La réalité du double

La dualité des corps participe de la vision du monde Tolteca que nous avons voulu définir, d’après Xavier Noguez 1046 et ses concepts du « vigoureux et du sombre » 1047 , sous les notions du « puissant » et de « l’abstrait » pour essayer de comprendre, au travers de la sacralité symbolique de la nature, par exemple, le pouvoir d’abstraction qui se donne à voir dans la géométrisation de la réalité vécue. Une géométrisation des formes représentées qui, comme pour le principe actif de l’agent interne/externe, tente de provoquer le mouvement translatif responsable de l’abréaction du corps pour que celui-ci puisse atteindre l’espace de l’autre réalité, c’est-à-dire l’espace émergeant de l’ambiva­lence du monde de la réalité et du « rêve éveillé ». Ainsi, pour revenir au monde de l’en-dehors ou de l’autre moi et plus précisément au sein de la communauté yaqui, il nous suffit de poser notre regard sur le Sewa yo’eme connu à l’époque préhispanique sous le nom magique de Sewa Wailo. Le Sewa Wailo est le trinôme de l’homme-cerf-étoile 1048 qui, dans le cycle de la transmutabilité, voit le Yo’eme se dresser sur l’axe des conflu­ences pour recevoir le mouvement des énergies infra, terra, supra de l’Univers et libérer alors la forme de sa métamorphose.

Leticia Varela désigne ce trinôme sous le nom de cercle cosmique 1049 où sont également représentées les polarités du Soleil et de la Lune, du Maïs et du Peyotl. Dans ce cercle, l’homme, au centre, incorpore le niveau du céleste par sa transmutation en étoile, retour vers ses frères ancêtres-étoiles ; le niveau terrestre est dans son « imprégnience » avec le Sewa yo’eme tandis que l’infra participe de l’entre-deux, symbolisé par le moment où la mort dissout le guerrier yaqui. Il est alors avalé par la vénérable Vateconhoatziqui pour rejoindre ses frères ayant déjà réincorporé « l’essence des choses » ou bien il est précipité dans la lagune marécageuse où le mystère demeure.

La cosmovision du peuple yaqui nous inscrit dans une perception de l’univers qui gravite autour du huya aniya/yo aniya, ce monde de la dualité s’ouvrant sur une réalité qui, dans la tradition ancestrale des Yaqui, affirme l’existence de cinq 1050 mondes. Heather Va­lencia 1051 décompose les cinq mondes de la façon suivante :

Le whoo aniya, le monde sauvage ou physique.

Le yo aniya, le monde enchanté ou l’esprit.

Le tuka aniya, le monde de la nuit ou l’ombre.

Le sewa aniya, le monde des fleurs ou monde magique.

Le tenku aniya, le monde du rêve ou le règne de l’Absolu Solaire.

Mais, en accord avec le Mtro. Carlos Silva, la cosmovision des Yaqui est beaucoup plus complexe et dans ce qu’il est encore possible d’approcher de la spécificité de leur perception du monde, il faut citer :

Le pocho’oria, le « monde de la montagne », le koko aniya, le « monde de la mort », le nao’aniya, le « monde de l’épi de maïs », le teta aniya, le « monde minéral » ; et encore le pencu’aniya, le « monde des rêves », qui semble introduire une distinction avec les rêves du tuka aniya et les rêves du sewa aniya, et sans doute d’autres mondes que les Yaqui veulent préserver de la curiosité des yorim.

Par exemple, le monde des « Géants » auquel fait référence Edward Spicer quand il écrit que dans le huya aniya il existait un monde où « vécurent des êtres très grands qui peut-être y vivent encore » 1052 . Ceux que García Wikit Santos nomme les Kikimam et au sujet desquels il est resté très évasif.

Les jésuites, dans leur volonté d’imposer leur monde dichotomique du bien et du mal, ont été contraints d’accepter que celui-ci soit limité à ce qui est devenu le « pweplum », créant d’une certaine manière un monde de plus, totalement étranger au dualisme du huya aniya et du yo aniya.

