Les chemins du Nouveau Monde

Les Yaqui ou plutôt les sept peuples Cáhita 604 sont les descendants directs des anciennes tribus nahua qui, lors de leurs migrations vers le Plateau central, se sont détachées du tronc commun pour donner naissance aux futures nations de Pusolana, comme par exemple, les Pima (500 à 300 av. J.-C.), les Ópata et les Pápago (300 apr. J.-C.), les Tarahumara (600 av. J.-C.) et bien sûr les Yaqui (200 apr. J.-C.).

Le « Complexe Cochise », par la continuité de sa séquence culturelle, qui s’étend sur plusieurs millénaires, pourrait constituer, dans une certaine mesure, la souche commune à l’origine des futurs groupes de Oasisamérica dans laquelle nous pouvons supposer que les Nahua prendraient également leurs racines. Cette supposition 605 s’appuie sur un fait indiscutable : nous savons que les Nahua « appartiennent à la grande famille linguistique Nord-américaine » 606 .

La figure 24 nous permet de situer les différents noyaux où ont été observées les interactions entre les langues parlées par les peuples mentionnés mais dont la situation ethnolinguistique ne signifie pas forcément une continuité culturelle. Le premier noyau important de diffusion est celui des peuples Athabasca ou Athapasca, à partir duquel sont apparus, par exemple, les groupes Californiens, Yuma, Dieguino, Luiseño, Gabrielino, Chumash, Salinan et les groupes de la Basse Californie, Cochimí, Waicurí et Pericú.

Le deuxième noyau de dispersion propose une distribution beaucoup plus ample avec, pour ne citer que les groupes les plus significatifs, les Apaches et leurs neufs familles apparentées, également les Sioux, Hopi, Shoshone et les sept familles Nahuatlaca, d’où sont issus les Azteca, c’est-à-dire le noyau de la filiation Shoshone-Azteca 607 dont les in­fluences sont encore observables chez les Pima, Tepehuan, Huichol, Cora, etc. Les Tolteca sont peut-être issus du noyau des Shoshone-azteca, si les « Shoshone parlaient effectivement nahuat » 608 . Enrique J. Palacios fait référence ici au groupe Tolteca de 1000 av. J.-C. qui constitue, selon les informations en notre possession, la deuxième vague migratoire des nations Nahua.

Partie 2 - fig. 24. Les noyaux des familles linguistiques.
Partie 2 - fig. 24. Les noyaux des familles linguistiques.

Source : Apuntes sobre el dialecto yaqui, Palemón Zavala Castro

Mais, pour évoquer la thèse la plus communément acceptée quant à l’origine des fondateurs de la « Méso-américanité », Sahagún et les précurseurs 609 des études méso-améri­caines, attribuent une provenance orientale à ce noyau culturel. Ils reçoivent alors, à tort, le nom d’Olmeca et à ce titre, ils sont considérés comme la culture Mère des civilisations méso-américaines.

Mendizábal dans sa réflexion sur les caractéristiques culturelles des Olmeca, propose de les appeler Tolteca en attribuant à ce terme sa valeur culturelle et non pas ethnique, c’est-à-dire tout ce qu’il définit comme « les effets du contact des civilisés Ulmeca ori­entaux, avec la grande masse nahua originaire du Nord qui occupait le haut plateau » 610 . Sahagún, dans son œuvre monumentale, est d’ailleurs le premier à formuler cette idée quand il écrit : « Ces derniers ainsi appelés, (Olmeca), et situés vers la naissance du soleil […] affirment qu’ils sont des Tolteca, ce qui signifie qu’ils sont les maîtres de tous les arts, les premiers et les plus habiles en tout et qu’ils sont les descendants des Tolteca » 611 .

Les Tolteca, dans l’acception culturelle du terme et dans le processus de « nahuatlisa­tion » des peuples méso-américains, sédimentent alors les formes culturelles qui fédèrent le concept de « Méso-américanité ».

Même si, comme le fait remarquer Duverger, il est aujourd’hui trop tard pour débaptiser 612 les Olmeca, rien ne nous empêche, à partir des observations de Sahagún, de les appeler Tolteca.

