Analyse des idées d'Anne et Ellen sur les molécules

Durant l'activité 1 (question 1 et 2), il est demandé de représenter l'air contenu dans une seringue. Dans ces questions, les élèves ont le choix de représenter l'air au niveau macroscopique ou microscopique. Le tableau 7.14montre les réponses d'Anne et Ellen à ces deux questions.

Tableau 7.14 : Réponses écrites d'Anne et Ellen (P1A1Q1&2)
Tableau 7.14 : Réponses écrites d'Anne et Ellen (P1A1Q1&2)

Ces dessins montrent qu'Anne et Ellen n'utilisent pas les molécules pour représenter l'air. De plus, dans la question suivante demandant de décrire ces deux situations au niveau microscopique, puis au niveau macroscopique, Anne définit ces niveaux comme : ‘«’ ‘macroscopique/ c'est euh tu vois/ micro c'est petit et macro/ c'est/ en gros’». À travers cette définition, Anne n'utilise pas les molécules. Durant les discussions entre Anne et Ellen pour répondre à la question se plaçant au niveau microscopique, il apparaît que les molécules ne sont jamais employées pour décrire l'air. Comme nous l'avons montré dans l'analyse du sens attribué au mot macroscopique (voir plus haut), il semble que les éléments du niveau microscopique sont essentiellement ce que l'on ne voit pas, on trouve notamment la quantité d'air, qui n'est pas visible. Le tableau 7.15 donne les réponses écrites d'Anne et Ellen.

Tableau 7.15 : Réponses écrites d'Anne et Ellen (P1A1Q3)
Réponses écrites à la question 3 microscopique :
A :
“-Au niveau microscopique, ce qui a changé :
-le volume de l’air occupé dans la seringue
Ceux qui n’a pas change est la quantité d’air.”

E :
“Au niveau microscopique : ce qui a changé
- le volume d’air occupé
: ce qui n'a pas changé :
-la quantité d’air”

Les réponses ci-dessus montrent que l'air au niveau microscopique est décrit à l'aide de la quantité et du volume, ce qui signifie qu'Anne et Ellen ne font pas appel aux molécules pour représenter ce niveau.

L'activité 2 demande d'isoler par la pensée une petite partie de l'air contenu dans la seringue et de représenter les molécules d'air dans cette partie. Pour cette question Anne et Ellen pensent que, si on isole des petites parties d'air de même volume, il y aura la même quantité dedans. La tableau 7.16 illustre les réponses d'Anne et Ellen pour cette question.

Tableau 7.16 : Réponses écrites d'Anne et Ellen (P1A2Q1)
Tableau 7.16 : Réponses écrites d'Anne et Ellen (P1A2Q1)

Ce tableau montre que, conformément à l'énoncé, Anne et Ellen représentent l'air par des molécules. Cependant, leurs représentations montrent que les molécules ne se répartissent pas partout et qu'elles n'arrivent pas encore à faire l'opération mentale qui consiste à isoler une partie d'air de même volume et de représenter les molécules dans les deux situations. Cette abstraction les aurait conduites à considérer qu'il y a plus de molécules dans la deuxième situation.

Au cours de cette activité, Anne relie la quantité au nombre de molécules. L'émergence de ce lien, ainsi que sa stabilisation au cours de la séquence sera décrite plus en détail dans la partie «‘Présence’» de ce chapitre. Anne considère que les molécules sont plus compressées lorsque l'on appuie sur le piston de la seringue remplie d'air. Cette idée est retrouvée à plusieurs reprises au cours de ce TP (voir le graphique ‘«’ ‘TP1 utilisation de l'idée les molécules sont compressées’» dans l'annexe de l'analyse fine pendant, partie graphique Kronos).

Suite à la lecture du modèle, Anne et Ellen représentent les molécules partout. De plus, pour Anne, les molécules sont collées aux parois. La répartition des molécules est décrite plus en détail dans la partie ‘«’ ‘Répartition’» de ce chapitre.