Les Yaqui, par leur particularisme, conçoivent la réalité sur un plan vraiment différent car il pense qu’il existe une « réalité qui offre deux mondes » 1053 , celui du huya aniya et du yo aniya. La dualité du peuple yaqui synthétise alors deux niveaux distincts avec d’un côté, le monde des formes naturelles et identifiables du huya aniya et de l’autre, le monde des formes surnaturelles et immatérielles du yo aniya.

Ces deux mondes évoluent sur une réciprocité transitoire symbolisée par l’entre-deux de la ligne d’horizon, du crépuscule et de l’aurore, de la mort et de la vie, etc. ; deux formes de vie qui n’excluent pas ce que le monde moderne ne veut plus appréhender, c’est-à-dire la manifestation de l’autre moi, de l’en-dehors, et qui renvoient, par exemple, à la façon de mourir. Le passage vers la demeure étoilée du Itom’achai ne traduit pas une simple croyance dans l’au-delà, mais la certitude que, au moment crucial de la transition entre la vie et la mort (que certains accompliront dans l’autre moi), il se produit le mouvement des polarités contraires pour que l’esprit du défunt réintègre la maison des ancêtres. Mais, l’esprit peut se perdre et vagabonder sans but comme l’esprit de ceux que Vateconhoatziqui aura refusé d’absorber et dont la destinée semble être d’errer dans l’immense opacité des eaux marécageuses.

La mort pour les Yaqui, comme le fait remarquer Edward Spicer, ne peut être perçue à travers notre système religieux catholique et son individualisme patent de la perdition ou de la rédemption de l’âme ; la mort chez les Yaqui obéit aux polarités du jour et de la nuit, du clair-obscur, du visible et de l’invisible, et peut-être aussi de l’ultime exploit de la « réintégration de la conscience », c’est-à-dire de l’en-dehors.

Le secret demeure mais, dans l’accomplissement du corps à travers la mort, la triade de l’homme-cerf-étoile, semble détenir la clef qui permet aux Yaqui, par la spécificité du Cerf, voire plutôt ce que Edward Spicer nomme « l’essence du Cerf », de libérer la double réalité du Yo’eme à l’intérieur duquel le principe actif de l’agent interne/externe est la porte de la métamorphose. La figure du Cerf, « l’abstraction duale », pour défendre son caractère magique, ou le « Hermano mayor » comme l’appellent les Huichol, les Cora, les Tepehuan, les Mexica, et bien sûr les Yaqui, est le corps Cerf/Vénus qui par sa dualité dévoile au Yo’eme l’en-dehors, c’est-à-dire, dans un sentiment poétique, l’autre façon de mourir ou de vivre.

Pour les Nahua, Vénus c’est la grande Étoile, celle qui prend le nom de Citlalpul ou de Hueycitlalin et qui représente la transmutabilité de Quetzalcóatl.

La reproduction (Fig. 41), en couleur, de la peinture murale découverte dans une grotte de la Sierra de San Francisco en Basse Californie 1054 , reproduit la dimension cosmique et astrale du Cerf, que les Nahua présentaient comme le nahual de Mixcóatl. La dimension supraterrestre de la dualité du Cerf, sous sa forme double de Serpent-cerf est, d’une part, un symbole de la dualité cosmique et, d’autre part, une spécificité commune à toutes les formes vivantes (aigle, jaguar, papillon, fleur, homme, etc.). Le Cerf n’est pas un animal quelconque et, dans cet aspect du double symbolisé ici par le Serpent-Cerf, et surtout parce qu’il est le nahual de Mixcóatl, il délimite l’espace de sa sur-naturalité que les sorciers cherchent à imprégner. La scène (Fig. 41) avec ses personnages au corps peint pour certains d’entre eux en noir et rouge, représente un acte sans doute magico-religieux qui pourrait reproduire la capacité des personnages en noir et rouge à provoquer la synthèse de l’entre-deux, ce moment où le corps prend conscience de l’en-dehors, de l’autre moi.

Partie 2 - fig. 41. Le Serpent à cornes ou Serpent-Cerf.
Partie 2 - fig. 41. Le Serpent à cornes ou Serpent-Cerf.