D’ailleurs, le terme Ulmeca 613 est un adjectif qui en réalité désigne les « gens du pays du caoutchouc », que les Azteca attribuaient aux habitants de la côte du Golfe. En nahuatl, caoutchouc s’écrit ulin ou ullin et prend le sens de latex, un arbre « appartenant à la famille des moracées (Castilla elastica) qui pousse dans les jungles tropicales et marécageuses du Tabasco, au bord du Golfe du Mexique » 614 . Ce terme aurait une provenance orientale et nous renvoie au concept du Nahui Ollin 615 . Ainsi, le terme ulin semble introduire une certaine filiation entre les Azteca et le peuple de la côte du Golfe auquel, dans la reconnaissance des affinités culturelles, ils attribuent le signe contenant toute la sacralité de leur perception cosmique.

Mais ulin est aussi le terme que les Yaqui utilisent pour nommer la balle dont ils se servaient pour jouer au gocgímmari et qui selon Alfonso Fabila 616 était fabriquée à partir de la résine de Gaïac (Guayacán) ou avec le cœur du Mezquite. Comment se fait-il que le même terme soit utilisé par les Cáhita (les Yaqui) alors qu’on lui attribue une origine orientale ?

La réponse à cette question est sans doute en relation avec l’étymologie du mot ulin et la valeur symbolique du glyphe Ollin. Le glyphe Ollin, déjà représenté chez les Olmeca, apparaît alors comme un concept extrêmement ancien, porteur de la « loi du centre » qui superpose les niveaux des trois quadrilatères, dynamisant la perception cosmique des Nahua. Mendizábal a eu parfaitement raison d’appeler ces Ulmeca « Tolteca », car malgré la complexité des migrations Nahua, nous savons désormais que les Olmeca ne sont pas plus originaires de la côte du Golfe que de l’Occident.

Pour Christian Duverger, les Olmeca « …sont autochtones partout où l’on retrouve leurs traces » 617 , ce qui rend enfin caduc le « primat accordé à la côte du Golfe » 618 pour réévaluer un contexte qui doit « ré-agencer le puzzle et combiner ce qui pourrait paraître antinomique, à savoir : la distribution du style olmèque dans toute la Méso-Amérique, la simultanéité de son apparition sur tout ce territoire, son autochtonie qui explique les variations locales dans l’expression plastique et le fait qu’il ne dérive pas des cultures agricoles qui le précèdent » 619 .

La théorie des Teochichimeca devient recevable, car ils peuvent constituer le noyau « d’accrétion » qui permet aux Olmeca, de la côte du Golfe à celle du Pacifique, de se révéler simultanément et de devenir la culture de référence. Par contre, la théorie des Tolteca reste encore de l’ordre de la spéculation malgré les qualités reconnues à ceux dont l’étymologie du nom peut signifier « homme de culture, originaire de Tollan, métropolitain, artisan, artiste, etc. ». Les Tolteca, selon Christian Duverger, sont « présen­tés ou décrits comme des savants : connaisseurs des vertus des plantes, inventeurs du calendrier et de l’art divinatoire, initiés aux mouvements des astres, ouverts aux spéculations philosophiques et théologiques… » 620 .

Prendre en considération l’antiquité des Teochichimeca c’est s’interroger sur la validité des récits légendaires des peuples issus de la mythique Huehuetlapallan ou Tollan Tlapallan, que Sahagún interprète comme une mauvaise orthographe de Tlillan Tlapallan, le lieu du rouge et du noir, du savoir et de l’écriture 621 . La région de l’obscurité/lumière (l’Est) ou de la lumière/obscurité (l’Ouest), qui se place en réalité dans un rapport symbolique qui fait prévaloir la fusion de ce qui fonde l’entre-deux constituant finalement l’axe central du retour à l’origine 622 , à « l’essence des choses ».

La localisation géographique des lieux d’origine participe du même rapport métaphorique que la position des axes pour « dresser la carte de l’Univers » ; le véritable exploit consiste, non pas à situer la position des axes du monde, mais dans la capacité à trouver le lieu « méta-physique » de l’infini, du retour à l’inné.

Lieux aujourd’hui mythiques et aux noms évocateurs comme : Huehuetlapallan, Tlillan Tlapallan, Tamoanchan ou Chicomóztoc, qui, dans la parole mythique, ont été créés par la grande nébuleuse cosmique que les Nahua vénèrent sous le nom d’Iztacmixcóatl. La Voie Lactée est l’espace où prend forme ce que Laurette Séjourné a appelé « notre origine lumineuse », Gutierre Tibón la « réintégration de la conscience » et Miguel León-Portilla « l’essence des choses ».

