Yoobwa

« Los primeros habitantes de Pusolana fueron los Sules, lo relacionado al pájaro Yoobwa ; luego, él nos dice que el Yoobwa tuvo sobre los Yakis un poder más que natural, fue figura legendaria, característica de la cultura yaki, pues según relatos de remotas épocas que hablan del Yoobwa, dicen que aquella ave, en los tiempos del zooteismo (…) de la tribu, ocupó lugar preeminente en su mitología.

El legendario Yoobwa representa y simboliza, en casi todos los casos, a pueblos enteros ; fue señalado por augures para llevar a cabo la fundación de una primitiva comunidad que habría de convertirse en la primera potencia bélica de su época ; aquí podemos encontrar las raíces de una tribu salvaje y bárbara que, andando el tiempo, seguramente habría de ser la de los Yaquis puros. Esto causa una pugna que terminó creando, desde esa época, la división en la primitiva familia yaqui, formándose así las ocho tribus que hasta hoy en nuestros días conocemos.

Cuenta la leyenda que en aquellos tiempos pasados había un ave grande que comía a la gente, por lo cual los habitantes tenían que andar tapados con ramas sobre la cabeza, para evitar ser vistos por esa ave.

Se dice que, en cierto día, el Yoobwa agarró a una mujer embarazada, próxima a dar a luz ; que, al cogerla, nació, al momento, un niño quien al transcurso de los años, en defensa de su tribu, pues era guerrillero desde su gestación, venció al Yoobwa.

El niño fue recogido por unos ancianos, quienes desesperaban porque no quería ingerir alimento alguno, como no fuera raspadura de arco, con lo cual, irremisiblemente fue criado.

Ahí es donde, el que nació del viento, Jekata úusi acaricia al moverse a la naturaleza, y donde creó el alimento de raspadura de arco que debían ingerir los guerreros que quisieran ser fuertes e invencibles, ya que sus luchas futuras serían contra la naturaleza, que es avasalladora, despiadada, terrible y cruel, acalla al hombre y sólo el Yoobwa existe en el lenguaje de la vegetación que produce el Kunwo, planta con que se hacen los arcos, cuya limadura, al ser ingerida por los guerreros, remite y capta las ondas del animal, instándola dentro de su campo emisor, para que en la lucha feroz, sólo el más fuerte venza.

El muchacho creció con los ancianos, y al transcurso del tiempo, la mujer le contó que el Yoobwa había matado y había comido a la madre de aquél. Cuando el muchacho creció, pidió al anciano que le hiciera un arco, y fue con la idea de matar al Yoobwa pero antes de irse, dijo a la anciana : “Siembra esta raíz de carrizo ; si muero, no brotará, pero si salgo con bien, brotará y florecerá .

Después de varios días de difícil camino, llegó hasta donde se escondía el ave, más allá del Valle, sobre Sierras bárbaras, impregnadas de sombras, parajes donde tan sólo se escuchan los retumbos sonoros que produce el viento, donde vaga, en el ambiente, un halo de misterio.

Llegó el joven y, al levantar el rostro, vio en el azul del cielo una gran mancha negra ; era el Yoobwa, con sus anchas alas, que pasó bajo el resplandeciente sol, y majestuosamente fue bajando.

El Yoobwa, al descubrir al valiente guerrero, se lanzó a pelear contra él, volando hacía abajo en grandes círculos. Jekata úusi, al tenerlo cerca, tiró flechazos a los ojos del ave y mató al Yoobwa. Después, sacó de la cintura un hacha, hizo pedazos al animal y le arrancó las plumas de colores y caminó hasta llegar al San Chowi (…) y esparció esas plumas al viento, las que, girando impulsadas por incógnita fuerza, hicieron nacer una multitud de salvajes pájaros de bellos colores, entre los que quizá el cuervo fue el menos agraciado. De aquellos huesos de la gente que el ave se había comido, se formó un cerro : el Otam Kawi (…) que puede verse al oriente de Bikan » 1240 .