Source : « Cave paintings of Baja California », Archaeology, compiled by Mark Rose, photograph by Harry W. Crosby, Sunbelt Publications, december 1998.

La pictographie de Cucurpe du « Hermano Mayor », malheureusement dépourvue de sa coloration originale en noir et rouge, et le dessin d’un « personnage ou figure » en noir et rouge de la Sierra de San Francisco, offrent des éléments de comparaison intéressants. Nous pouvons mentionner les deux appendices qui émergent aussi bien de la tête d’Iitoy que de la tête de la « figure » en noir et rouge ; manifestations symboliques des formes réelles ou abstraites révélatrices d’une autre réalité. Pour Antonio Lorenzo, les appendices de la « figure » en noir et rouge, sont deux plumes ou plutôt un panache de plumes que l’on retrouve sur les figurines de la marge Occidentale du Lac de Texcoco 1055 vers 1500 av. J.-C.

Partie 2 - fig. 42. Hermano Mayor.
Partie 2 - fig. 42. Hermano Mayor.

Source : Sonora. Arte rupestre. Tradiciones, Mitos e Historia, Manuel Robles Ortíz.

Partie 2 - fig. 43. Figure en noir et rouge.
Partie 2 - fig. 43. Figure en noir et rouge.

Source : « Pintura rupestre de Baja California », in Arte mexicano : momentos, Annabel Castro Meagher y Jennie Ostrosky Shejet.
http://redescolar.ilce.edu.mx/redescolar/proyectos/acercarte/arte_mexicano/artmex.htm

Manuel Robles Ortíz attribue au panache de plumes le terme de « bonnet », ce qui nous renvoie directement aux « Papas ou Nopapas » 1056 qui portaient ce que Luis Navarro appelle un « ridicule bonnet ». Chez les Yaqui c’étaient ceux qui, lors des affrontements guerriers entre Espagnols et Yaqui, lançaient des sorts au nom de Vari Sehua. Nous retrouvons, d’ailleurs, par la correspondance entre les appendices d’Iitoy, le « bonnet » des « Papas » et la « fleur » de Vari sehua, la référence florale à propos des bois du cerf qui sont appelés sewa.

Manuel Robles Ortíz, fait également remarquer que la « figure » de la peinture rupestre avait les pieds palmés comme ceux des batraciens ; sans doute un élément de plus dans le phénomène de la dualité ou de la complémentation des valeurs opposées : par exemple, l’eau et le feu ou la Tortue et le Cerf.

Dans la mythologie yaqui le batracien Bobok est d’ailleurs celui qui apporte le feu aux hommes. Enfin, nous ne reviendrons pas sur le fragment de texte de Fray Andrés de Olmos avec la référence au Cerf bicéphale 1057 que Mixcóatl fait descendre du ciel pour en imposer le culte aux Chichimeca.

La fresque de la Sierra de San Francisco (Fig. 41) reproduit le même phénomène des formes doubles avec Mixcóatl, « Serpent de nuages » 1058 , qui fait émerger son nahual pour révéler aux hommes le principe de « l’unité dédoublée ». D’ailleurs, Mixcóatl, dans l’art pictographique des Nahua, est représenté avec, entre autres, un panache de deux plumes de héron qui reproduit la thématique de la dualité 1059 et sa possible relation avec le « bon­net » des « Papas ».

Par « l’imprégnience » du Serpent avec la Voie Lactée, ainsi que celle du Cerf comme nahual de cette dernière, nous devons avoir à l’esprit la thématique du nahualisme qui introduit une correspondance entre les formes évoquées, vecteur d’un autre niveau de perception et de signification.