La mythique Huehuetlapallan, généralement située au confluent du Río Gila et du Colorado apparaît, pour Fortunato Hernández, comme le point de départ des Tolteca et des Cáhita, et plus précisément des Yaqui. Les Tolteca se battent contre les différents peuples de Pusolana pour finalement s’installer autour des rives des fleuves Yaqui, Fuerte et Sinaloa. Fortunato Hernández précise aussi que les Indiens de Pusolana « étaient très inférieurs aux Tolteca qui en peu de temps les dominèrent et devinrent les maîtres de cette terre jusqu’à la date où les Espagnols envahirent la province » 623 .

F. Clavijero, indique, pour cette nouvelle vague migratoire Tolteca, une date presque similaire ; il estime que les Tolteca sont partis de Huehuetlapallan l’année 1 Técpatl 624 de 511 apr. J.-C. La migration se fait sous les ordres de sept Seigneurs (Zacatl, Chalcatzin, Ehecatzin, Cohuatzin, Tzihuacóatl, Metzotzin et Tlapalmetzotzin) qui mènent leur peuple vers la nouvelle Tollan. Ainsi, les Tolteca agrègent, par un processus « d’identifica­tion apposée », les habitants du Plateau central (Colhuacan, Cholula), les Mixteca (les fondateurs de la sagesse sacerdotale), les Maya ainsi que les descendants des anciens Olmeca de la côte du golfe 625 .

Alfonso Fabila, retraçant la préhistoire des peuples autochtones de Pusolana, place également l’origine des Yaqui à la confluence du Río Gila et Colorado, mais vers 300 apr. J.-C. 626 Ce n’est que vers 500 apr. J.-C., à cause sans doute des phénomènes de pression des autres groupes migrateurs qu’ils s’installent sur les rives du fleuve Yaqui, le Jiak Ba’tue. Enfin, c’est entre 500 et 1500, que les Yaqui, d’après Alfonso Fabila, élaborent le patron culturel de la constitution des huit villages (une idée que ne partagent pas tous les ethnologues, car la plupart considèrent que ce dispositif des huit villages a été imposé par les jésuites) comme représentation symbolique de la confédération Indienne regroupant les huit nations principales de Pusolana : Yaqui, Mayo, Pima, Ópata, Pápago, Seri, Euleve et Apache. Cette hypothèse traduit une certaine vérité car, à part les Apaches et les Seri qui ne sont pas des Nahua, les autres ethnies s’inscrivent dans la composante des migrations nahua à la base de l’émergence de ces peuples.

Mais nous partageons à vrai dire plus l’opinion du professeur Sandomingo qui, au-delà du fait indéniable que les Yaqui se considéraient comme frères des peuples nommés, fait apparaître ces derniers comme le vecteur agrégatif des sept peuples Cáhita, instaurant cette confédération Indienne autour d’un chiffre sept 627 qui doit être interprété dans sa valeur symbolique. Les traditions évoquent ce temps où la confédération jouissait d’une autorité qui s’étendait des limites du territoire Seri jusqu’au Río Mocorito, entre les mains de Caciques. Tepache 628 est l’un d’entre eux, un Seigneur reconnu pour sa sagesse, qui se croyait être le fils du Soleil 629 . L’étymologie de son nom 630 nous insère dans le domaine des influences cosmiques car son nom signifie : « une pierre, Te ; puis en-dessous de la pierre un champ, Pa ou Pari ; ensuite une forme honorifique et de distinction, Tzin qui par la suite deviendra Chi ou Che, ce qui donne tout ensemble Tepache ou Tepatzin » 631 .

La forme nominative induit à nouveau les éléments constitutifs du temps mythique du bat-naátaka où la personne, grâce au nom qu’elle porte, reçoit son appartenance à une cosmo-anthropogenèse qui prend corps dans la dimension « métaphysique » de l’origine de son existence. Pour être plus clair, nous observons que, avant que les frères évangélisateurs n’imposent leur propre représentation cosmogonique, leurs images sacrées et leurs noms apostoliques, les Yo’emem portaient des noms en accord avec leur appartenance à un ordre de création qui, pour les plus significatifs, sont conservés dans les légendes yaqui.