Le mythe du Yoobwa nous inscrit à nouveau dans l’univers des Surem, les ancêtres mythiques des Yaqui, mais aussi de tous les peuples de Pusolana. Les Surem étaient des êtres immortels que seule la prédation du terrible Yoobwa pouvait anéantir ; échapper aux serres du redoutable Yoobwa c’était pour les Surem vaincre la mort.

Le Yoobwa, dans sa lecture « méta-symbolique », est celui que nous avons appelé :

« Monde ancien et magique qui se nourrit des formes vivantes qu’il a créées ».

Celui dont la mort, sous les flèches de Jekata úusi, est une sorte d’allégorie qui viendrait signifier la césure entre le monde des Surem et la nouvelle réalité de l’homme blanc, la réalité que « l’Arbre prophète » avait annoncée par la voix de Yomumuli aux peuples de Pusolana. Ceux qui ont accepté le baptême sont devenus des Yaqui, des êtres mortels, tandis que les autres, les Surem, ont préservé leur immortalité. La parole de l’homme blanc avec sa mystique sacrificielle et l’imposition du baptême, est donc venue rompre l’équilibre du huya aniya/yo aniya des Surem.

Les Surem sont devenus des Yaqui, mortels parce qu’ils ont accepté le baptême, mais, par cet acte de reconnaissance de la parole biblique, ils ont également préservé le monde des forces enchantées et magiques du huya aniya/yo aniya. Pour les Yaqui, aujourd’hui encore, les êtres immortels du bat-naátaka, sont aussi réels, par exemple, que le monde spirituel de la célébration de la Waehma. La manifestation des formes magiques du bat-naátaka, sont celles qui prennent, encore aujourd’hui, l’apparence d’un Serpent, d’un Cerf ou d’une Antilope, c’est-à-dire les êtres surnaturels du huya aniya/yo aniya.

Le monde autre des Yaqui n’est pas une illusion, mais « l’imprégnience » d’un rêve qui, pour ceux qui vont à la rencontre des forces enchantées, manifeste une « parole » hors des mots, c’est-à-dire le message qu’un cœur transmet à un autre cœur, celui que l’esprit du Sewa Wailo, par sa dualité, délivre aux voyageurs des songes.

La mort symbolique du Yoobwa, c’est la perte de l’immortalité pour les Surem, c’est-à-dire des Yaqui désormais garants d’une mémoire collective et mythique. Les Yaqui ont révélé le monde autre des Surem en devenant ceux que les jésuites vont baptiser, ils ont reconnu l’autorité de la parole biblique car, aussi surprenant que cela puisse paraître, elle donne sa légitimité à la parole mythique des Surem. Les êtres surnaturels de la tradition biblique, par le pouvoir de leur parole validaient la parole des formes enchantées et magiques du monde autre des Surem ; le Serpent de la Légende yaqui des prédictions, le Kuta nokame, le jiak biba, etc. par leur « acte de parole » ont simplement prophétisé ce qui désormais constitue la réalité des Yaqui.

Le monde autre des Surem existe parce que les Yaqui, en acceptant de vivre sous l’auto­rité plus ou moins effective des jésuites, sont devenus un peuple dont la spécificité cul­turelle ne pourra jamais être niée.

Le mythe du Yoobwa insère d’autres niveaux d’analyse comme la mention de la « Mon­tagne des Os », le Otam Kawi où le Yoobwa conservait les os des Surem qu’il avait dévorés. Dans la mythologie nahuatl, Quetzalcóatl, par l’intermédiaire de son nahual, vole les os du Mictlan pour donner vie aux macehuales. Les os occupent une place très particulière dans les croyances des Yaqui préhispaniques qui gardaient en trophée les os des ennemis qu’ils avaient vaincus et parfois mangés 1241 .