Le Cerf, comme l’écrit Peter Furst, au-delà de son aspect de source sustentatrice, est le symbole par excellence de « l’être surnaturel » 1060 , celui qui est investi de pouvoirs magiques et immanquablement associé aux sorciers ou chamans. Le Cerf décrit un système complexe qui, par ses associations avec le dieu Xipe Totec 1061 et le dieu vieux Huehuetéotl (que nous retrouvons sous le nom de Xiuhtecutli, parce que son corps, sur le Codex Borgia, est entouré des 20 signes du tonalli 1062 ) le place au centre de l’action du Soleil. Il est l’animal symbole qui se trouve au centre, sur l’axe des trois quadrilatères, entouré des 20 signes du tonalli qui forment le Nahui Ollin du mouvement du Soleil ; mais ce « symbole du feu » est également un « symbole de l’eau », qui sur le Codex Ferjéváry-Mayer, est au centre du Ollin Metztli, c’est-à-dire du mouvement de la Lune.

Le Cerf s’inscrit dans un rapport tripartite (Soleil, Lune, Vénus) définissant le « méta-symbole » de l’efflorescence du « corps » qui subit sa « mort-purification-création ». Le double symbolisme, eau/feu, du Cerf surnaturel ou « essence du Cerf », reproduit aussi la dualité du binôme féminin/masculin où le Cerf tantôt est considéré comme une valeur féminine 1063 (le sabot du cerf qui symbolise la fente vaginale et la fertilité) tantôt comme une valeur masculine (le chasseur primordial).

La dualité de l’animal, dans ce double binôme eau/mort (Lune) et feu/vie (Soleil), se déplace vers la synthèse eau/feu pour dévoiler « l’imprégnience » de ce qui émerge au principe dual, c’est-à-dire Vénus.

Le Cerf, pour les Amérindiens, est intimement inséré dans une « unité dédoublée » qui navigue dans les mondes de l’entre-deux, de la transmutation, de la mort ritualisée, mondes de l’infra et du supra qui manifestent l’acte sublime de la métamorphose. La mort du Cerf, c’est l’expression de sa dualité, la transmission de son message occulte à ceux qui sont réceptifs à l’incroyable métamorphose du corps prenant conscience de l’autre qui se cache en lui. L’eau, dans sa valeur d’élément primordial, et tous les animaux (Kaiman, Bobok, Baa Yooi, Baakot, Mochik, etc.) du monde aquatique ou subaquatique, représentent le passage inéluctable de toutes les choses vivantes, là où le Soleil et Vénus (le Cerf) accomplissent leur renaissance.

Ce domaine caché de l’infra, de l’eau primordiale, c’est le lieu « d’où provient et où retournera ce qui existe » 1064  ; destination non définitive si, arrivés en ce lieu, les hommes parviennent à ressentir le corps conscient du corps qui fait émerger l’autre moi.

Dépasser la mort ou plus exactement réincorporer l’autre moi, pour les Yaqui par exemple, c’est ouvrir son cœur au message de « l’unité dédoublée », le Cerf, Yooeta et Benefactor, qui dans l’expression de sa dualité fait le don de l’infini. Le feu, dans son acception de Xiuhtecutli par exemple, crée ces niveaux de concordance où les bois du Cerf sont symbolisés par le brasero que portent certaines des images du dieux vieux Huehuetéotl. Pour reproduire tous les niveaux de correspondance entres les éléments cités il nous faudrait revenir sur le cycle de la mort à la vie qui voit intervenir Mixcóatl, Quilaztli et Quetzalcóatl. Il peut être simplement mentionné qu’autour de ce mythe de la création des nouveaux macehuales, se produit un cycle qui, par la fusion de Mixcóatl et de Quilaztli, forme l’élément de sustentation, c’est-à-dire la transformation de Quilaztli en cerf 1065 . Le cycle est mis en mouvement par l’essence venue de l’autre monde (les os du Mictlan) qui crée les nouveaux macehuales, des êtres mortels parce que Quilaztli en fait des créatures qui ingèrent la mort pour se nourrir. Dans cette combinaison de Mixcóatl et de Quilaztli, se produit en fait la création de l’aliment (cerf et maïs) où les ossements moulus des macehuales représentent la même métaphore : c’est-à-dire un cycle qui par la mort va rendre la vie.

Le Cerf incorpore ainsi un niveau de symbolicité qui doit être perçu comme une « éner­gie cosmique » 1066 et surtout pas comme une allégorie, c’est-à-dire que cette énergie symbolise vraiment ce « qu’est l’être ou la chose représentée » 1067 . Pour les Huichol, par exemple, le cerf est peyotl et les « deux éléments sont identiques puisqu’ils représentent exactement le même type d’énergie cosmique qui les a constitués … » 1068 .