Ania’luute, qui peut aussi s’écrire Aniabailu’tek, « un Monde qui se termine ou le climat agréable s’est terminé », introduit un parallèle troublant avec Cuauhtémoc, « Aigle qui est tombé ou Soleil dans son déclin », le premier nom yo’eme que les Espagnols ont consigné. En fait, Aniabailu’tek et Conibomea, sont les deux Yaut yo’eme qui ont signé le traité de non agression avec le capitaine Hurdaide en 1615 632 , scellant de cette manière la fin des hostilités. Pour restituer le cadre du choc culturel entre deux visions du monde, la Légende yaqui des prédictions conserve les noms de ces hommes issus de la cosmovision yo’eme qui s’appellent : Napo Wisaim Jisnakame, « Voie Lactée », Zapajizai, « Chevelure de neige » 633 , Guatachomócame, « Chevelure de chiquihuite », Omteme, le « Colérique », Cúbuae, « Mange du mezcal », Corasepe, « Celui à la double lèvre », Akimore, « Forêt de cactus battus », de Re’epácame, « Celui à la boucle d’oreille », Yazikue, « Croix de pierre », etc. Ces noms, pour les trois premiers, sont l’expression du sentiment yo’eme d’être les enfants de la lumière cosmique 634 comme la Bible, pour les Espagnols, instaurait l’ordre du monde et les lois universelles.

Partie 2 - fig. 25. Teotécpatl.
Partie 2 - fig. 25. Teotécpatl.

Source : El pueblo del sol, Alfonso Caso.

Le changement de nom, pour les Yo’emem, provoque la rupture entre l’être au monde des Amérindiens et la volonté des évangélisateurs d’instituer un nouvel ordre où l’autre (l’Amérindien) perd son individualité et son identité ; il porte désormais un nom chrétien pour appartenir de cette façon à la Loi du Dieu véritable.

Dans ce phénomène de l’interchangeabilité des formes identifiées, nous avons remarqué que les chefs de guerre de El Yaqui, au-delà des confusions patronymiques que nous avons déjà signalées, se réapproprient des noms yaqui ; par exemple, José María Leyva devient Cajeme, « Celui qui ne boit pas » et Juan Maldonado prend le nom de Tetabiate, « Pierre qui roule ».

Leur comportement s’inscrit dans le processus de préservation de l’être au monde que leurs ancêtres leur avait légué. Par ce comportement ou par la re-appropriation de leur ipséité, ils se situent dans ce temps du bat-naátaka qui voit la Victoire des chefs légendaires sur les yorim ; victoire dont l’enjeu était, en réalité, d’accepter la venue des blancs ou de retourner vers leur origine première, celle que les Surem réintègrent.

Aniabailu’tek, ce chef extraordinaire, est de ceux qui sont restés pour affronter l’homme blanc et d’une certaine manière accepter la nouvelle réalité en cette époque où la splendeur de la nation Cáhita n’était plus qu’un très vieux souvenir ; la signification de son nom, « Un monde qui se termine », contribue dans la rencontre avec l’autre, à marquer le destin des Amérindiens qui vont désormais devenir les hommes baptisés du monde chrétien.

Il y a donc 3 000 ans av. J.-C. 635 , pour nous en tenir aux datations admises, les Nahua et plus précisément les Tolteca faisaient leur entrée sur le futur territoire des Yo’emem où, au fil des migrations, sont apparues les « cinq grandes zones culturelles » 636 . Au Nord se trouvaient les Pima alto, sur la côte du Golfe de Cortés les Seri, au Sud-Est les Ópata, encore plus au Sud les Pima bajo, et au Sud de ces derniers les nations Cáhita, avec enfin à l’Est des Cáhita les Tarahumara.

Les Yaqui sont des Nahua et peut-être des Tolteca, ceux qui pour Sahagún sont les ancêtres des Olmeca, car ils constituent la première génération qui est sortie de la Tollan 637 originaire. Les « Sages » nahua, au cours du Colloque des douze 638 , organisé par les moines espagnols pour qu’ils apportent les réponses sur leur conception du monde, ont indiqué comme premier lieu d’origine des dieux et de leur connaissance : Tollan.

