variation de la quantité de gaz (noté variation quantité ). De plus, l'utilisation de cette idée prendra des formes différentes suivant le type d'enceinte (ouverte (1) ou fermée (2)) mis en jeu dans les situations.

  1. Pour les enceintes ouvertes susceptibles d'échanger de la matière avec l'extérieur, elle utilise le fait que le gaz rentre ou sorte, faisant ainsi varier la quantité de gaz à l'intérieur de l'enceinte. Elle explique notamment, qu'un sac plastique rempli d'air se dégonfle (effet), car l'air est parti (cause). Nous modélisons cette explication par la relation causale air sort = variation de quantité  effet air (attraper avec sac plastique). Nous parlons d'effet de l'air, car dans cette explication, Anne ne donne aucune information sur la manière dont va agir l'air dans le sac plastique. On retrouve cette idée dans la situation du flambie (pot contenant un flan emballé sous vide), Anne explique que le flan ne tombera que si on enlève la languette du pot qui le contient, car il y a «de l'air qui est rentré (A montre le petit trou du flambie)/ donc ça va le faire/ ça va le faire descendre» (noté air rentre = quantitéeffet gaz (flambie languette)). Cette idée est encore utilisée, mais cette fois en détaillant l'action de l'air. Dans la situation du sac plastique dont on chauffe l'intérieur à l'aide d'un réchaud, Anne explique qu'il se gonfle parce que l'air et le gaz «vont rentrer dans le sac plastique et puis ils vont ils vont mettre une pression (geste de pousser vers le haut)». Dans cette explication, la quantité varie, et il y a une description de l'action du gaz (l'air et le gaz vont mettre une pression). Nous modélisons cette explication par gaz rentre =variation quantité  action gaz (montgolfière).
  2. Pour les enceintes fermées ne pouvant pas échanger de la matière avec l'extérieur, Anne fait appel à de nouvelles idées pour faire varier la quantité de gaz. Elle utilise le fait (a) qu'il y a du gaz qui disparaît lorsque l'on refroidit un récipient fermé et (b) que le gaz traverse les parois, dans le cas d'une seringue fermée.
    1. Pour expliquer que la quantité varie dans une enceinte fermée, Anne utilise le fait que refroidir le gaz entraîne sa disparition (noté refroiditdisparition gaz). Cette explication est utilisée pour la situation du film plastique posé sur un récipient en fer que l'on refroidit ainsi que dans celle d'un pot rempli de confiture chaude qu'on laisse refroidir. Pour la confiture, elle dit qu'à force «qu'ça refroidisse et tout / l'air elle part/ aussi c'est chaud à l'intérieur/ ça part avec la chaleur/ par évaporation en faite [...] donc c'est encore plus dur à ouvrir». Pour le récipient en fer que nous avons refroidi avec de l'eau, elle explique que le film plastique se dégonfle car «l'effet de l'eau/ ça a enlevé (1s) un/ un maximumde gaz (1s) parc'que d'dans y'a d'jà toujours y' touj- j'pense qu'il y a tout le temps de l'air». Dans ces deux situations, on trouve que la diminution de la quantité de gaz est la cause des phénomènes observés (plus dur d'ouvrir le pot et le film plastique se dégonfle). Pour nous, les explications d'Anne mettent en lien deux relations causales, la première est : lorsqu'on refroidit (cause) il y a une disparition du gaz (effet) et la seconde est  : lorsqu'une partie du gaz disparaît (cause), c'est-à-dire quand sa quantité diminue, il devient plus difficile d'ouvrir le pot ou le film plastique se dégonfle (effet). Ce que nous notons refroidit  disparition gaz = variation quantité  effet gaz (refroidit récipient en fer, confiture).
    2. Lorsque l'on appuie sur le piston d'une seringue fermée, Anne explique que de l'air rentre dans la seringue en passant au niveau du piston (noté air traverse les parois (seringue pousse(R agit)). Nous lui avons fait remarquer que la seringue était fermée au niveau du piston et que l'air ne pouvait pas rentrer, ce qu'elle semble accepter malgré sa surprise (elle dit : «ouais/ ah ben oui elle passe plus (elle observe la seringue)/ ben oui»). Malgré notre remarque, Anne continue d'utiliser cette idée dans les questions suivantes (voir tableau 6.5 et 6.6).
Tableau 6.7 : Extrait de l'entretien d'Anne à propos la variation de la quantité d'air (D : l'intervieweur, A  : Anne, le ++ signifie relation de causalité de type «plus-plus»)
Temps Question et transcription Idées
17:10 8.1- Une fois que tu as appuyé sur le piston, si tu le lâches il revient, explique?  
  [...]
A : parc'qu'il y a/ là je mets encore plus d'air (A pousse sur le piston de la seringue bouchée) et la pression de l'air elle fait que ça recule encore plus
[...]
D : là dans ce cas concret la force de l'air ça serait quoi/ qu'est-ce qu'elle fait
A : ben elle aurait rentré là-dedans et quand j'aurai bouché et ben comme là j'mets encore plus d'air (A pousse sur le piston de la seringue bouchée)/ y'a de l'air qui (geste de rentrer)/ non l'air elle va encore plus se compresser donc comme j'vais lâcher elle va comment s'décompresser/ s'relacher/ donc ça va reculer
D : d'accord
air traverse la paroi=variation quantité + + action air