Les Yaqui affichent la même symbolicité : le cerf est sewa, « fleur » (voire dans un temps préhispanique tebwi, par association entre le monde des hallucinations, le sewa aniya, et la plante psychoactive, le toloache) et renvoie à la « Terre sous l’aube » du Sewa Wailo.

Les Huichol, par la division duelle des saisons sèches et humides 1069 , illustrent ce cycle de la mort/vie qui voit la terre mourir lors de la saison sèche et renaître au moment de la saison des pluies ; la dualité de la terre qui est désormais représentée dans la cérémonie religieuse du Carême. Nous pouvons alors dire, à ce propos, que : « Ceux-ci (les Huichol) et les autres Indiens ont assimilé à leur tour la mort de la nature et sa résurrection conséquente […] quand la mort de la terre (et de Jésus) se transmue en fleurs. Les fleurs sont effectivement, pour ces nations indiennes, équivalentes au sang, comme symbole direct de la vie, et les deux termes (fleur et sang) sont comparables et interchangeables, comme le cerf et le peyotl » 1070 .

La valeur « méta-symbolique » de la fleur se manifeste constamment dans les chants du peuple yaqui et reproduit, nous semble-t-il, une des raisons pour lesquelles les Yaqui appellent le Cerf, Sewa yo’eme, « Fleur homme » : à cause de la métamorphose du chasseur, du yebuku yo’eme, en fleur pour attirer le cerf et ainsi le chasser. Les Zuñi, dans leurs chants magiques, font référence à la métamorphose du chasseur qui sait que le cerf sera irrémédiablement enivré par la fleur pour accomplir alors l’offrande de sa chair. Le chant yaqui intitulé, « canto de la cimbra al Venado que va por su camino », est un exemple du moment où le cerf ressent l’attraction irrésistible de la fleur qui va le rendre fou.

« Séwa yoleme séwa yolemé

sewapo yolemé, séwa yolemé

sewapo yolemé bansékak ucéye séa yolemé

‘ém séwa bo’otutulika bó’oka

séa yolemé

jitasa ‘ínepo mámaka

‘énchi nú’une séa yolemé

kíane bésa wíloataka

tólowiti bó’oka séa yolemé » 1071 .

« Hombrecito de las flores, hombrecito de las flores

Hombrecito de entre las flores, hombrecito de entre las flores

Hombrecito entre las flores

Anda, vete, hombrecito de las flores

Tu sendero está enflorado y muy bonito

En la flor de tu edad

¿ Con qué manos

he de cogerte yo ?

Nada más soy enredadera

Cenicienta tendida aquí ».

Ce chant illustre, d’une certaine manière, la coalescence de l’homme-cerf-fleur qui se dirige au-delà des limites de sa propre réalité pour faire imploser sa nouvelle extériorité, celle qui fait émerger son autre moi, son en-dehors. Le binôme Cerf/peyotl, « l’énergie cosmique », comme le dénomme Federico González, tel qu’il a été abondamment étudié auprès des Huichol, montre en réalité que le Cerf participe d’un « complexe panamérindien » 1072 , que Peter Furst perçoit dans les pratiques chamaniques des paléosibériens autour du Renne.

Dans cette perspective, la part accordée au système huichol de la triade Peyotl-Cerf-Maïs ne doit pas occulter l’attention que nous devons désormais accorder au système yaqui, autour de l’homme-cerf-fleur, dans lequel se construit le même rapport magico-religieux que celui des Huichol. Les Zuñi s’inscrivent dans le même système que celui des Yaqui où comme l’écrit Peter Furst : « La plante sacrée hallucinogène de la Fraternité des Prêtres Zuñi de la Pluie c’est la Datura inoxia (aneklaka en zuñi), dont les fleurs blanches … symbolisent l’Est » 1073 .