Le Lienzo de Jucutácato 639 établit une chronologie des mouvements migratoires où les Olmeca apparaissent comme ceux qui partent à la recherche des Tolteca après leur départ de Tollan 640  ; ces mêmes Olmeca qui peuplent la mythique Tamoanchan. Le site de départ, dessiné sur le Lienzo, porte le nom de Chalchiuhtlapazco, « dans la Cuvette de pierres précieuses » (à nouveau association de la pierre et de la profondeur) d’où sortent les maîtres des arts, les Tolteca, et toutes les générations des Nahua. La route de dispersion, après leur départ, signale comme lieu de rencontre de toutes les nations nahua, Xiuhquilan, « Lieu d’où provient le temps ». Xiuhquilan, sur le Lienzo, est représenté par un Arbre en fleur qui par sa taille évoque la transcendance de sa superposition avec celui de Tamoanchan.

Après « un temps indéterminé » 641 , les peuples à nouveau se séparent sur la quadrature du monde ; les Olmeca uixtotin se dirigent vers l’orient et les Tolteca retournent vers le Nord, vers le lieu de leur origine : Chicomóztoc. Les deux autres routes, comme le précise Antonio Lorenzo, ne sont pas identifiées 642 .

Enfin, pour accorder sa part de vérité à l’avènement des Nahua, nous sommes enclin à penser que la mythique Huehuetlapallan ou Tollan Tlapallan, comme l’a nommée Sahagún, introduit un concept « méta-symbolique » où les toponymies de Teoculhucan, Aztlan, Tamoanchan 643 , Chicomóztoc, Tollan qui dans le Popol Vuh apparaît sous la dénomination de Tulan Zuyva 644 , ne sont que les « méta-phores » de leur origine céleste. En cette année Ce Técpatl 645 , « 1 Pierre », de l’immensité du cosmos Iztacmixcóatl et Ilancueitl, la grande Nébuleuse, projète de l’infini de l’univers le Técpatl céleste qui est à l’origine de la vie sur la Terre. Ce choc cosmique créateur du surgissement de Chicomóztoc, la « Montagne aux sept Grottes », que les Nahua représentent par l’édification de pyramides comme celle de Teotihuacan, construite au-dessus d’une grotte constituée par quatre chambres en forme de trèfle.

Chicomóztoc, Teoculhuacan, Culhuacan, Aztlan, Amaqemecan, Tamoanchan, Quinehuayan, Tzotzompan, Tzihuactitlan, Tollan, etc., pour revenir au lieu d’origine, désignent par leur hétéronymie la « Montagne sacrée », cette matrice utérine des générations qui ont peuplé la terre amérindienne.

Huehuetlapallan 646 ou Tollan Tlapallan (pour reprendre le nom fondateur) symbolise en fait le processus de régénérescence des Âges du monde où l’homme et la femme ou les sept couples Tolteca 647 , qui survivent au Déluge d’Atonatiuh, fondent, à chaque destruction/rénovation du monde, la nouvelle Tollan.

Tollan, par son hétéronymie, désigne le mouvement migrateur des survivants des cycles cataclysmiques, les sept couples Tolteca, mais surtout la « reviviscence » 648 du lieu originaire Tollan Tlapallan, Tlillan Tlapallan pour reprendre la graphie de Sahagún, qui en réalité est le dépassement du point de rencontre entre le rouge et le noir pour retourner vers la blancheur 649 de la Voie Lactée. La « Montagne sacrée » aux sept Grottes est l’immanence du choc cosmique produit par la Voie Lactée, Iztacmixcóatl/Ilancueitl.

Pour les Yaqui, en ce temps du bat-naátaka, la « Montagne Surem » 650 participe du même symbolisme et fonde l’émergence du peuple Suré issu de la Napo Wisaim Jisnakame, la Voie Lactée.

Notes
604.

Le professeur fait référence à une croyance yo’eme où ils rendaient un culte à sept planètes représentant les sept peuples ancestraux (le mythe de Chicomóztoc, matrice des générations des peuples Nahua) à l’origine des nations Cáhita. (Cf. Historia de Sonora . Tiempos prehistóricos, op. cit., p. 269).

605.

Walter Krickeberg, Las antiguas culturas mexicanas, op. cit., pp. 395-399.

606.

Ibid., p. 398.

607.

Enrique J. Palacios, Arqueología de México. Culturas Arcaica y Tolteca, op. cit., p. 40.

608.

Enrique J. Palacios, Arqueología de México. Culturas Arcaica y Tolteca, op. cit., p. 40.

609.

Hermann Beyer, Marshal Saville et George Vaillant.

610.

Enrique J. Palacios, Arqueología de México. Culturas Arcaica y Tolteca, op. cit., p. 40.

611.

Sahagún, Historia General de las cosas de Nueva España, op. cit., p. 608.