air traverse paroi=variation quantité + + action air

état de l'air effet air

Nous interprétons la première phrase inscrite en gras par une relation de causalité de type ‘«’ ‘plus-plus’» entre la variation de quantité et l'action du gaz, notée air traverse les parois =variation quantité + + action gaz. Dans la suite de cette explication, elle réutilise l'idée que le gaz traverse la paroi (deuxième phrase mise en gras), puis se corrige en utilisant finalement le fait que l'air se compresse et se décompresse (3ème phrase mise en gras). Dans la question suivante (tableau 6.8), Anne réutilise cette idée, puis à la suite de la remarque de D, elle en utilise une autre qui compare l'action de l'air des deux côtés du piston.

Tableau 6.8 : Extrait du changement d'idée d'Anne
Temps Question et transcription Idées
18:24 8.2- Si on tire le piston et qu'ensuite on le lâche, il revient, explique ?  
  A : ouais/ c'est la même/ ben alors là elle est présente partout/ euh ouais c'est le même système/ là ça se bouche et il y a l'air là en plus qui rentre (montre au niveau du bout noir du piston) donc ça le fait avancer
D : dans l'air qui rentre/ j'ai du mal à comprendre
A : ah mais non/ mais il est bouché c'est vrai
[...]
A : ouais mais non non je sais mais je sais pas (3s) ou alors y a la pression de l’air et le fait que ça revienne/ parc'que y a de l’air qui rentre jusqu’ici (montre le bout noir du piston)/ donc l’air qui rentre jusqu’ici/ ça va faire là aussi une pression/ elle sera peut-être plus forte ici (extérieur du piston) que là (l’intérieur du piston) 

air traverse paroi= variation quantité + + effet du gaz





action air int > action air ext

Cet extrait montre qu'Anne explique la situation par le fait que de l'air rentre dans la seringue et que cette variation de quantité (cause), va entraîner la mise en mouvement du piston (effet), idée notée air traverse paroi = variation quantité effet du gaz. Après notre remarque, elle va abandonner cette idée pour finalement utiliser le fait que l'action de l'air à l'intérieur du piston est moins forte que celle à l'extérieur (noté action gaz int<action gaz ext (seringue tire/lâche)). Dans cette dernière explication Anne utilise le mot pression avec le sens quotidien de pousser (air va faire une pression), c'est pourquoi nous reconstruisons l'idée action air et non pas pression air.

Dans la situation du sucre collé dans un verre que l'on met à l'envers dans l'eau, Anne explique que le sucre n'est pas mouillé, car la pression de l'air est plus importante que la pression de l'eau. L'explication d'Anne ne permet pas de déterminer le sens du mot pression (physique ou quotidien). Compte tenu de la définition qu'elle donne par la suite, où la pression ‘«’ ‘c'est la force que ça donne’», nous considérons qu'elle utilise ce mot avec la signification quotidienne de pousser. C'est pourquoi, nous notons cette idée action air>action eau (verre + sucre). Les idées action air>action eau et action gaz int<action gaz ext, montrent qu'Anne compare deux systèmes différents, ce qui semble être un raisonnement assez difficile à faire. En effet, plusieurs travaux (Séré 1985, Méheut 1990, de Berg 1992) signalent que la plupart des élèves ne raisonnent qu'à partir d'un seul système.