Ainsi, entre le Nord-Ouest du Mexique et le Sud-Ouest des États Unis, le Cerf se trouve inséré dans le domaine complexe des associations avec, pour les nommer à nouveau, la datura, le tabac, le sophora, la stropharia et le peyotl ; plantes qui sont appelées « fleur » comme celle que le Cerf fait éclore dans le cœur de ceux qui ressentent la présence de l’en-dehors venant leur apporter le message magique de l’efflorescence.

Notes
1046.

Cf. 3ème partie.

1047.

Xavier Noguez, « La zona del Altiplano central en el Posclásico : la etapa tolteca », Historia Antigua de México, vol. 3, op. cit., p. 216.

1048.

Leticia Varela, La música en la vida de los Yaquis, op. cit., p. 142.

1049.

Ibidem.

1050.

Ce qui établit une coïncidence étrange avec le Nahui Ollin des Azteca.

1051.

Heather Valencia, Queen of Dreams: The Story of a Yaqui Dreaming Woman, Hard Cover, 1991.

1052.

Edward Spicer, Los Yaquis. Historia de una cultura, op. cit., p. 76.

1053.

Leticia Varela, La música en la vida de los Yaquis, op. cit., p. 141.

1054.

Les Mixe, par exemple, pensaient que sous la terre vivait un grand Serpent à cornes dont les mouvements provoquaient les inondations et les tremblements.

1055.

Antonio Lorenzo, Misterios del México prehispánico, op. cit., p. 128.

1056.

Nous avons déjà évoqué dans cette deuxième partie la particularité du terme « Papas » dans sa relation avec la chevelure du Tlamatini.

1057.

Cf. 3ème partie.

1058.

Yolotl González Torres, Diccionario de mitología y religión de Mesoamérica, op. cit., p. 119.

1059.

Nigel Davies dans son livre, Los antiguos reinos de México, signale, dans le Sud-Ouest des États-Unis, des représentations du Serpent à plumes avec des cornes. Il précise que la colonisation culturelle du Nord-Ouest correspond plus à la période de Teotihuacan qu’à celle des Tolteca de Tula.

1060.

Peter T. Furst, Alucinógenos y cultura, op. cit., p. 284.

1061.

Gutierre Tibón mentionne la découverte d’un Xipe Totec, dans l’État de Morelos, datant de 1800 ans av. J.-C. (±200). (Cf. Gutierre Tibón, Historia del nombre y de la fundación de México, op. cit., p. 423).

1062.

Nous pouvons également faire référence à d’autres divinités primordiales, Piltzintecuhtli ou Teopiltzintli, dont la spécificité les insère directement dans le complexe des dieux solaires. Huitzilopochtli, parent proche de ces deux divinités, devient pour les Azteca, sous la désignation de « Colibri gaucher », le représentant du Soleil assoiffé de sang humain.

1063.

Dans un mythe Maya, le Cerf crée avec son sabot les organes sexuels de la Lune, qui est la première femme à s’accoupler avec le Soleil.

1064.

Miguel Pérez Negrete, El simbolismo en los indígenas americanos de la tortuga y otros elementos gráficos.

1065.

Pour une étude plus approfondie, consulter l’ouvrage de López Austin, Les paradis de brume.

1066.

Federico González, Los Símbolos Precolombinos. Cosmogonía, Teogonía, Cultura, Ed. Obelisco, Barcelona, 1989. http://www.geocities.com/Athens/Atrium/9449/

1067.

Ibidem.

1068.

Federico González, Los Símbolos Precolombinos. Cosmogonía, Teogonía, Cultura, op. cit.

1069.

Edward Spicer dans son livre, Los Yaquis. Historia de una cultura, compare la division duelle de l’an­née cérémonielle yaqui aux cérémonies religieuses des Hopi et des Huichol.

1070.

Federico González, Los Símbolos Precolombinos. Cosmogonía, Teogonía, Cultura, op. cit.

La célébration de la Waehma par les Yaqui offre la même symbolique.

1071.

María De Los Angeles Orduño, En el País de los Yaquis, op. cit., p. 206.

1072.

Peter T. Furst, Alucinógenos y cultura, op. cit., p. 286.

1073.

Ibid., p. 289.