612.

Christian Duverger, La Méso-Amérique, op. cit., p. 132.

613.

Ulmeca, terme qui nous renvoie encore une fois au mythe de Chicomóztoc avec la naissance d’Ulmé­catl, le troisième enfant d’Iztacmixcóatl et d’Ilancueitl. Il, Ulmécatl, fonde Cuetlachcoapan où se trouve aujourd’hui la ville de Puebla ainsi que Tontonihuacan et Huitzilapan.

614.

Christian Duverger, La fleur létale, op. cit., p. 33.

615.

Cf. 3ème partie.

616.

Alfonso Fabila, Las tribus yaquis de Sonora . Su cultura y anhelada autodeterminación, op. cit., p. 207.

617.

Christian Duverger, La Méso-Amérique, op. cit., p. 138.

618.

Ibidem.

619.

Ibidem.

620.

Christian Duverger, L’origine des Aztèques, op. cit., p. 214.

621.

Sahagún, Historia General de las cosas de Nueva España, op. cit., p. 952.

622.

La quête du retour à l’origine se trouve illustrée dans le Popol Vuh par les quatre premiers hommes, Balam-Quitze, Balam-Acab, Mahucutah et Iqui-Balam, qui partent à la recherche de Tulan Zuyva, c’est-à-dire des sept Grottes du Chicomóztoc nahuatl, et dans le voyage des 60 nahual qui, sous les ordres de Moctezuma, partent à la recherche de Chicomóztoc et de leur déesse mère, Coatlicue.

623.

Fortunato Hernández, Las razas Indígenas de Sonora y la guerra del Yaqui, op. cit., p. 108.

624.

Ce qui introduit encore une fois la référence mythologique aux sept grottes de Chicomóztoc.

625.

Walter Krickeberg, Las antiguas culturas mexicanas, op. cit., pp. 202-203.

626.

Palemón Zavala Castro, considère que les Hopi constitueraient la branche de dispersion des groupes indiens du Nord-Ouest du Mexique avec les Pima, Pápago, Ópata, Tarahumara, Yaqui, Mayo et toutes les autres nations qui appartiennent à la famille Cáhita. Son opinion introduit finalement le concept plus largement accepté des nations Chichimeca, appellation qui désigne aussi bien les Otomí Pame, les Uto-azteca que les Athapasca.

627.

Le sept, « chicome » en nahuatl et « u’oi bu’sani » en yaqui, outre sa valeur numérique, doit être considéré comme un chiffre ésotérique dont la dimension « méta-symbolique » participe des termes tels que Chicomóztoc, « le lieu des sept Grottes », les entrailles de la Montagne (mais c’est aussi le terme secret, dans les incantations des sorciers, pour désigner le corps) ; Chicomexóchitl, « Sept fleur », le Cerf ; Chicomecóatl, « Sept serpent », le Maïs. Le Popol Vuh introduit le même rapport symbolique avec Hurakán, le « Cœur du Ciel » ou plutôt le dieu Sept dont l’unité émerge de ses hypostases connus sous les noms de : Tzakol, Bitol, Alom, Qahalom, Tepeu et Gucumatz. Hurakán ou Cabahuil (le dieu Sept et incréé) est la « cause première de tout ce qui existe. Il existe avant d’être et précède ses œuvres ». (Cf. Raphaël Girard, L’ésotérisme du Popol Vuh, op. cit., p. 21). Il est celui qui dans le Chilam Balam de Chumayel « sculpta la grande Pierre de la grâce, là où anciennement il n’y avait pas de Ciel, et d’elle naquirent sept pierres sacrées, sept guerriers suspendus dans le souffle du Vent, sept flammes choisies, et alors par sept fois s’éclairèrent les sept mesures de la nuit. Mais plus loin il parle au singulier des sept dieux comme le Descendant de sept Générations ». (Cf. Raphaël Girard, L’ésotérisme du Popol Vuh, op. cit., pp. 22-23).

628.

Manuel Sandomingo, Historia de Sonora. Tiempos prehistóricos, op. cit., p. 423.

Tepache introduit une concordance directe avec Tepatzin, et plus précisément avec Tépactl, la pierre cosmique à l’origine de Chicomóztoc et des futures générations qui ont peuplé la terre ; cette pierre crée le feu et les conditions requises pour favoriser l’éclosion de la vie sur la terre.