Comme le montre le tableau 7.16 ci-dessus, Anne et Ellen n'arrivent pas à faire ‘«’ ‘l'abstraction’» mentale d'une petite partie d'air, puisque le nombre de molécules ne varie pas entre les deux situations. Durant la correction de cette question, une discussion s'établit dans la classe, entre d'un côté les élèves qui pensent qu'il y aura plus de molécules dans l'échantillon de la situation 2 et de l'autre ceux qui disent que le nombre de molécules sera identique. Au cours de cette discussion, l'enseignante explique à la classe ‘«’ ‘l'abstraction’» qui consiste à isoler par la pensée une petite partie d'air et à imaginer comment varie le nombre de molécules dans deux situations différentes. Comme le montre cet extrait, il semble que, suite à cette explication, Anne comprend cette expérience de pensée (tableau 7.17).

Tableau 7.17 : Extrait de la correction de la question 1 de l'activité 2
Temps Question Description Transcriptions Idées
00:49:22:18 Correction P1A2Q1 Prof discute avec la classe s'il faut mettre la même quantité dans des échantillons de même volume Prof : au moment où j'ai poussé les molécules qui sont dans l'air/ qui sont là/ sont plus resserrées puisqu'elles ont moins de place lorsque je regarde le volume global/ maintenant comme j'ai pris un échantillon de même volume/ une petite partie/ de même volume/ lorsque je regarde/ j'ai pris deux petites parties qui ont la même taille (1s) dans l'une des petites parties les molécules seront plus espacées que dans l'autre/ ça veut dire que dans l'autre il y'en aura plus
A : ah ben ouais/ c'est vrai ça/ dans la quantité il y'en a plus/ mais quand tu prends la quantité elles sont plus serrées
E : j’sais pas

















A ?

Dans cet extrait, il semble qu'Anne comprend l'abstraction (qui est une expérience de pensée consistant à prendre un échantillon de même volume et à évaluer le nombre de molécules pour les deux situations) expliquée par l'enseignante, ce qui ne semble pas être le cas pour Ellen. En effet, Anne dit ‘«’ ‘ah ben ouais/ c'est vrai ça’». De plus, elle ajoute que ‘«’ ‘dans la quantité ’ ‘(isolée par un petit volume’ ‘) il y'en a plus/ mais quand tu prends la quantité ’ ‘(dans toute la seringue’ ‘) elles ’ ‘(les molécules’ ‘) sont plus serrées’». Nous avons mis entre parenthèses les précisions que nous déduisons de ce qui vient d'être dit juste avant. Anne semble adhérer à ce que dit l'enseignante, mais compte tenu du manque de clarté dans son explication, nous pensons que le meilleur moyen de savoir si elle a vraiment compris ou non est de regarder si elle réutilise cette abstraction dans d'autres activités de la séquence d'enseignement. L'extrait suivant montre qu'Anne la réutilise pour la question 1 de l'activité 3 (tableau 7.18).

Tableau 7.18 : Extrait d'une discussion entre Anne et Ellen (P1A3Q1)
Tableau 7.18 : Extrait d'une discussion entre Anne et Ellen (P1A3Q1)

Cet extrait montre qu'Anne et Ellen discutent afin de définir quelle réponse convient. Au cours de cette discussion Anne utilise la même expérience de pensée (que nous nommons abstraction) pour expliquer à Ellen, pourquoi c'est la dernière question qui convient (mis en noir dans le texte). Le silence (3s) et les hésitations d'Ellen (‘«’ ‘euh j'sais pas’») nous font penser que cette dernière n'a pas encore compris cette ‘«’ ‘abstraction’». En revanche, le fait qu'Anne réutilise ce raisonnement dans son explication à Ellen témoigne d'une bonne compréhension de cette ‘«’ ‘abstraction’». Pour répondre aux questions de l'activité 3, Anne et Ellen utilisent certaines règles du modèle, notamment que les molécules ne se coupent pas et qu'elles ne se déforment pas.