Alfredo López Austin, dans son livre Les paradis de brume, fait référence, à propos des paroles de Huitzilopochtli comme « manifestations divines préludant à la fondation de México Tenochtitlan » 1242 , à l’apparition d’un Aigle 1243 sur un figuier de barbarie.

Là sur l’entrecroisement des trois bandes 1244 , celle du feu et de l’eau, celle du rouge et du noir (du Tlillan Tlapallan destination de Quetzalcóatl), celle du courant bleu et du courant jaune, qui « avait la forme d’une croix de Saint-André » 1245 , avec au milieu du carrefour un rocher 1246 , et sur « celui-ci un grand figuier de barbarie en fleur, où un Aigle royal avait son séjour et sa nourriture, car ce lieu était plein des os et de beaucoup de plumes d’oiseaux » 1247 . Les os que Quilaztli va moudre et qui sont à l’origine des nouveaux macehuales. Le secret de la vie et de la mort semble être emprisonné dans la métamorphose des os et du squelette ; ce qui reste et que certains, comme Quetzalcóatl ou Sewa Wailo, parviennent à métamorphoser pour redevenir une étoile et retourner vers Tamoanchan pour Quetzalcóatl ou Itom’achai pour Sewa Wailo.

Le nom du jeune héros, Jekata úusi, « celui qui est né du vent », ainsi que sa naissance, sont autant d’éléments qui créent des liens intéressants avec la cosmovision des Azteca ; le vent c’est le pouvoir de Yohualli, « celui qui existe mais qui n’est pas visible », mais aussi celui de Moctezuma qui, au-delà des qualités que nous lui avons déjà attribuées, est un être, parfois maléfique, commandant les forces du vent. La naissance de Jekata úusi se superpose à celle de Huitzilopochtli, car ils sont tous les deux mis au monde avec les attributs du guerrier. D’ailleurs, comme il est écrit dans le mythe, Jekata úusi, pour vaincre le Yoobwa, se nourrissait exclusivement de Kunwo, l’arbre avec lequel était confectionné l’arc du jeune guerrier pour tuer le Yoobwa.

La rencontre avec le Yoobwa, pour le jeune guerrier, Jekata úusi, est une façon de faire face à la mort et à sa dualité ; vaincre le Yoobwa pour le jeune Suré c’est préserver, au-delà de la réalité imposée par le Yoobwa, son atemporalité pour dépasser l’abstraction de la mort. Pour le peuple Suré, le Yoobwa était l’une des formes qui exerçait son pouvoir comme manifestation de leur dualité.

La Légende yaqui des prédictions, avec le Mago Chapulín, nous apporte les éléments pour préciser la manifestation de la dualité qui introduit la voie, le chemin, permettant aux Surem d’être en dehors du temps. Enfin, la Légende yaqui des prédictions, dans le propos de son récit, va bien au-delà du cadre thématique que nous avons arbitrairement adopté. Mais, notre propos est précisément de nous situer sur le niveau « méta-symboli­que » que les actes du Chapulín introduisent, c’est-à-dire le phénomène de la dualité qui emporte vers l’autre réalité du monde.

Notes
1240.

Ruth W. Giddings, propose une version différente du même mythe dans son ouvrage, Yaqui myths and legends.

1241.

Cette pratique, de conserver les os, est peut être à l’origine du Tzompantli azteca.

1242.

Alfredo López Austin, Les paradis de brume, op. cit., pp. 104-106.

1243.

Cf. Appendice, Leyenda del Águila Azteca y de la fundación de México.

1244.

Alfredo López Austin, Les paradis de brume, op. cit., pp. 104-106.

1245.

Ibid., p. 105.

1246.

Là où, selon l’oracle de Huitzilopochtli, s’était reposé, sur un petate et entre les joncs, Quetzalcóatl.

1247.

Alfredo López Austin, Les paradis de brume, op. cit., pp. 105-106.