D’ailleurs, les Nahua divinisent cette pierre sous le nom de Teotécpatl. Teotécpatl apparaissait sous les traits d’un homme en forme de silex portant dans sa main le couteau sacrificiel. Técpatl est également associé au vent et avec le Ehecatonatiuh, le deuxième Soleil, pour symboliser le vent froid venant du Nord et tranchant comme des couteaux en silex. Pour sa part, Chavero, associe Técpatl avec la planète Vénus et donc avec le dieu Quetzalcóatl.

Au culte de Teotécpatl, les Nahua ont consacré un temple, le Tecpatzin à Tepalcingo. (Cf. Cecilio Robelo, Diccionario de Mitología nahuatl, op. cit., p. 491).

629.

Manuel Sandomingo, Historia de Sonora . Tiempos prehistóricos, op. cit., p. 423.

630.

Décryptée par le frère jésuite du Rectorat des Trois Saints Martyres du Japon.

631.

Manuel Sandomingo, Historia de Sonora . Tiempos prehistóricos, op. cit., p. 423.

632.

Palemón Zavala Castro, El Indio Cajeme y su nación del Río Yaqui, op. cit., p. 68.

633.

La traduction en espagnol est « Penacho de nieve » : le mot « Penacho » (Panache) est un mot qui sert à désigner la forme de la Voie Lactée.

634.

La mythologie nahuatl exprime le même sentiment avec ce processus de la création du monde entre les mains des dieux. Citlalicue (déité de la Voie Lactée) envoie la substance divine qui pénètre dans le corps des enfants. Elle met également au monde le Técpatl à l’origine du monde et des dieux. En un mot elle représente la « Pierre précieuse » d’où naît la vie.

635.

Leticia Varela, La música en la vida de los Yaquis, op. cit., p. 20.

636.

Manuel Sandomingo, Historia de Sonora . Tiempos prehistóricos, op. cit., p. 28.

637.

Dans les Annales de Cakchiqueles, il est fait mention de quatre Tollan, situées sur les quatre orientations du monde avec l’apparition des premières générations. La disposition des quatre Tollan nous place dans le concept de la quadrature de l’Univers.

638.

Miguel León-Portilla, La pensée aztèque, op. cit., pp. 119-123.

639.

Le Lienzo de Jucutácato est une toile en coton peinte de 2,63 m de long sur 2,03 de large. Il provient de Uruapan dans l’État du Michoacan et narre les détails d’une migration dont le parcours est représenté par une ligne orangée.

640.

Antonio Lorenzo, Misterios del México Prehispánico, op. cit., p. 91.

641.

Idid., p. 97.

642.

Ibidem.

643.

Tamoanchan, représenté par un arbre fendu en sa moitié, symbolise également pour les Nahua la Voie Lactée « avec sa frange obscure entre les constellations du Scorpion et du Cygne ». (Cf. Walter Krickeberg, Las antiguas culturas mexicanas, op. cit., p. 132).

644.

Popol Vuh . Le livre des Indiens Mayas Quichés, op. cit., p. 128.

Tulan Zuyva, « Lieu de l’abondance ou sept Grottes », qui situe le lieu du retour à l’origine des peuples.

645.

Dans une autre version du mythe de la création des Âges du monde, les Nahua dans le compte des Soleils établissent une chronologie qui situe précisément le commencement du monde en l’année 1 Técpatl ; comme l’écrit Manuel Orozco y Berra : « en accord avec la légende des quatre Soleils cosmogoniques, le monde fut créé en l’année 1 Técpatl , pierre ou silex, qui est le symbole du feu ; en 1 Técpatl le monde est sorti du chaos ; … Ce Técpatl est le principe du temps et de la chronologie ». (Cf. Manuel Orozco y Berra, Historia antigua y de las culturas Aborígenes de México, op. cit., p. 121).

Les Quatre premiers Soleils se succèdent, selon le Codex Vaticano, de la manière suivante :

1) Atonatiuh, Soleil d’eau (que Humboldt place en dernier et que nous avons déjà longuement évoqué), qui a une durée, depuis la création du monde, de 4008 années et sous le règne de la déesse Chalchiuhicuye. Les hommes sont transformés en Tlacamichin, « Hommes-poissons ».

2) Ehecatonatiuh, Soleil de vent, d’une durée de 4010 années (une autre source donne 4810 années), est sous l’autorité de Quetzalcóatl. Ce dernier exerce son pouvoir après avoir renversé Tezcatlipoca avec son bâton de pouvoir. Les hommes sont transformés en en Ozomatli, « Hommes-singes ».

