Casas Blancas

Malgré mon échec pour enquêter sur la médecine traditionnelle yaqui et les pratiques de la sorcellerie, je ne pouvais pas clore cette première partie sans aborder, avec les difficultés déjà rapportées, le monde magique et dangereux de la « surnature » que les sorciers et les guérisseurs yaqui manipulent.

En 1999 352 , je connaissais quelques problèmes de santé et il aurait été absurde de ma part de ne pas saisir cette opportunité pour me faire soigner par un guérisseur ou une guérisseuse (jitebií) de la communauté yaqui. Cette initiative me permettait, dans une certaine mesure, de me confronter personnellement et directement avec l’univers de la médecine traditionnelle yaqui. La raison qui m’a poussé à me rendre spécialement chez doña María Matuz et non pas chez une autre ou un autre guérisseur, est sans doute à mettre en relation avec le premier entretien que j’ai eu avec le « manipulateur ». Nous étions alors en 1994.

En 1999, l’époque en question, j’ai rencontré Crescencio Buitimea qui, pour répondre à mes questions sur la sorcellerie et les pratiques curatives, m’a parlé de María Matuz. Doña María Matuz habite à côté de chez lui et c’est une guérisseuse qui bénéficie d’une très grande considération. Mais, le plus surprenant, d’après les propos de Crescencio Buitimea, c’est qu’elle ne soigne que des yorim. Sa clientèle, comme j’ai pu m’en rendre compte, était, le jour où je me suis rendu chez elle, uniquement constituée de yorim.

Crescencio Buitimea m’a d’ailleurs raconté que des Nord-Américains traversent la frontière pour venir se faire soigner par doña María Matuz. Un Nord-Américain lui a même offert une voiture pour la remercier de lui avoir sauver la vie. D’après Crescencio Buitimea et le récit que lui en a fait sa mère, l’homme était atteint d’un cancer et ses jours étaient comptés. Je rapporte les faits tels qu’on me les a racontés.

Le nom de María Matuz s’est donc imposé tout naturellement et grâce aux indications que Crescencio Buitimea m’a données pour localiser la maison de la guérisseuse, je me suis rendu chez elle pour une consultation.

Je savais que, dans la démarche de rencontrer une guérisseuse, il me serait impossible de me situer dans la position d’enquêteur à informateur ; ma demande de soins me défendait d’utiliser cette situation pour lui poser des questions. J’avais deux possibilités, soit me présenter en tant que patient soit agir en tant qu’enquêteur. Cette deuxième option, sans le concours d’un « médiateur », dans le cas présent, la médiation d’un Promoteur bilingue de la culture yaqui, était vouée à l’échec 353 .

Notes
352.

J’ai rencontré doña María Matuz en juin 1999.

353.

L’enquête de José Antonio Mejía Muñoz, sur la médecine traditionnelle yaqui, illustre mon propos ; c’est grâce à l’intervention des Promoteurs bilingues, dont l’un d’entre eux est le petit-fils de doña María Matuz, qu’il a pu réaliser son étude.