3) Tletonatiuh, Soleil de feu, d’une durée de 4804 années et présidé par Tláloc, selon le mandat imposé par Tezcatlipoca. Les hommes sont transformés en Pipiltin, « Hommes-dindons ».

4) Tlaltonatiuh ou Nahui Océlotl, Soleil de Terre (qui dans la Légende des Soleils est par contre placé en premier tandis que Atonatiuh est le dernier, les deux autres conservant leur position initiale), d’une durée de 5206 années, régi par Tezcatlipoca. Les quatre Âges proposent en tout une séquence chronologique de 18028 années depuis l’émergence du premier Soleil. La terre est peuplée de géants.

5) Ollintonatiuh. Soleil de mouvement, appelé également Nahui Ollin, est associé au centre et au vert ; axe central de la conjonction des quatre orientations du monde.

646.

Huehuetlapallan prend une dimension « méta-symbolique » par la création du monde en 1 Técpatl où Tloque Nahuaque (Ometéotl), provoque le processus des cycles de destruction/rénovation du monde et crée « l’hétéronyme » Tollan Tlapallan (Tlillan Tlapallan), comme axe de convergence des valeurs opposées.

Cecilio Robelo, présente Huehuetlapallan comme la région primitive des Nahua et plus exactement des Tolteca. Après le Déluge et 104 années d’errance, les Tolteca construisent une nouvelle Tollan Tlapallan (processus toponymique que les Tolteca reproduisent au cours de leurs migrations) pour légitimer, par ce procéder, la mythique Tollan Tlapallan, c’est-à-dire Huehuetlapallan, la source de leur connaissance et de leur antiquité.

Tollan, fait se télescoper les récits mythiques et historiques rapportés par les sages du rouge et du noir pour qui, ceux qui sont venus peupler cette nouvelle terre provenaient du Nord. Ils étaient à la recherche du paradis terrestre et s’appelaient Tamoancha, « Nous cherchons notre maison naturelle ».

Tamoancha nous renvoie à Tamoanchan (situe l’axe du cosmos du retour vers la Voie Lactée) et à Tollan car ils désignent la dimension stellaire de l’être humain. Il y avait quatre Tollan, symbole de la quadrature de l’Univers que les Tolteca, par l’édification de la nouvelle Tollan, reproduisait sur terre. Ainsi, dans la superposition des phénomènes célestes sur le plan terrestre, les Tolteca avait le dessein de perpétuer l’ordre cosmique en se plaçant sur l’axe de convergence du retour à l’incréé.

Enfin, Tollan, « Lieu de fertilité et d’abondance » et Tamoanchan, « Lieu d’où nous descendons » (la Voie Lactée), participent du même « méta-symbole » où l’un comme l’autre, par leur émanation céleste, délimitent l’axe de la quadrature des trois plans cosmiques dressant la carte de l’univers pour dépasser la mort.

Les Yaqui, dans la spatialisation de leur territoire, délimitent une répartition quadripartite illustrée par le mythe (fortement syncrétique) de « la sagrada línea divisoria », la « ligne sacrée de division ». Dans ce mythe, quatre prophètes établissent, à partir du centre du monde (la Sierra del Bakatebe), la quadrature de la terre yaqui. Ils signalent alors quatre points qui au Sud indiquent la montagne Mogonea (qui depuis à été engloutie dans le Golfe de Californie) ; à l’Est la montagne Tacale (à environ 80 kilomètres de Cabora) ; au Nord la montagne Moscobampo, qui culmine à 3008 mètres et à l’Ouest la Montagne Takalaim, proche de la ville de Guaymas.

En réalité, ce mythe ne fait que reproduire les limites du territoire établies par Ania’luute et Conibomea lors de la signature du traité de non agression avec le capitaine Don Diego Mártinez de Hurdaide en 1615.

647.

Cecilio Robelo, Diccionario de mitología Nahuatl, op. cit., p. 196.

648.

Richard Evans Schultes, Les plantes des dieux, op. cit., p. 178.

649.

Le blanc, pour les Azteca, symbolise les temps préhistoriques, c’est-à-dire l’origine de toutes les généra­tions.

650.

Manuel Sandomingo, Historia de Sonora . Tiempos prehistóricos, op. cit., p. 344.